Les deux derniers décrets d'application du compte pénibilité, qui vise à alléger les conditions de départ à la retraite des salariés ayant exercé des métiers pénibles, ont été publiés ce jeudi 31 décembre au Journal officiel.

Les ministères des Affaires sociales et du Travail ont salué jeudi matin dans un communiqué commun la publication de ces textes, « qui parachèvent la mise en œuvre du compte personnel de prévention de la pénibilité ».

« Ce compte, créé par la loi du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites (...), constitue une mesure forte de justice sociale voulue par le gouvernement, qui permet de prendre en compte une des inégalités les plus criantes entre salariés, celle qui tient à l'espérance de vie en fonction des travaux effectués au cours d'une carrière », ajoutent-ils dans ce texte.

De nouveaux critères

Le compte pénibilité vise à permettre à ces salariés de cumuler des points afin de partir plus tôt à la retraite, se former ou travailler à temps partiel. Il est entré partiellement en vigueur au 1er janvier 2015 pour quatre premiers critères : le travail de nuit, le travail répétitif, en horaires alternants ou milieu hyperbare. Le gouvernement avait accepté de repousser à juillet 2016 la mise en œuvre des six autres critères (postures pénibles, manutentions manuelles de charges, agents chimiques, vibrations mécaniques, températures extrêmes, bruit). Ce report fait l'objet d'un des deux décrets, décidé par le gouvernement pour donner aux entreprises le temps de s'adapter.

L'autre confirme que les fiches d'exposition (aux facteurs de pénibilité) ne seront plus de la responsabilité des entreprises mais des caisses de retraite qui auront la responsabilité d'informer les salariés. Les décrets ont fait l'objet d'âpres discussions avec les organisations patronales.

« Le gouvernement organisera un suivi approfondi »

« Il appartient désormais aux organisations patronales de branche de se saisir de ces dispositions pour mener à bien l'élaboration des référentiels de branches, permettant aux entreprises de tirer pleinement profit des marges de souplesse ouvertes par la loi du 17 août 2015. Il s'agit évidemment d'un enjeu stratégique pour les entreprises et pour les salariés », précise le communiqué des ministères. « Aussi le gouvernement organisera un suivi approfondi de la mise en œuvre du compte personnel de prévention de la pénibilité en y associant étroitement les représentants des entreprises et des salariés », ajoute le texte.

Forte opposition du Medef et de la CGPME

Les décrets ont fait l'objet d'âpres discussions avec les organisations patronales. Le président du Medef, Pierre Gattaz, avait dit espérer qu'ils ne paraissent pas, et jugé le dispositif « inutile, inapplicable ». Le syndicat patronal a ainsi de nouveau dénoncé jeudi « avec la plus grande fermeté la décision du gouvernement de publier les décrets et arrêtés d'application du compte pénibilité » en estimant, dans un communiqué, qu'il était « encore temps d'éviter une erreur économique historique ».

« Malgré les simplifications apportées par la loi Rebsamen, pour lesquelles le Medef s'est beaucoup battu, le compte personnel de prévention de la pénibilité, en raison de sa complexité persistante et immédiate de mise en œuvre et de son coût à moyen terme, pèsera lourdement sur la compétitivité des entreprises », a-t-il jugé.

Dans un communiqué, la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) « condamne », elle aussi, « sans réserve ce texte anti-emploi qui termine bien mal l'année 2015 ». Le CGPME ajoute que « les discours rassurants n'y changeront rien » : « Le compte personnel de prévention de la pénibilité viendra compliquer davantage encore la vie des entrepreneurs. Il coûtera cher et pénalisera les entreprises françaises. Les travailleurs détachés et les entreprises étrangères en France ne seront pas, eux, concernés par ce texte. »