Avec 300.000 clients en 27 mois, le Compte Nickel suit le tableau de marche qui doit l’amener à l’équilibre fin 2016, et réfléchit déjà à la suite. Ouvertures de compte « web-to-store », partenariats avec d’autres fintechs, déploiement à l’international : Hugues Le Bret, co-fondateur du service, détaille pour cBanque les projets du « compte sans banque ».

Hugues Le Bret, la Financière des paiements électroniques (1) a dévoilé la semaine passée des chiffres très encourageants : 300.000 clients après 27 mois de commercialisation du Compte Nickel. Avez-vous le sentiment d’avoir ouvert une brèche dans le monopole bancaire ?

Hugues Le Bret : « Pour la brèche, on verra. Ce qui est certain, c’est qu’il y a un momentum, un contexte favorable pour un service comme le nôtre. Le curseur de la confiance, d’abord, est en train de se déplacer, de la grande institution vers le peuple. Les consommateurs accordent aujourd’hui autant, voire plus d’importance au bouche-à-oreille sur internet qu’à la publicité traditionnelle. Cela nous a aidés à nous faire connaître. On constate ensuite qu’il y a une scission des fonctions traditionnelles de la banque. Compte Nickel fait de la tenue de compte et du paiement, d’autres fintechs proposent du crédit ou de l’épargne. Aujourd’hui, un utilisateur averti peut reconstituer assez simplement l’ensemble des prestations d’une banque, mais en choisissant à chaque fois la meilleure proposition. Dans ce contexte, de nouveaux modèles économiques se créent. »

Parmi les nombreuses fintechs qui émergent actuellement, Compte Nickel apparaît comme une des plus solides…

H.L.B. : « Effectivement, nous avons à cœur de mettre en œuvre un vrai modèle d’entreprise (82 salariés actuellement) et de démontrer notre capacité à être rentable. C’est pourquoi toute notre énergie est actuellement orientée vers un objectif : atteindre au plus vite le cap des 500.000 clients et des 2.300 buralistes équipés, où nous situons notre point d’équilibre. Cela devrait être le cas début 2017. Ensuite viendra le temps de courir d’autres lièvres. »

Quelles seront vos priorités de développement, une fois cet équilibre atteint ?

H.L.B. : « Nous constatons qu’une partie non négligeable de nos clients, de l’ordre d’un tiers, déposent plus d’argent sur leur Compte Nickel qu’ils n’en dépensent. Nous avons donc le potentiel de leur rendre d’autres services que la simple tenue de compte : du crédit, de l’épargne ou encore de l’assurance. Nous avons commencé à prendre contact avec d’autres acteurs spécialistes de ces sujets, avec l’objectif de tisser des partenariats dans le futur. »

Vous aussi avez commencé à préparer le terrain pour une offre destinée aux professionnels. Où en êtes-vous ?

H.L.B. : « Effectivement, nous avions déjà amorcé cette évolution et obtenu l’agrément du régulateur, avant de la mettre entre parenthèses pour nous concentrer sur le développement de l’offre particuliers. L’offre pro va finalement être lancée, de manière progressive, à partir de l’automne 2016. »

Qu’en est-il d’un développement à l’international, évoqué à l’occasion de votre dernière levée de fonds ?

H.L.B. : « Nous recevons toutes les semaines des sollicitations venues d’Afrique ou de d’autres pays d’Europe. Un de nos collaborateurs est déjà chargé de les examiner. Mais nous nous avons pas encore pris la décision d’appuyer sur ce bouton, ni réfléchi à un réseau de distribution. »

Votre succès semble prouver que l’absence de gratuité n’est pas forcément rédhibitoire pour un service de paiement…

H.L.B. : « Effectivement, Compte Nickel coûte en moyenne 50 euros par an à nos clients actifs. Mais ce coût est accepté car il apparaît comme transparent et justifié. Nos clients viennent à nous parce que le service est accessible immédiatement, sans conditions de revenus et à un prix accessible. Ils restent parce qu’ils apprécient sa qualité : le report des opérations en temps réel, les alertes SMS, et plus généralement la possibilité de reprendre le contrôle sur leurs dépenses. »

Vous êtes une des rares fintechs à toucher le grand public. Comment y êtes-vous parvenus ?

H.L.B. : « Notre présence chez les buralistes y est pour beaucoup. Elle nous permet aujourd’hui de toucher une audience captive d’environ 500.000 personnes chaque semaine. Pour parvenir à ce chiffre avec un service 100% en ligne, il faudrait faire des investissements publicitaires énormes. La présence physique de notre borne dans les bureaux de tabac, ensuite, rassure. Elle permet l’immédiateté, et donc les achats d’impulsion. Enfin, l’aide apportée par le buraliste dans la procédure d’ouverture nous permet de nous adresser à toutes les clientèles, y compris les personnes âgées ou fragiles. »

Vous n’envisagez donc pas de faire évoluer vos modes de distribution…

H.L.B. : « En France métropolitaine, la distribution de Compte Nickel restera une exclusivité des buralistes qui, il faut le rappeler, ont pris une participation de 6,1% dans notre capital. Nous avons simplement en projet de permettre aux futurs clients d’accomplir une partie de la procédure d’ouverture du compte depuis chez eux, devant leur ordinateur. A la rentrée 2016, tout ce qui se fait aujourd’hui sur la borne, notamment l’envoi des pièces justificatives, pourra aussi se faire à la maison. Le client obtiendra ensuite un code, puis se rendra chez son buraliste pour récupérer son coffret et activer sa carte. »

Pour terminer, que vous inspire l’arrivée en France de la néo-banque allemande Number26 et celle prochaine d’Orange Bank ?

H.L.B. : « Number26 est un service très bien fait, en terme de design, d’usage client… Mais il est 100% en ligne, et s’adresse donc à un autre clientèle que la nôtre. Quant au lancement d’Orange Bank, c’est une bonne nouvelle. L’arrivée d’un acteur aussi puissant va en effet permettre d’élargir considérablement le marché des nouveaux services bancaires. »

Lancement imminent pour le paiement entre particuliers

Compte Nickel va lancer dans les prochains jours sa première application mobile, qui sera disponible sur les plateformes Android et iOS. Jusqu’ici, seule la version mobile du site web de la marque permettait aux clients de gérer leur compte en mobilité.

Cette application va s’accompagner d’une nouvelle fonctionnalité : le paiement par SMS. Les clients Compte Nickel pourront ainsi s’envoyer de l’argent grâce à un simple message expédié depuis l’application.

(1) La FPE est l’établissement de crédit qui exploite la marque et le service Compte Nickel.