Le 19 novembre 2014, KissKissBankBank Technologies, qui éditait déjà les plateformes Hellomerci et KissKissBankBank, lançait Lendopolis sur le créneau du prêt aux entreprises françaises. En un an, ce site revendique 2.050 prêteurs pour 64 projets financés. Vincent Ricordeau, président de KissKissBankBank Technologies, la structure qui chapeaute les trois plateformes, estime ainsi que Lendopolis représente le plus gros potentiel de développement de son groupe. En attendant de lancer deux nouveaux sites en 2016 et 2017.

Vous avez trois plateformes, pourquoi ce positionnement tout terrain ?

Vincent Ricordeau : « Nous n’avons pas attendu le cadre réglementaire du financement participatif [entré en vigueur en octobre 2014, NDLR] pour lancer KissKissBankBank, en septembre 2009 : nous pouvons nous considérer comme des crowdfunders originels ! Nous avons ainsi commencé par les projets artistiques, avant de nous intéresser aux projets personnels avec le lancement d’Hellomerci en avril 2013, et quand le monopole bancaire sur le crédit a été remis en cause avec le cadre réglementaire du crowdfunding nous avons lancé Lendopolis. Ces trois plateformes nous permettent de proposer une palette diversifiée : projets artistiques, de particuliers, et prêts aux PME. D’un point de vue marketing, c’est aussi un atout de pouvoir se positionner sur des marchés différents. »

Comptez-vous lancer d’autres plateformes ?

V.R. : « Oui. Nous allons tout d’abord lancer une plateforme méta, KissKissBankBank et compagnie : elle rassemblera les projets proposés sur les trois plateformes existantes. Cet agrégateur est prévu pour mars 2016. Nous projetons ensuite de créer une plateforme de crowdequity [financement participatif en fonds propres, NDLR] en 2017 pour s’adresser aux start-ups. Nous aurons alors toutes les catégories de projets de crowdfunding possibles à notre catalogue. Après cela, nous penserons à l’international. »

Sur les trois plateformes actuelles, qui n’ont pas la même ancienneté, laquelle fonctionne le mieux et laquelle a le plus de potentiel ?

V.R. : « Cela ne se traduit pas encore dans les statistiques mais Lendopolis a probablement le plus gros potentiel, devant Hellomerci. KissKissBankBank, qui réalise pour l’heure les plus gros chiffres de collecte [plus de 40 millions d’euros depuis le lancement de la version 2 du site en mars 2010, NLDR] sera probablement doublée par nos deux autres plateformes existantes dans quelques années. »

Comment se répartit la collecte au sein du groupe ?

V.R. : « En 2015, à ce jour, la collecte globale est d’environ 20 millions d’euros. D’ici la fin de l’année, nous devrions atteindre 23 millions, pour 18 millions sur KissKissBankBank, 4 millions sur Lendopolis et un million sur Hellomerci. En cumulé, nous pouvons nous considérer comme le leader du crowdfunding en France, si l’on met de côté Prêt d’Union. Car moi je considère que Prêt d’Union, ce n’est pas une plateforme de crowdfunding, mais tout simplement une banque. »

Hellomerci propose du prêt entre particuliers mais se distingue de Prêt d’Union par la non rémunération des prêteurs. Voyez-vous tout de même Prêt d’Union comme un concurrent ?

V.R. : « Prêt d’Union propose une alternative pour le crédit à la consommation : c’est vertueux et très positif ! Toutefois, leur fonctionnement ne correspond pas à ce que je considère être l’esprit du crowdfunding. Du point de vue des investisseurs, Prêt d’Union est dans la logique du placement titrisé : les particuliers investissent dans un fonds qui prête aux emprunteurs [les particuliers investissent dans l’un des cinq fonds commun de titrisation proposés par la plateforme, NDLR]. Pour moi, le principe originel du crowdfunding, c’est de prêter en direct, de choisir les projets. Investir dans un fonds, on peut le faire avec une assurance-vie. Hellomerci concerne des échanges locaux et des bénéficiaires bien identifiés : vous financez la crèche d’à côté, un voyage avec vos amis, la formation d’une voisine, etc. L’intérêt d’Hellomerci est d’organiser l’intermédiation avec l’emprunteur, pour que le remboursement soit encadré. »

Sur le marché du prêt aux PME, les leaders en termes de montant financé, Unilend et Lendix, gagnent en visibilité à travers publicités ou partenariats télévisés. Allez-vous intégrer cette course au leadership avec Lendopolis ?

V.R. : « Cette course, nous y participons ! Mais pas de la même façon. Unilend existe depuis 2 ans : ils ont l’avantage de l’antériorité cependant, sur les derniers mois, nous ne sommes pas loin. Lendix fonctionne différemment : c’est en premier lieu un fonds qui prête aux PME [Lendix utilise un fonds commun de titrisation dont les institutionnels prennent des parts. En revanche, les particuliers utilisent un contrat de crédit et prêtent directement aux entreprises, NDLR]. Si l’on restreint les statistiques au seul argent versé par les particuliers, la collecte de Lendopolis est bien supérieure à celle de Lendix [Dans ses statistiques, Lendix détaille la répartition des investisseurs sur sa plateforme, en termes de montant, majoritairement composée de family offices et d’institutionnels, pour 18% de ''particuliers'' et 14% de ''particuliers avertis'' au 31 octobre, NLDR]. Là encore, je trouve extrêmement vertueux ce que propose Lendix mais j’estime que cela ne correspond pas tout à fait à l’esprit du crowdfunding mais plus à ce que l’on appelle une lending marketplace en Angleterre. Faire intervenir des institutionnels ne me pose pas de problème – nous prévoyons nous-même de le faire – mais il faudrait fixer une limite : j’estime que le financement via un fonds ne doit pas aller au-delà de 20% ou 30% du financement global. Encore une fois, je n’ai vraiment rien contre ce que font Lendix et Prêt d’Union mais je pense juste qu’il faudrait mieux distinguer ces différences de fonctionnement. »

Outre ces divergences de vision concernant le financement participatif, en quoi vous différenciez-vous de la concurrence ?

V.R. : « Historiquement, nous avons choisi de nouer des partenariats structurels : avec les festivals pour KissKissBankBank, avec Les Echos, l’ordre des experts-comptables et les chambres de métiers de l’artisanat pour Lendopolis. Nous cherchons à nouer un tissu relationnel dans le secteur concerné. »

Pour connaître les dernières statistiques de collecte des différents sites : Les plateformes de crowdlending à tâtons vers plus de transparence