L'Organisation de coopération et de développement économiques a présenté lundi la version finale de son plan de lutte contre l'optimisation fiscale des multinationales, censé sonner « la fin de la récréation » pour ces stratégies de contournement de l'impôt.

« C'est la fin de la récréation », se réjouit dans un entretien avec l'AFP Pascal Saint-Amans, qui a supervisé pour l'Organisation de coopération et de développement économiques la rédaction des quinze « actions ». L'objectif est simple : faire en sorte que les multinationales paient leurs impôts là où elles sont réellement actives.

Entre 100 et 240 milliards de dollars chaque année

L'OCDE a calculé que ces pratiques, dans une zone grise entre fraude avérée et légalité, et rendues célèbres par McDonald's ou Google, coûtent chaque année entre 100 et 240 milliards de dollars en rentrées fiscales. Et encore, c'est un chiffre « extrêmement conservateur », selon M. Saint-Amans. Ces engagements que doivent valider dans la semaine les ministres des Finances du G20, puis en novembre les chefs d'Etat et du G20 sont très techniques.

Les Etats du G20 et de l'OCDE s'engagent par exemple à limiter la possibilité de réduire son impôt en déduisant les intérêts ou en exploitant des brevets, et à communiquer entre eux sur les régimes fiscaux préférentiels de certaines entreprises (rescrits fiscaux ou tax rulings en anglais). Le plan de l'OCDE forcera aussi les multinationales (au moins 750 millions d'euros de chiffre d'affaires) à détailler au fisc leurs activités pays par pays.

Propositions ambitieuses remises à plus tard

Un contrôle des Etats les uns par les autres doit aussi être mis en place, pour vérifier les progrès, et permettre notamment aux pays en voie de développement de rejoindre le mouvement. Pour M. Saint-Amans, « les paradis fiscaux sont en train de perdre le filon des cash boxes », ces boîtes aux lettres permettant à des entreprises de stocker des revenus à l'abri du fisc, sans activité réelle sur place. Pour Jean-Pierre Lieb, associé chez EY Société d'Avocats, ce projet « BEPS » (Base Erosion and Profit Shifting, terme anglais désignant l'optimisation) « va induire un vrai changement », parce que « les entreprises vont devoir décrire de manière plus précise leur empreinte fiscale et ce sera partagé entre administrations ».

« Une révolution ? Je n'irais pas jusque là », tempère toutefois cet ancien haut responsable au ministère des Finances français. « Les propositions ambitieuses ont été remises à plus tard et l'OCDE propose aujourd'hui des aménagements flous et complexes de règles vieilles de plus d'un siècle », a déploré Lucie Watrinet, de CCFD-Terre Solidaire, citée dans un communiqué. Plusieurs ONG de la Plateforme Paradis fiscaux et judiciaires ont regretté, dans ce même communiqué, que le grand public mais aussi que les pays les plus pauvres, très vulnérables à la perte de recettes fiscales, aient été exclus d'un « processus de décision mené par une minorité d'Etats riches », les 34 de l'OCDE et ceux du G20.

L'organisation patronale internationale BIAC « s'inquiète du fait que certains recommandations puissent aboutir à une double imposition du revenu, et de nombreux détails sont encore à régler ».