Alors que l’horizon s’obscurcit pour les fonds euros traditionnels, les assureurs incitent les épargnants à prendre des risques. Mais pour François Leneveu, président et cofondateur du courtier en ligne Altaprofits, il ne faut pas écouter les assureurs : chacun est libre de faire ce qu’il veut !

François Leneveu, on dit que les fonds euros sont en danger. Les assureurs incitent les clients à investir dans les unités de compte. Faut-il les écouter ?

François Leneveu : « Imaginons la carte d’un restaurant proposant des mets raffinés et rares. Par exemple, un poisson ou un crustacé difficiles à trouver, mais dont la consommation est légale. Si j’en ai envie, est-ce que je me dis ''non, ce n’est pas bien parce que c’est rare'' ? On est dans le même cas de figure. On le sait, les fonds en euros sont une espèce en voie de disparition, en tout cas d’évolution. Mais du point de vue du consommateur, si on a envie d’en prendre, il n’y a aucune raison de se limiter. »

On dit pourtant aux investisseurs : n’en prenez pas trop…

F.L. : « Ce n’est pas le problème du consommateur ! L’assureur peut énoncer des règles draconiennes d’unités de compte dans chaque versement. Mais si on peut prendre 100% de fonds en euros, il ne faut pas hésiter un instant. »

Tout le monde doit-il investir dans les unités de compte ?

F.L. : « Je pense que mes confrères sont comme moi : assez souvent, on a des épargnants qui ont un profil de type ''aversion au risque''. Il y a en effet des gens qui sont foncièrement opposés à une prise de risque. Ils ont par exemple indiqué ''je n’y connais rien'', ''je ne veux pas perdre d’argent''… Des réponses très structurantes, tellement claires qu’on ne peut pas faire d’interprétation. Dans ce cas, on préconise de ne pas prendre d’unités de compte du tout. »

Ceux qui refusent le risque mettent-ils en danger les fonds euros ?

F.L. : « Pas du tout. Les difficultés des fonds euros sont liées à la baisse des taux d’intérêt. Et ça, le client comme les assureurs n’y sont pour rien. L’autre contrainte dépend des évolutions règlementaires européennes et mondiales. C’est au monde de la finance de faire valoir son point de vue auprès des pouvoirs publics, et auprès des institutions européennes et internationales. »

Pourquoi entend-on des discours culpabilisants ?

F.L. : « Les assureurs indiquent aux épargnants que la fête ne va pas durer sur les fonds euros. C’est bien d’avertir les gens sur les perspectives. Mais l’horizon de l’épargnant est très court. Tous les ans, il se pose la question ''Stop, ou encore''. Quand on voit les résultats actuels, c’est vrai qu’il y a des fonds en euros dont les rendements sont lamentables. L’objectif est sans doute de tuer certaines générations de contrats, mais je ne veux pas entrer dans cette polémique. Même s'il est vrai qu’une fois l’inflation déduite, un mauvais rendement, comme 1,40% ou 1,80%, que l’on trouve malheureusement trop souvent, reste meilleur que le rendement des livrets, et avec des avantages fiscaux en plus. Le point de bascule chez le consommateur, ce sera le jour où il considèrera que le rendement réel de son épargne est devenu inintéressant par rapport à l’inflation et qu’il aura trouvé une alternative sans risques. Tant qu’on n’est pas dans cette situation, le client ne dit pas stop. Il dit encore ! »

Les assureurs exagèrent leur discours ?

F.L. : « C’est probablement comme le capitaine d’un pétrolier qui a besoin d’anticiper très longtemps à l’avance un changement de cap. Il y a beaucoup de bruit en passerelle, mais peut-être un peu exagérément. L’équipage que nous sommes tous, en tant qu’épargnants, se lasse des fausses alertes. Si on reprend les discours de Christian Noyer [alors gouverneur de la Banque de France, NDLR] le péril était imminent ! Et pourtant, on trouve encore de bons rendements. Il n’y a pas le feu pour les fonds euros ! Il faut encore en profiter. Et ensuite, les investissements seront appelés à se renouveler. On trouvera autre chose, d’autres solutions émergeront. »

On pointe souvent la garantie permanente en capital. Les assureurs poussent vers l’eurocroissance, garanti à terme. Faut-il basculer ?

F.L. : « Vous vous doutez de ma réponse. Il y a quelque chose de paradoxal. Les compagnies d’assurance ont du mal à avoir une vision à moyen terme de l’évolution des taux d’intérêt et de la situation économique. Mais au travers de l’eurocroissance, elles suggèrent à des clients qu’un horizon de 8 ans ou plus pour obtenir une garantie, c’est tout à fait bien. On est dans un monde inconnu et très volatil. Si les assurances ont une prudence extrême sur les différents scénarios possibles pour leur propre gestion actif-passif, elles ne peuvent dénier dans le même temps l’envie des assurés de bénéficier d’un maximum de garanties à court terme. Quelque chose ne colle pas. Soit le fonds est garanti tout de suite et tout le temps, soit il n’est pas garanti et c’est alors un placement à risque. »

Quand on est dans l'aversion au risque, que faut-il choisir à long terme ?

F.L. : « Des fonds euros sur internet. Parce qu’il n’y a pas de frottements à l’entrée sur les frais. Plus les rendements baissent, plus il faut de temps pour amortir les frais d’entrée. Et internet offre de meilleurs rendements, essentiellement parce qu’il y a des frais de gestion plus faibles. »

Que pensez-vous des contrats bancaires qui servent moins de 2% ?

F.L. : « C’est une aberration. Mon propos est clair. Arrêtons d’ouvrir des contrats d’assurances-vie dont les rendements sont faibles. Et arrêtons de verser de l’argent sur d’anciens contrats qui rémunèrent mal, avec en plus des frais d’entrée. Continuer à s’accrocher à un avantage fiscal sur un contrat qui ne rapporte pas grand-chose, on le paye très cher. Ce sont les mêmes gestionnaires partout. Ils sortent tous des mêmes écoles. Ils passent d’une compagnie à l’autre. Il n’y a aucune raison pour justifier des performances aussi basses. Ils ont à peu près les mêmes coûts de fabrication. Donc la différence, ce sont des coûts de distribution trop élevés… ou de la marge. C’est au détriment du consommateur. »

Elles expliquent faire des provisions pour l’avenir…

F.L. : « Qui va les avoir, ces provisions ? Et quand ? Le jour où l’on pourra scientifiquement démontrer que les épargnants finissent par toucher les provisions… Comment pouvez-vous déterminer que dans votre contrat, vous avez touché un bout de provision à un moment ou un autre ? Rien n’est explicité. Peut-être que c’est le cas, mais peut-être que ce n’est pas le cas. Ce qu’il y a de bien, avec les fonds euros, c’est qu’il y a un indicateur : le rendement net. C’est la seule chose qui importe. Tous les ans, on peut objectivement dire si son assureur a été bon ou pas bon. »

Aujourd’hui, un assureur qui a livré moins de 2% en 2015, il n’a pas été bon ?

F.L. : « C’est un mauvais rendement. Je ne sais pas ce que l’assureur a fait, mais en tout cas, il n’a pas bien servi son client. Et cela, c’est très moche, parce que ça fait des années que ça dure. Sans compter les frais d’entrée payés à chaque versement, mais pour quelle qualité de contrat et quels services ? Quant aux frais de gestion des contrats, n’en parlons pas ! Au total, ce sont plusieurs milliards d’euros que les épargnants payent chaque année sans qu’il y ait toujours de réelle justification. »