Le Haut Conseil de stabilité financière, présidé par le ministre des Finances Michel Sapin, a une nouvelle fois appelé les assureurs à baisser les rendements des fonds en euros. Une position qui prend un tout autre relief avec le projet de loi Sapin II.

Décembre 2015 : « [Le Haut Conseil] considère qu’une poursuite des ajustements des rendements (…) est nécessaire. » Le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) rappelait ainsi dans un communiqué sa « vigilance » concernant la rémunération de l’assurance-vie en 2015. Résultat : un taux moyen de 2,3%, selon l’Association française des assureurs, contre 2,54% en 2014 selon le régulateur de l’assurance.

13 juin 2016 : « Malgré sa communication sur le sujet, le HCSF estime que l’ajustement à la baisse des rémunérations des contrats d’assurance-vie intervenu en 2015 a été insuffisant au regard des circonstances macroéconomiques et financières actuelles, et en particulier des rendements prévisibles des actifs sous-jacents. » A l’occasion de sa dernière réunion, cet organisme rassemblant notamment le gouverneur de la Banque de France et le vice-président du régulateur banque-assurance, l’ACPR, enjoint les assureurs à « poursuivre la mise en adéquation des rendements des produits d’épargne avec l’environnement financier actuel ». Les termes choisis ressemblent aux précédents communiqués du HCSF mais le ton se fait cette fois plus sentencieux et insistant.

Les pouvoirs du HCSF bientôt renforcés ?

Les missions de ce Haut Conseil, créé en juin 2014, se limitent pour l’heure principalement à des avis et recommandations, avec pour objectif de « prévenir le risque systémique ». Mais il pourrait bientôt voir ses pouvoirs élargis, suite à l’adoption ce mardi du projet de loi Sapin II à l'Assemblée nationale.

En commission des Finances, le député PS Romain Colas avait en effet intégré un amendement (1) étendant les prérogatives du HCSF. Si le texte reste tel quel lors de la navette parlementaire, ce Haut Conseil pourra, « sur proposition du gouverneur de la Banque de France (…), moduler les règles de constitution et de reprise de la provision pour participation aux bénéfices pour les personnes ». Cette PPB, censée permettre de lisser les rendements d’une année sur l’autre, ne peut en effet être dotée que dans des proportions limitées.

Pour plus de détails : Comment les assureurs stockent des bénéfices en réserve avec la PPB

L’objectif du député Romain Colas, rapporteur pour la loi Sapin II : « renforcer la résilience des entreprises d’assurance face à des variations importantes de taux d’intérêt ou de prix des actifs ». Autrement dit : doter plus fortement la PPB si le besoin s’en fait ressentir, ce qui limiterait temporairement les rendements servis aux assurés.

« En rien une innovation juridique majeure »

Le texte adopté permet aussi au HCSF de prendre des mesures présentées comme préventives « lorsque cela est nécessaire pour préserver la stabilité du système financier », pour reprendre le commentaire de Romain Colas. Parmi ces mesures : « limiter temporairement (…) l’acceptation de primes ou versements », « suspendre, retarder ou limiter (…) le paiement des valeurs de rachat » ou « la faculté d’arbitrages ».

Dans l’avis de la commission des finances, enregistré le 25 mai dernier, Romain Colas affirmait que sa proposition n'était « en rien une innovation juridique majeure, puisque ces dernières peuvent déjà être prises à titre individuel par l’ACPR » : « L’innovation réside principale pour le HCSF dans la possibilité de prendre des mesures d’ordre macroprudentiel, c’est-à-dire qui s’appliqueraient (…) à l’ensemble des organismes d’assurance ou à une partie significative d’entre eux. » Cette mesure permettrait toutefois au ministre des Finances, qui préside le HCSF, de disposer d’un pouvoir plus direct sur le secteur de l’assurance. Lors de son audition par la commission des Finances de l’Assemblée nationale, Michel Sapin a d’ailleurs « salué » cette « initiative » de la commission.

(1) Amendement CF98 présenté par le rapporteur PS du projet de loi Sapin II, Romain Colas. Article additionnel après l’article 21.