Lundi prochain 1er février, le ministre des Finances Michel Sapin lancera officiellement le comparateur public des tarifs bancaires, accessible gratuitement sur internet. A quoi va ressembler cet outil ? Quels tarifs pourra-t-on comparer ? Sera-t-il plus efficace que les sites existants ? Le point.

Pourquoi le gouvernement a-t-il choisi de créer un comparateur public ?

« Faire en sorte que la concurrence s’exerce dans de bonnes conditions » : c’est la première motivation évoquée par Michel Sapin à propos de ce lancement. Le comparateur qui sera mis en ligne lundi n’est de fait qu’une étape d’un effort plus large, entamé il y a cinq ans par la mise en place de l’extrait standard des tarifs (EST) et qui va se poursuivre l’an prochain par la mise en place d’un « contrat de mobilité » destiné à faciliter le changement de banque, qui reste rare en France (1).

Sans remettre en cause la sincérité du projet gouvernemental, il faut toutefois rappeler que la mise en place d’un comparateur de tarifs bancaires « officiel » est une des mesures imposées par une directive européenne de juillet 2014 (2). L’article 7 de ce texte précise ainsi que « les Etats membres veillent à ce que les consommateurs aient accès gratuitement à au moins un site internet qui compare les frais facturés par les prestataires de services de paiement (…). Les sites internet comparateurs peuvent être exploités, soit par un opérateur privé, soit par une autorité publique. »

Bercy a retenu la seconde option, bien qu’il existe déjà une offre de comparateurs de tarifs en France (voir l’encadré en bas de l’article). Sans doute pour pouvoir afficher une « garantie de neutralité », selon le souhait de Michel Sapin.

Ce comparateur est-il un « gadget cher » ?

Sans surprise, ce choix de créer un nouvel outil a suscité l’hostilité de certains des comparateurs existants. « (…) On peut quand même s’interroger sur l’intérêt de mobiliser des ressources et des fonds publics pour créer et maintenir un site internet qui rendra, partiellement seulement, un service qui existe déjà, sous plusieurs formes sur le marché, à la satisfaction des consommateurs », écrit ainsi Guillaume Clavel, président de Panorabanques, avant même que le comparateur public ne soit en ligne.

« Ça ne coûtera pas une fortune » a aussitôt répondu, dans un article publié par Le Monde, Daphné Salon-Michel, secrétaire général du Comité consultatif du secteur financier (CCSF), à qui Bercy a confié la gestion du projet. En effet, le comité publie déjà chaque année un observatoire des tarifs bancaires. Dans ce cadre, elle a conclu un partenariat avec le cabinet Sémaphore Conseil, qui lui fournit des données actualisées régulièrement sur la tarification des banques. C’est cette base qui va être utilisée pour le comparateur. Il n’y a « pas dépenses complémentaires à ce stade », explique Daphné Salon-Michel. « Le surcoût est plutôt informatique, avec la création du site internet. »

Comment le comparateur se présente-t-il ?

cBanque a obtenu, de la part du CCSF, quelques précisions en avant-première. Il s’agira d’un comparateur au sens strict du terme, qui devrait sans doute laisser certains consommateurs sur leur faim. En effet, il ne sera pas possible de classer les banques selon les prix pratiqués sur un panier de services ou une ligne en particulier.

Bercy a fait le choix de ne retenir qu’un critère de présentation : l’ordre alphabétique. Histoire sans doute de ne pas valoriser systématiquement les banques 100% en ligne. Celles-ci, en effet, sont imbattables en matière de tarifs, puisqu’elles affichent la gratuité sur l’essentiel des opérations du quotidien et sur les moyens de paiement. Mais elles ne s’adressent pas à tous les clients, qu’elles sélectionnent par leurs revenus, et n’offrent pas l’ensemble des produits et services accessibles généralement dans les banques traditionnelles.

Quelles lignes de tarifs ont été retenues ?

C’est une autre limite du comparateur public : il recensera uniquement les produits et services présents dans l’extrait standard des services, qui ouvre obligatoirement les brochures tarifaires des banques depuis 2011. Soit une liste de 11 lignes tarifaires, les plus couramment facturées mais pas nécessairement celles qui font la différence au moment de choisir une nouvelle banque.

On y retrouve ainsi des tarifs où la gratuité est en passe de devenir la norme - l’accès à la gestion de compte sur internet, les virements SEPA en ligne - ; d’autres encadrés par la réglementation - les commissions d’intervention plafonnées à 8 euros - ; d’autres enfin considérés comme des produits d’appel et où les écarts de tarifs sont relativement réduits d’une banque à l’autre - les cartes bancaires.

Le comparateur permettra néanmoins de comparer les politiques des banques en matière de frais de tenue de compte, un sujet sensible actuellement.

Lire par ailleurs : Bercy veut la transparence sur les frais de tenue de compte

Peut-on personnaliser la comparaison en fonction de sa consommation de services ?

Non. Le seul filtre possible est géographique : en arrivant sur le site, il faut en effet préciser son département, ce qui permet, dans le cas des enseignes mutualistes, de limiter la sélection aux banques présentes dans la région.

Cette quasi absence de personnalisation est un choix du CCSF, qui souhaite mettre en place l’outil le plus simple, le plus ouvert et le moins intrusif possible. Le comparateur public peut ainsi promettre anonymat et confidentialité aux usagers. Il permet également aux consommateurs de signaler les manques et erreurs éventuels grâce à un formulaire dédié.

Au final, ce comparateur permettra-t-il de trouver la banque moins chère ?

La réponse est clairement non. Centré sur onze tarifs seulement, non personnalisable, ne prenant pas en compte les frais d'incidents ou le prix des packages, le comparateur public ne permettra pas à un consommateur de déterminer facilement quel est le meilleur choix dans son cas précis.

Il a toutefois une vertu : celle de mettre en lumière la problématique des frais bancaires, de rappeler que la banque est un secteur concurrentiel, sur lequel les consommateurs peuvent aussi espérer faire d’importantes économies s’ils se donnent la peine de confronter les offres.

Le marché des comparateurs en France

Le comparateur gouvernemental n’arrive pas sur un marché français exempt d’outils de ce type. Plusieurs sites internet permettent déjà de s’informer sur les pratiques tarifaires des banques.

C’est le cas d’UFC-Que Choisir. L’association de consommateurs a mis en ligne en juin 2012 un comparateur qu’elle promet « indépendant ». Il n’est toutefois accessible qu’à ses abonnés, qui payent 6,99 euros par mois pour pouvoir accéder aux contenus numériques de quechoisir.org.

Deux autres comparateurs, Choisir-ma-banque.com (propriété de Meilleurtaux.com) et Panorabanques.com, sont édités par des courtiers et se financent grâce aux commissions de mise en relation avec leurs partenaires bancaires.

Enfin, le comparateur cBanque des frais bancaires offre un modèle intermédiaire. L’outil est en libre consultation et est financé par la publicité.

(1) Selon un sondage publié en avril par la Fédération bancaire française (FBF), 4% seulement des personnes interrogées avaient changé de banque principale au cours des 12 mois précédents.

(2) Directive 2014/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 « sur la comparabilité des frais liés aux comptes de paiement, le changement de compte de paiement et l’accès à un compte de paiement assorti de prestations de base ».