Les taux de crédit sont au plus bas mais l’endettement des Français ne suit pas le même mouvement. Sollicitant des prêts de plus en plus élevés, les emprunteurs se retrouvent autant endettés qu’en 2010.

4 ans et 4 mois. Si les Français qui ont contracté un prêt immobilier en 2015, consacraient l’intégralité de leurs revenus, chaque mois, à rembourser ce crédit, c'est le temps qui leur faudrait pour y parvenir. Depuis que l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) mesure cet indicateur (1), en 2004, l’endettement moyen à l’octroi n’a atteint qu’une seule fois un niveau comparable : en 2010, avec 4,34 années de revenus.

A titre de comparaison, le montant du crédit ne représentait « que » 3 ans et 7 mois en 2004, en moyenne. Cet indicateur avait ainsi fortement augmenté de 2004 à 2010, malgré un petit décrochage en 2008, avant de se stabiliser autour de 4,2 années de revenus ces dernières années. Cette statistique grimpe encore plus haut lorsque l’ACPR se concentre sur les seuls ménages achetant leur résidence principale, qu’il s’agisse de leur premier achat immobilier ou non. En 2015, leur crédit représentait près de 5 années de revenus !

« La tendance semble se prolonger » en 2016

Le record de l’année 2010 devrait être battu en 2016. Si le régulateur des secteurs banque et assurance ne livre aucun chiffre sur les derniers mois écoulés, il souligne que « la tendance semble en outre se prolonger sur les premiers mois de 2016, à l’exception des primo-accédants pour lesquels le taux d’endettement semble se stabiliser ».

Comment expliquer que l’endettement des emprunteurs tutoie à nouveau les sommets ? Etonnamment, une statistique tendrait à penser le contraire : le « taux d’effort » (2), plus communément appelé taux d’endettement, diminue au moment de l’octroi. « Il revient en effet à 29,4% en 2015, son niveau le plus faible depuis 2004 », selon l’ACPR. Les banques réclament généralement que les mensualités ne dépassent pas un tiers des revenus. Après avoir atteint 31,5% en 2009 et 2010, ce taux d’effort s’est donc adouci. De moins en moins d’emprunteurs se voient accorder un prêt avec un taux dépassant les 35% selon l’ACPR : un peu plus de 1 sur 5 en 2015, contre près de 1 sur 3 en 2008. En revanche, pour près de 4 emprunteurs sur 10, ce taux d’effort reste situé entre 20% et 30% des revenus.

« Le montant moyen du prêt continue de progresser »

Toutefois, « en dépit de la baisse du taux d’effort », un élément influe très fortement sur l’endettement des emprunteurs : « le montant moyen du prêt continue de progresser », souligne l’ACPR. De 110.098 euros, toutes catégories de prêt confondues, en 2009, à 149.018 euros en moyenne en 2015.

Lire à ce propos : Le montant du prêt moyen a bondi de 37% en 5 ans pour la résidence principale

Des statistiques contradictoires ? Dans son étude trimestrielle parue la semaine passée, l’observatoire Crédit Logement-CSA analysait ainsi la hausse du coût des opérations par rapport aux revenus des emprunteurs : « Cette dernière évolution est logique dans le contexte d’une reprise des marchés à laquelle contribuent [au] développement de la primo-accession et le retour des ménages modestes. » Ainsi, les revenus des ménages sollicitant un crédit « progressent toujours lentement ». Du moins plus lentement que le coût de l’opération. Ce qui explique que l’endettement immobilier des emprunteurs atteignent à nouveau des niveaux record.

(1) L’enquête de l’ACPR sur le financement de l’habitat en 2015, datée de juillet 2016, repose sur des données collectées auprès « d’un échantillon de banques représentant 96,3% des encours de crédits à l’habitat aux particuliers au 31 décembre 2015 ».

(2) Ce taux d’effort « rapporte la charge de remboursement aux revenus de l’emprunteur », selon l’ACPR.