Convertir la clientèle patrimoniale au web. Et capter les « riches de demain » en allant les chercher grâce à une application mobile. Voici deux des défis que Swiss Life s’est lancé dans son nouveau plan stratégique. Mais si le groupe est présent sur le marché de l’assurance-vie en ligne, il privilégiera toujours un compromis entre internet et réseau physique. Interview.

Dans son plan stratégique 2018, Swiss Life affirme vouloir accélérer sa transformation digitale. Concrètement, qu’est-ce que cela implique pour les clients ?

Tanguy Polet, en charge de la division clients et transformation digitale de Swiss Life France : « Le chantier de la transformation digitale a été lancé il y a un peu moins de 2 ans. Il s’agit d’un projet d’entreprise global. Depuis environ 18 mois, une centaine de salariés, de toutes les composantes de la société, ont mené une réflexion ensemble, élaborant plusieurs grands axes : une expérience client simple et fluide sur tous les segments métiers ; une connaissance client plus partagée ; une plus forte industrialisation du service après-vente ; mais aussi la transformation digitale des réflexes de nos collaborateurs eux-mêmes. »

Qu’entendez-vous par la digitalisation de la relation entre un particulier et son conseiller en gestion de patrimoine ?

T.P. : « Prévoir que certaines tâches à faible valeur ajoutée anciennement dévolues aux distributeurs puissent être gérées par le client lui-même. Par exemple les aspects plus administratifs de la gestion d’un contrat d’assurance-vie : un changement d’adresse, la consultation du solde, la réalisation des arbitrages proposés par les intermédiaires, etc. Aujourd’hui, ces procédures ne sont pas optimales pour que les clients puissent les réaliser par eux-mêmes. En revanche, Swiss Life ne va pas promouvoir le 100% digital ! Nous estimons que le conseil est nécessaire sur le choix des produits, l’allocation d’actifs, etc. L’idée est donc de laisser plus de liberté au client pour qu’il choisisse son mode de fonctionnement en fonction du besoin. »

Votre clientèle, plutôt patrimoniale en effet, n’est toutefois pas réputée pour être la plus fortement « connectée ».

T.P. : « Cette clientèle, qui correspond à une tranche d’âge 45-65 ans, voire plus, est effectivement plutôt en retrait par rapport à la connexion, mais la situation évolue. Une partie de la clientèle banque privée montre une forte appétence pour l’information à valeur ajoutée sur internet. Par ailleurs, les 30-45 ans, ce sont les clients patrimoniaux de demain ! Eux, ils sont quasiment tous ''connectés'' mais ils n’ont pas vraiment le réflexe d’aller consulter un conseiller. Notre objectif, c’est de capter cette clientèle par le web pour lui proposer l’intervention d’un conseiller car nous ne croyons pas à la digitalisation totale pour la clientèle patrimoniale. »

Comment orienter ces 30-45 ans vers les conseillers en gestion de patrimoine ?

T.P. : « Cela passera par l’application LaFinBox, éditée par la joint-venture CrossQuantum que Swiss Life a lancé avec la start-up Budget Insight. LaFinBox, c’est la pierre angulaire de notre stratégie pour capter les Henry’s [high earners not rich yet, ou en français hauts revenus sans patrimoine, NDLR]. S’il existait déjà des agrégateurs de comptes bancaires cette application est le premier agrégateur de comptes d’épargne : bancaires et assurance. LaFinBox permet d’avoir une vision consolidée de l’ensemble de son épargne, tous gestionnaires et distributeurs confondus, sur un même espace : livrets, OPCVM, actions, fonds euros de l’assurance-vie, épargne salariale, etc. Cela permet de détecter par exemple si les avoirs sur certains produits sont surpondérés ou sous-pondérés. Nous allons par ailleurs ajouter sur LaFinBox des profils de risque permettant de savoir si l’épargne est investie de façon suffisamment dynamique. Cette application a été déployée en version bêta en décembre sur l’App Store. Elle sera disponible dans quelques semaines sur Google Play et nous lancerons alors une vaste campagne de communication visant justement ces Henry’s. Nous réfléchissons aussi à la possibilité de travailler avec des CGPI pour leur proposer de promouvoir l’appli auprès de leurs clients. »

Cette application, LaFinBox, vise-t-elle à orienter les utilisateurs vers vos produits, et vers votre réseau de conseillers ?

T.P. : « L’application fonctionne en tant que telle. Elle permet de dresser un diagnostic de son épargne et ensuite de suggérer des actions à réaliser. C’est alors au client de décider s’il passe ou non par un conseiller. A terme, nous connecterons des robo-advisors, des moteurs de conseils, mais toujours en architecture ouverte : ce n’est pas une application captive Swiss Life. La joint-venture CrossQuantum a sa propre stratégie commerciale (1). »

Swiss Life est aussi présent sur le marché de l’assurance-vie 100% en ligne, avec Titres@Vie chez Altaprofits ou le contrat Darjeeling. Ce n’est plus un axe de développement ?

T.P. : « Nous avons deux types d’offres 100% digitales au sein du groupe : Celle proposée sur notre site SwissLife-direct et le contrat Darjeeling, distribué par notre filiale Placement-direct. Pour Titres@Vie d’Altaprofits, nous intervenons uniquement en tant qu’assureur. En termes de collecte, si la progression est exponentielle sur le contrat d’Altaprofits, le business modèle de notre filiale se développe à plus petite échelle. Nous sommes ouverts à d’autres partenariats, comme celui qui nous lie à Altaprofits : si un distributeur en ligne vient nous voir en nous proposant de commercialiser un contrat, ce n’est évidemment pas exclu ! »

Titres@Vie a la particularité de proposer la détention et l’arbitrage d’actions en direct…

T.P. : « Il y a une vraie appétence à investir en titres en direct pour un certain nombre de clients. Je ne vois pas de raison de ne pas proposer cette solution. »

La rémunération de votre fonds en euros est très variable, de 2,20% à 3,10%, en fonction de la détention d’unités de compte (UC) et du montant de l’encours. Cette incitation à investir en UC est-elle payante ?

T.P. : « Je n’ai pas de statistiques qui permettent de vous dire si le bonus booste ou non la collecte des UC [l’encours, de plus de 20 milliards d’euros, a vu sa part d’UC passer de 31% à 33% en 2015, NDLR]. Mais je suis convaincu que cela reste marginal. Notre clientèle va sur les supports en unités de compte car elle recherche un rendement supplémentaire, en contrepartie d’une prise de risque. Par ailleurs, le fonds en euros coûte cher, en termes de fonds propres, à l’assureur. Cela nous paraît donc cohérent de récompenser, avec ce bonus, les clients qui allègent notre capital en allant sur les unités de compte. »

Swiss Life a réalisé 80% de sa collecte nette sur les unités de compte en 2015. En 2016, avec la très forte volatilité boursière, comment éviter un éventuel recul de la collecte en UC ?

T.P. : « La fluctuation des marchés financiers fait partie depuis de nombreuses années de l’environnement des épargnants. La réglementation encadre la vente des produits financiers en prévoyant une information très précise des clients sur les risques des produits qu’ils décident d’acheter. Ces fluctuations doivent s’apprécier dans le cadre d’une stratégie long terme, en corrélation avec l’horizon d’investissement choisi par chaque client. Swiss Life met à disposition de ceux-ci un ensemble de solutions qui leur permettent, si besoin avec l’aide de conseillers, de choisir les produits adéquats. »

(1) L’application est téléchargeable gratuitement mais une tarification de certains services supplémentaires n’est « pas exclue ». Cela ferait « l’objet d’une étude de marché préalable », précise Swiss Life.