Younited Crédit, ex Prêt d’Union, a bâti sa réputation sur le crédit entre particuliers. Mais qui peut prêter sur cette plateforme ? Uniquement des investisseurs « professionnels » au sens de l’AMF pour les fonds, tout le monde sur les comptes à terme. Zoom sur ces placements et leurs rendements avec le président du directoire, Charles Egly.

A quoi correspond le taux d’intérêt moyen, de 5,80%, que l’on peut voir dans vos statistiques ?

Charles Egly : « Il s’agit du taux d’intérêt moyen que paient l’ensemble des emprunteurs. Mais les taux sont différents selon les catégories d’emprunteurs. Par ailleurs, ces 5,80% ne prennent pas en compte les défauts de paiement. »

Donc, pour les investisseurs, ce n’est pas un rendement moyen…

C.E. : « Sur notre site, dans la rubrique ''investir'', vous avez les rapports mensuels et les performances exactes de nos cinq fonds actuellement ouverts à l’investissement. »

Le fonds Equilibré Court, ni le plus prudent, ni le plus risqué, affiche plusieurs performances mensuelles négatives en 2016 et fin 2015…

C.E. : « Ce fonds fait 4 millions d’euros : ce n’est pas le plus important de nos supports d’investissement. Effectivement, ce ne sont pas les emprunts les plus risqués mais nous avons enregistré un peu plus de défauts que prévu. Etant donnée la taille modérée du fonds, ces défauts ont un impact plus important sur la rémunération. »

Les performances négatives sont-elles toutes à imputer aux impayés des emprunteurs ?

C.E. : « Oui. Après, il ne faut pas regarder le taux au mois le mois : sur un an, tous nos fonds sont dans le positif. Par ailleurs, sur nos FCT (1), il y a très peu de volatilité par rapport à un fonds investi en actions. »

Sur tous vos fonds, on voit quand même des performances peu mirobolantes fin 2015 et début 2016…

C.E. : « Les taux de la Banque centrale européenne (BCE) sont à zéro ou en négatif. Dans ce contexte économique, ce que nous offrons en 2016, c’est excellent pour des fonds obligataires ! Même sur les moins risqués de nos fonds, nous clôturerons l’année à plus de 2%. Certes les performances ont baissé, mais c’est logique. Pourquoi ? Car tous les taux ont baissé, y compris ceux des crédits que nous proposons aux emprunteurs sur notre plateforme. Cela impacte évidemment la rémunération. »

Dans vos rapports mensuels, vous listez aussi les crédits selon le nombre d’impayés. 4% du capital avec six impayés ou plus sur Equilibré Court, est-ce inquiétant ?

C.E. : « C’est une photo à l’instant T du stock. Cette photo ne permet pas de prévoir les performances futures du fonds. En outre, quand il y a des défauts de paiement, cela impacte déjà les performances passées. Nous donnons ces informations par transparence mais il faut surtout regarder l’évolution de la performance pour se faire une idée. »

Vos prévisions d’impayés sont-elles respectées ?

C.E. : « Les estimations de performance des différents fonds prennent en compte les défauts et les frais de gestion. Exemple : sur le Conservateur Long, l’estimation était de 3%, après impact des impayés. Or la performance annualisée à ce jour est de 3,53%. Idem sur Conservateur Court, sur Equilibré Long et sur le Dynamique : nous sommes au-delà des espérances. En revanche, sur Equilibré Court, comme nous l’avons souligné tout à l’heure, nous avions prévu 3,50% : nous sommes à 2,02%, effectivement en-deçà des espérances. Ce n’est pas une science exacte mais nous sommes globalement en phase avec nos objectifs. »

Votre positionnement, en alternative au crédit conso classique, peut laisser penser que vos emprunteurs sont moins solvables…

C.E. : « C’est exactement l’inverse : nous faisons plus de contrôles de fraude et de solvabilité, dans la mesure où nous demandons plus de justificatifs que les acteurs classiques. »

Alors pourquoi les emprunteurs se tournent-ils vers vous ?

C.E. : « Car nos taux sont compétitifs. Et notre plateforme est transparente sur tous les mouvements. »

Vous proposez aussi un compte à terme, via la plateforme Raisin. Pourquoi ne pas lancer cette offre directement sur votre site ?

C.E. : « Parce que nous avions lancé cette même offre avec Raisin en Allemagne et que ce système fonctionne très bien. »

Ce compte à terme ne permet pas de déblocage anticipé. N’est-ce pas un handicap ?

C.E. : « Non. En ne permettant pas le déblocage anticipé, le taux [actuellement 1,65% par an pendant 3 ans via Raisin, NDLR] est un peu meilleur. C’est un arbitrage entre liquidité et rémunération. »

Vos fonds ne sont accessibles qu’aux investisseurs « professionnels » (2). Pourquoi ne pas lancer des produits d'épargne accessibles à tous, comme un livret, directement depuis Younited Credit ?

C.E. : « C’est ce que l’on fait en Allemagne, en Autriche et en France via Raisin sur les comptes à terme. Sur les livrets, il faut gérer la liquidité : c’est moins notre activité et, vu la baisse des taux, ils ne seraient pas très intéressants. »

Pour vos fonds, les autorités de régulation vous contraignent aux investisseurs « professionnels ». Souhaitez-vous élargir votre champ d’épargnants ?

C.E. : « Oui, c’est l’objectif. C’est aussi pour cela que nous avons ouvert les comptes à terme qui eux sont ouverts à tous. Sur les FCT (1), nous sommes toujours en discussion avec l’AMF pour une ouverture à tous les particuliers. »

Combien d’investisseurs comptez-vous aujourd’hui sur Younited Credit ?

C.E. : « Sans les comptes à terme, activité plus récente, environ 3.000 investisseurs-prêteurs. Cette communauté regroupe des particuliers qui peuvent justifier d’une qualité d’investisseur professionnel, mais aussi des family offices [service de gestion de patrimoine pour le compte de clients très fortunés, NDLR], des sociétés de gestion, etc. Côté emprunteurs, nous finançons actuellement environ 20 millions d’euros par mois, ce qui représente environ 3.000 nouveaux emprunteurs par mois. »

Est-ce plus facile d’attirer des investisseurs ou des emprunteurs ?

C.E. : « En ce moment, c’est plus facile de recruter des prêteurs car les taux des FCT et comptes à terme sont bien positionnés par rapport au marché. Cela montre d’ailleurs que nos performances sont jugées très bonnes au regard de l’environnement de taux bas. »

En 2015, vous avez drainé autant d'argent que toutes les plateformes de crowdfunding réunies. Vos investisseurs ont un statut « professionnel »… Appartenez-vous toujours au financement participatif ?

C.E. : « Aux Etats-Unis, on parle désormais moins de crowfunding, plutôt de marketplace lending [les plateformes Funding Circle, Lending Club et Prosper ont fondé la Marketplace lending association, NDLR] ou de online lending [prêt en ligne en français, NDLR]. De quoi se réclame-t-on ? C’est une bonne question : aujourd’hui je me retrouve plus dans le marketplace lending. C’est un peu comme le Bon Coin et Priceministrer : au début il n’y avait que des particuliers puis, au fur et à mesure, l’économie collaborative se professionnalise. »

Avec un statut d’établissement de crédit, Younited Credit n’est-il pas une banque à part entière ?

C.E. : « Une banque a une activité bilancielle : elle enregistre de nombreux dépôts, pour le transformer et octroyer des crédits. Nous ne faisons pas d’opération de transformation, ni d’activité annexe : l’argent récolté sert uniquement à financer les crédits des particuliers. »

Avez-vous atteint vos seuils de rentabilité ?

C.E. : « Nous sommes encore en phase de croissance : nous n’avons que 4 ans et demi d’activité. En France et en Italie, où nous avons lancé l’activité crédit en mars 2016, nous visons 220 millions d’euros de production de prêts sur l’année 2016. »

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(1) FCT, pour Fonds communs de titrisation.

(2) Selon le Code monétaire et financier (article L533-16), le client « professionnel » est celui « qui possède l'expérience, les connaissances et la compétence nécessaires pour prendre ses propres décisions d'investissement et évaluer correctement les risques encourus ». Plus concrètement, pour les personnes physiques, Younited Credit précise qu’il faut détenir un patrimoine financier d’au moins 500.000 euros, être actif sur les marchés boursiers, et avoir travaillé au moins un an à un poste lié à la finance d’entreprise, de marché, la banque ou l’assurance.