D’année en année, l’écart de prix entre les cartes bancaires à débit immédiat et celles à débit différé tend à diminuer. Entre fin 2013 et fin 2014, le prix des secondes a même, en moyenne, très légèrement diminué. Qu’est-ce qui explique ce choix des banques ? Pourquoi tentent-elles de rendre les cartes à débit différé plus attractives ? Tentative d’explication.

Si on met de côté le cas particulier des frais de tenue de compte, qui ont explosé en 2013 lorsque que de nombreuses enseignes se sont mises soudainement à les facturer, les cartes bancaires sont, parmi les produits de banque au quotidien, ceux dont le prix a le plus augmenté ces dernières années. Toutefois, il existe des nuances en fonction du type de cartes. Selon les chiffres publiés en 2015 par l’Observatoire des tarifs bancaires de la Banque de France, le prix moyen des cartes à débit immédiat a progressé de 8,83% entre la fin de 2009 et le début de 2015, et celui des cartes à autorisation systématique de 7,27%. Sur la même période, l’augmentation des cartes à débit différé a été nettement plus modérée ; 4,14% seulement. Le prix des cartes bancaires à débit différé a même légèrement baissé entre la fin 2013 et la fin 2014, de 0,1%. Ainsi, début 2015, l’écart entre le coût moyen annuel d’une carte à débit différé (44,95 euros) et d’une autre à débit immédiat (38,92 euros) n'est plus que de 6 euros.

Cette tendance à la diminution de l’écart entre les deux types de débit devrait d’ailleurs se poursuivre en 2016. Certaines banques (34 sur les 134 recensées dans le comparateur cBanque des tarifs bancaires) ont en effet déjà dévoilé leurs nouveaux tarifs pour l’an prochain - elles doivent légalement avertir leurs clients deux mois au moins avant le changement effectif. La tendance pour le débit immédiat reste à la hausse :

  • 30 hausses de 1,67 euro en moyenne pour la Visa classique, et aucune baisse ;
  • 15 hausses de 2,41 euros en moyenne pour la Visa Premier, deux baisses, d’un euro à la Caisse d’Epargne Rhône-Alpes et de 11 euros au Crédit Agricole Savoie ;
  • 15 hausses de 1,72 euros en moyenne pour la MasterCard classique, aucune baisse ;
  • 7 hausses de 2,93 euros en moyenne pour la MasterCard Gold, aucune baisse.

Du côté du débit différé, la tendance est plus contrastée :

  • 6 hausses de 0,67 euro en moyenne pour la Visa classique, 13 baisses de 2,21 euros en moyenne ;
  • 7 hausses de 2,34 euros en moyenne pour la Visa Premier, deux baisses de moins d’1 euro ;
  • 2 hausses de 0,50 euro pour la MasterCard classique, une baisse moyenne de 1,34 euro dans 5 banques ;
  • 3 hausses, comprises entre 2 et 4,50 euros, pour la MasterCard Gold, une baisse de moins d’un euro au Crédit Agricole Charente Périgord.

Symbolique de cette tendance, BNP Paribas va aligner les prix du débit immédiat et du débit différé sur la Visa classique. Actuellement, la première coûte 42 euros, la seconde 46 euros par an. Au 1er janvier 2016, elles seront facturées 44,50 euros quel que soit le débit.

Les achats par carte à débit différé bientôt plus rémunérateurs

Comment expliquer cette diminution, voire cette disparition de l’écart de prix entre les deux types de débit ? Les banques sont généralement peu disertes lorsqu’il s’agit d’évoquer leur politique de prix. On peut supposer qu’elles souhaitent rester concurrentielles sur un produit qui, s’il est relativement peu utilisé (9% des cartes en circulation en France en 2012, selon le rapport Pauget-Constans sur l’avenir des moyens de paiement en France), attire prioritairement une clientèle aisée, disposant de revenus capables de couvrir sans difficulté ses dépenses mensuelles. Autre facteur de nature à favoriser le débit différé : la politique de taux actuellement très accommodante de la Banque centrale européenne, qui permet aux banques de refinancer à moindre coût l’avance de liquidités accordée à leurs clients équipés de débit différé.

L’hypothèse la plus convaincante, toutefois, concerne le niveau des commissions perçues par les banques. En effet, à chaque fois qu’un client paye avec une carte qu’elle a délivrée, la banque touche une commission interbancaire de paiement (CIP, parfois appelée commission d’interchange), facturée à la banque du commerçant chez qui l’achat a été effectué. Actuellement, ces CIP sont plafonnées à 0,29% du montant payé, quel que soit le débit de la carte. Mais cela va changer. A partir du 9 décembre prochain (1), un nouveau règlement européen va distinguer deux plafonds. Le premier, de 0,20%, s’appliquera aux cartes dites de débit, notamment aux cartes à débit immédiat ; le second, de 0,30%, aux cartes dites de crédit, catégorie qui, dans la règle européenne, concerne aussi les cartes à débit différé. Traduction : les achats effectués avec des cartes à débit différé vont devenir 50% plus rémunératrices pour les banques des porteurs. On comprend ainsi mieux leur volonté de les rendre plus attractives.

Lire aussi : Pourquoi la carte bancaire à débit différé va devenir plus rentable pour les banques

Pas de différence du côté des banques en ligne

Les banques 100% en ligne (à l’exception de Monabanq) ont en commun de ne pas facturer la carte bancaire aux clients remplissant certaines conditions de revenus. C’est même leur principal argument de vente. A défaut de comparer des tarifs qui n’existent pas, on peut toutefois comparer les conditions (de revenus notamment) exigées pour fournir à leurs clients des cartes à débit différé. Surprise : chez Monabanq, BforBank, Boursorama Banque et Hello Bank, l’option débit différé est accessible sur demande, aux mêmes conditions que la carte classique à débit immédiat. Seule ING Direct est nettement plus exigeante avec ses clients souhaitant profiter du débit différé : il faut y justifier de 3.000 euros de revenus mensuels, alors que la carte à débit immédiat est accessible dès 1.200 euros.

(1) Bruxelles a accordé, à la demande des banques françaises, un délai d’un an, jusqu’au 9 décembre 2016, pour l’entrée en vigueur définitive du nouveau règlement.