Les pays émergents devraient en 2015 subir des sorties nettes de capitaux sur l'ensemble de l'année, pour la première fois depuis 1988, selon une étude de l'Institute for international finance (IIF) parue jeudi, dans un contexte d'inquiétude autour de ces économies.

L'IIF, association internationale des acteurs de la finance (banques, fonds privés, assureurs, banques centrales, fonds souverains), évalue ces pertes nettes, c'est-à-dire le bilan après comptabilisation des entrées et des sorties de capitaux, à 541 milliards de dollars.

Notant que les entrées de capitaux en 2015 dans les pays émergents devraient atteindre leur plus bas niveau depuis 2008, Charles Collyns, chef économiste de l'institut, estime dans un communiqué que cette fois-ci, contrairement à ce qui s'était passé au moment de la crise financière, « les raisons sont davantage internes qu'externes », liées à des inquiétudes sur les économies émergentes elles-mêmes, et sur la Chine.

Pas de « une reprise rapide » attendue

Selon l'IIF, les 30 pays émergents étudiés devraient cette année voir entrer 548 milliards de dollars, et sortir 1,089 milliard, soit un solde négatif de 541 milliards. L'institut a prévenu qu'il n'attendait pas « une reprise rapide » l'an prochain, et qu'il prévoyait que les sorties nettes de capitaux se poursuivent « à un rythme plus modéré. »

Hung Tran, l'un des directeurs de l'IIF, a par ailleurs souligné la vunérabilité des pays émergents au moment où la banque centrale américaine, la Fed, s'apprête à relever ses taux. « Les pays avec de hauts niveaux d'endettement des entreprises, particulièrement en dollars, auront des difficultés, avec des risques grandissants de défaillances d'entreprises, un affaiblissement des investissements et de la croissance », a-t-il estimé.

Les pays les plus à risque sont ceux qui combinent notamment d'importants déficits courants, de lourdes dettes d'entreprises en devises étrangères, et des incertitudes politiques aigues. La Turquie et le Brésil sont dans ce cas, selon l'IIF.

Les pays de l'Est de l'Europe, « une catégorie en soi »

L'Institut estime dans son étude que le « super-cycle de croissance des pays émergents » semble se finir, après avoir duré une vingtaine d'années. Il cite des raisons structurelles telles que le poids croissant des services dans les économies développées, lesquels se prêtent peu aux échanges commerciaux sur lesquels les émergents ont bâti leur croissance; et le vieillissement de la population dans certains émergents.

Après ces vingt ans, l'IIF juge que la différence faite entre pays développés et pays émergents n'est « pas obsolète », et qu'elle se vérifie aussi bien au niveau des indicateurs économiques (Produit intérieur brut, inflation, parts des matières premières dans les exportations), que des situations politiques et financières (degré de développement du système financier, stabilité des institutions, corruption). Mais il constate une « hétérogénéité » grandissante parmi les émergents. Un groupe se détache toutefois : les pays de l'Est de l'Europe, « une catégorie en soi » selon l'IIF.

Une menace pour la conjoncture internationale

Les difficultés des pays émergents sont considérées actuellement comme l'une des plus grandes menaces pour la conjoncture internationale. Mercredi, la directrice générale du FMI Christine Lagarde a jugé qu'il y avait des « raisons d'être inquiet » pour l'économie mondiale, affaiblie par le ralentissement en Chine et menacée par un « cercle vicieux » lié au prochain relèvement des taux américains.