Depuis le 1er janvier 2016, sans opération et sans contact pendant 3 ou 10 ans selon les cas, les sommes présentes sur un compte de dépôt ou d'épargne doivent être transmises à la Caisse des dépôts et consignations. Entretemps, les banques doivent informer et rechercher leurs clients inactifs. Le point sur l'application de la loi Eckert.

Les comptes bancaires inactifs chez les banques sont les pendants des contrats d'assurance-vie en déshérence chez les assureurs. Ce sont des comptes dont les titulaires n'opèrent ni de mouvements financiers, ni de contacts avec l'établissement bancaire. Avant le 1er janvier 2016, si personne n'en connaissait, ou ne se souvenait, de leur existence, ils restaient dans les bilans des banques et devenaient un acquis de l'Etat au bout de 30 ans lorsqu'aucune personne ne se manifestait, conformément à la prescription trentenaire définie à l'article L.1126-1 du code général de la propriété des personnes publiques.

Depuis le début janvier 2016, tout a changé avec la mise en application de la loi Eckert, qui impose aux banques de rechercher les titulaires, ou les ayants droit, de ces comptes dormants, de les informer qu'ils ont un compte inactif, et de transférer les avoirs concernés à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) bien avant la prescription trentenaire.

Depuis près de deux ans, les banques travaillent sur l'application de cette loi. « Elles ont une vue précise de ce nouvel encadrement de l'inactivité bancaire ou de la déshérence des contrats d'assurance-vie », estime Claire Gueydan-Brun, associée au sein du secteur Banque du cabinet d'audit et de conseil Mazars. « Aujourd'hui, elles échangent (1) sur les points majeurs d'interprétations, après plusieurs mois d'analyse et de pratique de ce nouveau référentiel, comme la définition des comptes inactifs et des assurances vie non réclamées. »

Informer un client amnésique ou les héritiers

Dans le cas général, un compte est inactif si son titulaire, ou la personne habilitée à intervenir, n'y a pas réalisé d'opérations, ainsi que sur les autres comptes détenus dans le même établissement, depuis douze mois. Par exemple, vous avez un compte courant sur lequel vous n'avez fait aucune opération et vous n'avez pas d'autres comptes dans cette banque. Avec la loi Eckert, votre banque doit à présent vous contacter par tout moyen (lettre, sms, mail, appel téléphonique…) pour vous avertir que vous possédez un compte inactif. En revanche, si vous consultez régulièrement votre compte par l'intermédiaire de l'application mobile, ou le site internet, la banque ne peut pas le considérer comme inactif, même s'il y a pas de mouvements à votre initiative.

Pour les comptes d'épargne, la banque doit attendre cinq ans sans opération et sans contact avec le titulaire ou ses ayants droit, pour les considérer inactifs. Il s'agit des livrets réglementés, des livrets fiscalisés, des comptes-titres, des plans d'épargne en actions (PEA), des comptes à terme, des bons de caisse ou encore des plans d'épargne salariale. D'ailleurs, pour ces derniers, comme il existe une période d'indisponibilité des fonds, la période d'inactivité ne peut être calculée qu'à partir de la fin de ce blocage des avoirs. De même, des frais pour compte inactif ne peuvent pas être appliqués pour ce qui concerne les livrets réglementés. Pour les comptes contenant des titres financiers, comme le PEA, ces frais ne peuvent pas être supérieurs à ceux qui auraient été appliqués en cas d'activité. Pour tous les autres comptes, ces frais sont plafonnés par décret à 30 euros.

Si la banque ne parvient pas à entrer en contact avec le titulaire du compte inactif (pas de réponse aux sollicitations, mauvaises coordonnées...), on peut imaginer qu'elle approche des proches, s'ils sont connus comme tel (parents, frères, ascendants, descendants…) et clients également de la banque, pour réactualiser ses données et renouveler sa campagne d'informations. Elle doit surtout consulter le Répertoire national d’identification des personnes physiques (RNIPP) afin de savoir si le titulaire du compte dormant est recensé parmi les personnes décédées, et ce chaque année. Si la banque constate le décès du client, elle doit informer les héritiers (si elle les connaît) de l'existence des comptes inactifs à l'issue des douze mois suivant la date du décès. Contrairement aux contrats d'assurance-vie en déshérence, les banques n'ont pas l'obligation de rechercher l'identité des héritiers.

« La qualité des données, ainsi que la capacité et l'agilité des systèmes d'informations à produire les reportings attendus, constituent des leviers de réussite », analyse Claire Gueydan-Brun. « Aujourd'hui, la problématique est de capter la donnée plutôt que de gérer son existence. Par exemple parvenir à détecter l'activité d'un client, en croisant tous les points de contacts existant entre un déposant et son établissement, pour avoir une vision la plus exhaustive possible. » Cet impératif constitue une opportunité chez tous les réseaux bancaires pour agréger les données et réussir à retrouver les clients passés d'une caisse ou d'une direction régionale à une autre.

Ces développements techniques nécessitent forcément des investissements et « les efforts de recherche des bénéficiaires dégagent des frais qui sont la charge des banques », tient à rappeler Claire Gueydan-Brun. Une partie pourra être toutefois couverte par la perception de frais sur compte inactif dont le montant est plafonné par décret. Pour un compte courant inactif, ce plafond est fixé à 30 euros depuis le 1er janvier 2016 et ne sera pas revalorisé avant la fin 2019.

La conservation et la transmission des avoirs

Une fois l'information envoyée au client, ou aux héritiers, pour les avertir de l'existence de comptes inactifs, la banque garde les avoirs concernés pendant trois ans pour les clients décédés et dix ans pour les autres. Cette période débute à l'issue de la dernière opération réalisée sur le compte courant ou le dernier contact avec la banque, ou bien encore la date de décès du titulaire. Quant aux notaires en charge d'une succession, ils pourront savoir s'il existe un ou plusieurs comptes inactifs, en consultant les services de la CDC. Ils peuvent également consulter le fichier FICOBA auprès de la Direction général des Finances publiques.

Six mois avant le terme des trois ou dix ans d'inactivité du compte, la banque doit avertir le titulaire ou les ayants droit de la transmission des avoirs à la CDC. Sans réaction, la CDC prend effectivement le relais en les conservant pendant vingt ans pour les personnes vivantes ou vingt-sept ans pour les personnes décédées. Si le compte concerné est un compte-titre ou PEA, par exemple, la banque doit liquider les positions aussi rapidement que possible. « Le produit de la liquidation sera également déposé à la CDC dans les trois mois qui suivent l’expiration des périodes de 3 ou 10 ans » précisent les autorités de régulation.

A cet instant, les comptes, dont les avoirs sont transférés, doivent être clôturés. Mais la banque doit conserver toutes les informations et documents afférents aux comptes pour permettre l'identification du titulaire ou de ses ayants droit. De son côté, la CDC « doit organiser une publicité appropriée pour permettre au propriétaire des avoirs ou à ses ayants droit de les récupérer », relève l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Si au terme de cette nouvelle période de conservation de 20 ou 27 ans, personne ne s'est manifesté pour reprendre les avoirs, les sommes transférées sont soumises à la prescription trentenaire et restent acquises à l'Etat.

Le contrôle de l'application de la loi Eckert

En plus d'informer le titulaire du compte inactif ou ses ayants droits, « les banques doivent désormais communiquer de différentes manières avec notamment la CDC et l'ACPR dans le cadre d'un reporting annuel et de contrôles lorsqu'elles y seront soumises », souligne Claire Gueydan-Brun. En effet, la loi impose aux banques de rendre public chaque année le nombre de comptes inactifs dans leurs agences, ainsi que le montant des dépôts et avoirs que cela représente. Une fois la phase de mise en place de la loi Eckert terminée, il y aura des contrôles. Des sanctions pourront être prononcées à l'encontre des banques, à l'image de celles prises pour les assurances vie en déshérence. Allianz Vie, Cardif, CNP assurances ou encore Groupama, notamment, ont ainsi dû payer des amendes allant de 3 à 50 millions d'euros.

« Il s'ajoute, pour la mise en conformité au nouveau dispositif, le fait que le stock devra lui aussi être traité », avertit Claire Gueydan-Brun. Un stock estimé à 1,3 milliard d'euros ! Sauf cas particulier, tous les titulaires de comptes inactifs depuis 1986 jusqu'à 2016 doivent être informés au plus tard le 1er juillet 2016 de l'étape dans laquelle se trouve le compte. Et d'ici le 31 décembre 2016 au plus tard, les avoirs de ces comptes inactifs qui arrivent à la prescription trentenaire seront acquis à l'Etat et ceux de comptes inactifs depuis trois ou dix ans transférés à la CDC.

Plus d'information sur les comptes bancaires inactifs

(1) L'association de place, l'Institut européen de la régulation financière (EIFR) réunit les acteurs de la banque et de l'assurance pour un partage d'expériences le jeudi 7 avril 2016 à Paris sur les comptes inactifs et les assurances vie en déshérence.