A l’occasion d’un point-presse consacré à la lutte contre le financement du terrorisme, ce matin à Bercy, le ministre des Finances Michel Sapin a confirmé que des cartes de débit prépayées avaient joué un rôle dans la préparation des attentats du 13 novembre. Il compte encadrer plus durement l’usage de ces moyens de paiements utilisables sans vérification d’identité.

Dix jours après les attentats qui ont fait 130 morts et près de 350 blessés à Paris et Saint-Denis, Michel Sapin a exposé, ce matin à Bercy, une série de mesures visant à « assécher » le financement du terrorisme. Le ministre des Finances a notamment appelé à une meilleure coordination des moyens au niveau international, à un élargissement des prérogatives de Tracfin, la cellule dédiée à la lutte contre le blanchiment, à un renforcement des capacités de gel des avoirs terroristes et à une amélioration de lutte contre le commerce illicite de biens culturels.

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A cette occasion, Michel Sapin a confirmé que les terroristes avaient eu recours à des cartes de débit prépayées, c’est-à-dire déconnectées de tout compte bancaire, au cours de la préparation de leurs attaques. Ces moyens de paiement ont en effet l’avantage, pour eux, de pouvoir être alimentés, en espèces et sans vérification d’identité, jusqu'à un montant de 250 euros pour les cartes jetables et jusqu'à 2.500 euros sur un an pour les cartes rechargeables.

Le recours aux espèces déjà limité

L’idée d’un contrôle plus strict des instruments de paiement non traçables n’est pas nouvelle. En mars dernier, dans le contexte de l’après-Charlie, Michel Sapin avait déjà annoncé des mesures de limitation de l’usage des espèces, moyen de paiement anonyme par excellence, évoquant pour les justifier l’existence d’un « terrorisme à bas coût dans sa réalisation mais à fort effet en terme humain ».

Depuis le 1er septembre 2015, le plafond de paiement en liquide en France a ainsi été abaissé à 1.000 euros, contre 3.000 euros auparavant. A compter du 1er janvier 2016, les dépôts et retraits d’espèces supérieurs à 10.000 euros sur un mois (en une fois ou de manière fractionnée) seront systématiquement signalés à Tracfin. Autre mesure qui entrera en vigueur début 2016 : toute opération de change manuel d’un montant supérieur à 1.000 euros donnera lieu à une prise d’identité. Actuellement, le seuil est fixé à 8.000 euros même si, dans les faits, des contrôles sont pratiqués à partir de 5.000 euros.

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Cartes prépayées : la France ira « au-delà » du cadre européen

Le cas des espèces réglé, le gouvernement va donc désormais s’attaquer aux cartes prépayées. Avant même le 13 novembre, ces instruments de paiements, et plus généralement ce qu’on appelle la « monnaie électronique », étaient déjà dans le collimateur des institutions. Leurs conditions d’usage font ainsi partie des sujets abordés par la 4e directive européenne anti-blanchiment et financement du terrorisme, publiée en juin dernier et qui doit être transposée dans les réglementations nationales avant le 26 juin 2017.

Cette directive propose notamment de soumettre les produits de monnaie électronique aux mêmes obligations de surveillance de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Mais elle prévoit des exceptions, dans des cas de figure de « risque faible ». Ces produits, notamment, sont exemptés d’identification du client et du bénéficiaire effectif du paiement quand les montants concernés sont inférieurs à 250 euros, ou à 100 euros dans le cas d’un remboursement en espèces à partir d’une carte prépayée.

Résultat : Michel Sapin a d’ores et déjà annoncé qu’il faudrait « aller au-delà de ces mesures ». Cela passera par la parution, début 2016, d’un décret en Conseil d’Etat dont l’objet sera de « faire reculer l’anonymat dans l’usage des cartes prépayées », sans plus de détails dans l’immédiat. D’autres mesures, de nature législatives, seront quant à elles intégrées au projet de loi sur la transparence de la vie économique (dite « Sapin 2 »), qui sera présenté courant janvier 2016.