Quel est le point de départ du délai de prescription, au-delà duquel un emprunteur ne peut plus contester le taux effectif global (TEG) appliqué à son prêt ? Un arrêt de la Cour d’appel de Versailles pourrait amener à une évolution de la jurisprudence sur le sujet, en introduisant une distinction entre emprunteur professionnel et particulier. Explications.

Contester devant la justice le taux de son crédit immo, au motif que le TEG présenté par la banque est erroné, peut s’avérer une bonne affaire. Si l’emprunteur obtient gain de cause, la sanction prononcée par les tribunaux est en effet la substitution de ce TEG par le taux d’intérêt légal, généralement beaucoup plus avantageux.

Dans ce contexte, la contestation de TEG est devenue une activité en soi pour un certain nombre d’experts plus ou moins compétents qui vendent, généralement sur le web, la promesse de substantielles économies. Méfiance toutefois : « En matière de TEG, rien n’est jamais sûr » expliquait récemment à cBanque un de ces experts, Pierrick Houga.

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Date de signature du contrat ou date de révélation de l’erreur ?

Un arrêt de la Cour d’appel de Versailles, rendu le 2 avril 2015, a encore montré la complexité de la jurisprudence sur le sujet. Cette juridiction avait été saisie par deux co-emprunteurs, condamnés en première instance à verser l’intégralité de leur prêt et des intérêts à leur banque, suite à des incidents de remboursement.

En appel, ces emprunteurs ont fait une demande en nullité de la clause de stipulation des intérêts, expliquant qu’ils avaient découvert entretemps que le TEG présenté dans le contrat de prêt était erroné. Une manière pour eux d’alléger le montant à rembourser. Pour contester la recevabilité de cette demande, les représentants de la banque ont invoqué de leur côté la prescription. Dans ce cas, le délai de prescription est en effet de 5 ans, un délai dépassé au moment de l’appel, selon eux.

Mais quel est le point de départ de ce délai de prescription ? C’est la question à laquelle la Cour d’appel de Versailles a dû répondre. Pour la banque, il s’agit de la date de conclusion du contrat. Pour les emprunteurs, en revanche, c’est la date à laquelle ils ont pris connaissance de l’irrégularité qui prévaut. La Cour d’appel, au final, a donné raison aux seconds et prononcé la nullité de la clause de stipulation des intérêts, expliquant notamment que l’ambigüité des termes de cette clause ne la rendait pas accessible à un consommateur profane.

L'arrêt de la Cour de cassation très attendu

Mais l’affaire ne s’arrête pas là. La banque, en effet, a décidé de la porter devant la Cour de cassation. « [L’arrêt] devrait échapper à la censure de la Cour de cassation, au bénéfice du contexte », estime Me Jean-Baptiste de Cabanes, du cabinet Vincent Ségurel, dans un commentaire de la décision.

En effet, la Cour de cassation a déjà rejeté par le passé ce type de raisonnement. Mais l'arrêt en question concernait, rappelle Me Cabanes, un prêt immobilier souscrit par un professionnel. Cette fois, il s’agit « d’un prêt [distribué] par un prêteur professionnel à un emprunteur profane », ce qui fait toute la différence, selon l’avocat. La position de la Cour de cassation, en tout cas, « sera attendue avec interêt », poursuit-il : elle pourrait en effet ouvrir la voie à de nombreux nouveaux recours.