Après avoir fêté jeudi dernier à l’Olympia le passage du cap du million de clients, ING Direct se cherche un nouveau cap en France, qui devrait se concrétiser début 2016 par la mise en place d’un nouveau plan stratégique. Le point avec Sophie Heller, la directrice générale de la banque en ligne, qui a accepté de revenir avec nous sur l’année 2015 de son enseigne, et sur sa stratégie pour l’avenir.

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ING Direct a lancé en juin dernier un produit stratégique et très attendu de ses clients, le crédit immobilier. Six mois plus tard, quel premier bilan tirez-vous ?

Sophie Heller : « 2015 était avant tout une année d’expérimentation pour ce produit, sur lequel nous avons encore fait peu de communication. Nous en tirerons les premières leçons en fin d’année, avant de fixer des objectifs plus précis pour 2016. Dans un premier temps, nous avons été surpris par l’afflux de demandes, ce qui a entraîné des délais trop longs, jusqu’à 30 jours dans certains cas, qui ne correspondait pas à notre promesse de réactivité. Mais au final, les retours des premiers souscripteurs sont très positifs. Au-delà de la réponse immédiate de principe, les clients sont satisfaits de l’accompagnement très pédagogique offert par notre vingtaine d’experts. »

En terme de conquête de nouveaux clients, 2015 restera-t-elle comme une bonne année pour ING Direct ?

S.H. : « Nous avions connu une véritable décollage en 2014 [L'an passé, ING Direct avait conquis 87.000 nouveaux clients, deux fois plus qu’en 2013, NDLR]. En 2015, nous nous situons au même niveau de conquête que l’an passé, à peu de chose près. Toutefois, nous ne voulons pas faire de la croissance à tous crins, si cela doit se faire au détriment de la qualité de service. Notre principal objectif, maintenant que nous avons atteint cette taille critique d’un million de clients, est avant tout de rester la banque la plus recommandée par ses clients. »

En termes de services et de produits, que doit-on attendre d’ING Direct en 2016 ?

S.H. : « Depuis l’arrivée, au mois d’octobre, de la nouvelle responsable d’ING en France [La Néerlandaise Karien Van Gennip a récemment remplacé Benoît Legrand à ce poste, NDLR], nous sommes entrés dans une phase de remise à plat. Nous communiquerons prochainement, certainement en février 2016, sur ce nouveau plan stratégique. Dans l’immédiat, notre priorité est de continuer à développer le crédit immobilier, mais aussi notre activité de placements. Nous avons beaucoup d’ambition sur l’assurance-vie, un produit sur lequel nous avons progressé de 40% cette année contre 5% environ pour le marché. Nous allons aussi annoncer en janvier un nouvel outil digital, actuellement en bêta, qui nous permettra de mieux accompagner nos clients dans leurs choix, grâce à des simulations personnalisées et l’aide d’experts au téléphone. Un peu à l’image de ce qu’on l’on a mis en place pour le crédit immobilier. Il s’agira d’un outil global, qui répondra à la question : compte tenu de ma situation, de mes projets, comment dois-je répartir mon épargne entre épargne liquide, assurance-vie, etc. »

Qu’en est-il des nouveaux moyens de paiement ? Etes-vous de ceux qui n’y croient pas vraiment ?

S.H. : « Nous y croyons beaucoup, au contraire. Nous avons la chance de faire partie d’un groupe international, opérant dans 13 pays, ce qui nous permet de mutualiser la réflexion sur le sujet. La France, de fait, est en retard. Le paiement sans contact, par exemple, est beaucoup plus développé dans un pays comme la Pologne. Aux Pays-Bas et en Espagne, nous testons déjà le paiement mobile entre particuliers. Mais en France, nous constatons que le sujet n’est pas prioritaire pour nos clients. Dès l’an prochain, nous allons toutefois équiper nos cartes bancaires de puces NFC. »

Vous évoquiez tout à l’heure l’arrivée de Karien Van Gennip à la tête d’ING Bank France. Correspond-elle à une volonté de reprise en main de la maison-mère sur sa filiale française ?

S.H. : « Non. ING a une politique de rotation de ses cadres dirigeants tous les 4 ans. Benoît Legrand était à la tête d’ING Bank France depuis déjà 5 ans. Il a ainsi pris un nouveau rôle, comme responsable des fintech au niveau du groupe. Certes, ING Direct en France compte beaucoup moins de clients qu’en Allemagne ou en Espagne. Mais cela s’explique avant tout par certains particularismes du marché français, en particulier par l’étroitesse du marché des livrets bancaires fiscalisés à cause du poids du Livret A et de l’assurance-vie. »

La Société Générale a récemment levé un tabou en annonçant la fermeture de 20% de ses agences d’ici 2020. Quel est votre sentiment sur cette annonce ?

S.H. : « C’est la confirmation que le choix du digital est le choix gagnant. Nous sommes même surpris que ce type d’annonces arrive aussi tard. Aux Pays-Bas ou en Belgique, ces tendances existent depuis au moins 5 ans. Dans ces deux pays, le modèle bancaire a été totalement repensé : la relation avec le client est avant tout digitale, tous les produits sont disponibles à la souscription à distance. C’est seulement dans un second temps, si le client en ressent le besoin, qu’il est orienté vers l’agence. Ces dernières n’ont pas disparu mais ont été recentrées sur le conseil, avec une montée en compétence du personnel. A l’inverse, en France, les banques traditionnelles ont tenté de maintenir un trafic dans les agences en ne laissant pas le choix à leurs clients de souscrire à distance. Le digital permet pourtant de tout faire, à condition de fournir une bonne expérience et un accompagnement humain, au téléphone en ce qui nous concerne, lorsque c’est nécessaire. »

Que vous inspire le succès du Compte-Nickel, distribué dans les bureaux de tabac ? Envisagez-vous également de trouver un relais de ce type dans des points de vente physiques ?

S.H. : « Nous n’excluons rien, et cela fait partie des sujets de réflexion du nouveau plan stratégique. La force du Compte-Nickel, c’est d’avoir su toucher, grâce à un produit très bien conçu, une clientèle fragile financièrement et très maltraitée par les banques traditionnelles, qui les chargent en frais bancaires sans leur offrir d’outils de pilotage de budget. Ses créateurs ont aussi eu l’intelligence de s’adresser aux buralistes, des commerçants en quête de nouvelles sources de revenus et donc disposés à faire du recrutement de clients à très bas coût, car ils sont au final assez peu rémunérés. »

Vous disposez toujours de deux agences, à Paris et à Lyon. Avez-vous en projet de développer ce réseau ?

S.H. : « Nous ne sommes pas dans cet état d’esprit. Nous avons ouvert un agence à Lyon [en septembre 2012, NDLR], en prévision du lancement du crédit immobilier, afin de tester l’apport d’un point de vente physique pour ce type de produit. Mais le test est peu concluant. C’est là encore un des sujets sur lesquels nous planchons dans le cadre du plan stratégique. »