Des rendements potentiels allant de 4% à 10% : voici la promesse des plateformes de crowdlending, ou financement participatif sous forme de prêt. Mais comment ces sites, intermédiaires entre particuliers prêteurs et PME emprunteuses, cherchent-ils à financer leur activité ? A ce jour, ces jeunes plateformes ne gagnent pas d'argent : leurs gains ne couvrent pas encore leurs coûts de fonctionnement. Et la politique même des commissions qu'elles appliquent restent mouvante. Etat des lieux.

Un particulier souhaitant prêter à une TPE ou une PME doit-il s'attendre à payer des frais élevés ? « Nous nous rémunérons exclusivement sur les emprunteurs », plaide Nicolas Lesur, fondateur d'Unilend, actuel leader de ce marché naissant. « Il y a deux commissions : 4% sur les fonds versés aux emprunteurs lorsque la collecte aboutit ; 1% du capital restant dû sur les remboursements mensuels. » Concrètement, une entreprise qui collecte 30.000 euros ne reçoit donc que 28.800 euros, 1.200 euros (4%) revenant à la plateforme. Il s’agit d’une commission ponctuelle, prélevée une seule fois.

Dans un deuxième temps, Unilend perçoit une commission régulière sur les remboursements. Celle-ci correspond à l’équivalent d’un point d’intérêt. Cette commission est à la charge de l’entreprise emprunteuse : « Au départ, nous avions imaginé faire payer une partie aux prêteurs », raconte le patron d’Unilend. Avant de se raviser, « pour des raisons fiscales : une commission, équivalente à 1 point des intérêts versés, n'est pas déductible pour le prêteur. »

De rares frais de gestion pour les prêteurs

La plateforme Bolden utilise le même modèle, à une différence près : la commission régulière n’est cette fois pas à la charge des emprunteurs mais prélevée sur les intérêts reversés aux prêteurs. Tristan Grué, directeur général, prend un exemple : « Pour un projet où les intérêts annuels sont de 8%, le prêteur touche 7%. » Dans les faits, la commission, équivalente à un point d’intérêt, est donc la même que chez Unilend. La différence est avant tout comptable : un prélèvement côté emprunteur, ou côté prêteur.

Bolden a choisi de rendre ces frais dégressifs pour les plus gros prêteurs : les « packs financeurs » permettent de réduire voire de supprimer ces « frais de fonctionnement » à partir de 20.000 euros investis. Mais Tristan Grué reconnaît réfléchir à « annuler ces frais », pour les mettre à la charge des emprunteurs, comme chez Unilend.

La « gratuité » prêteur devient la règle

La plupart des plateformes ne se privent en effet pas d’afficher la « gratuité » pour les prêteurs-investisseurs, avec ce principe de double commission à la charge des emprunteurs. Seul diffère le niveau de la commission appliquée au moment du décaissement : fixe à 3% ou 4%, proportionnelle de 2% à 5% selon la durée d’emprunt, etc.

Parmi les plateformes les plus en vue, deux font exception à ce principe de double commission : Lendopolis et Finsquare, qui affirment appliquer des frais uniquement au moment du « décaissement » (3% à 4% dans un cas, 3% à 5% dans l’autre). De son côté, Lendix a opté pour la double commission mais sans taux fixés à l'avance, laissant place à la négociation avec les entreprises emprunteuses.

Plus dur d’attirer les prêteurs-investisseurs ?

Credit.fr se distinguait pour sa part jusqu’à présent par une triple commission : 3% au décaissement, une « commission annuelle de 1% » pour le prêteur, à laquelle s'ajoute une même « commission annuelle de 1% » à la charge de l’entreprise emprunteuse. Un système qui n'est déjà plus d'actualité. La plateforme nous a confirmé, hier, un changement de stratégie avec la mise en place d'une nouvelle grille de taux d’intérêt « sans aucuns frais de gestion, d’entrée et de sortie » pour le prêteur.

Crédit.fr qui revoit sa copie, Bolden qui y réfléchit : la règle sera bientôt le rendement « net de frais » pour les investisseurs. Un véritable argument commercial. Ces derniers sont-ils plus difficiles à attirer que les entreprises en besoin de financement ? « Les entreprises font face à un besoin rapide de liquidités », explique Tristan Grué, de Bolden. « Et elles sont habituées aux frais. Les prêteurs sont eux plus dans une logique d’observation et de choix dans l’offre existante. »

Rentabilité : un seuil à 100 millions d’euros pour Unilend

Ces commissions sont la seule et unique source de revenus des plateformes de prêt aux TPE et PME. Les entreprises gestionnaires de ces plateformes ont donc besoin de flux importants pour viabiliser leur modèle économique. Seuil de rentabilité d’Unilend : « 100 millions d’euros financés, par an », affirme Nicolas Lesur, dont la plateforme approche des 13 millions d’euros financés depuis son lancement en novembre 2013. « Nous ne sommes donc pas encore au seuil de profitabilité. Nous espérons atteindre les 100 millions d’euros financés sur une année en 2017. »

Unilend se développe actuellement grâce aux trois levées de fonds réalisées jusqu’à présent, pour 9,5 millions d’euros au total. La société doit en effet supporter des coûts fixes d’ordre technologique, commercial et salarial, avec 17 personnes dans l’entreprise. Les principaux investissements étant effectués, Nicolas Lesur assure que « ces coûts fixes ne vont plus augmenter aussi vite que jusqu’à présent : à ce jour, nous sommes en capacité de gérer 100 millions d’euros financés ». Tristan Grué, de Bolden, lancé en avril 2015, estime lui que son « point mort d’activité » sera atteint à « 40 millions d'euros de financement cumulés, ou un minimum de 20 millions d'euros par an ».

« Les jeux ne sont pas faits »

Plus prudent que son confrère, Tristan Grué reconnaît en revanche sans langue de bois qu’il « n’y aura pas de place pour tout le monde » sur le marché du crowdlending : « il y aura une consolidation, d’ici 2 à 3 ans peut-être. Cela pourrait prendre la forme d’une plateforme dominante qui rachète de plus petites, ou via les banques qui envisageraient de se positionner sur le marché. Ou les deux. »

« Une poignée d’acteurs vont se partager le marché : deux, trois, quatre maximum », confirme le fondateur d’Unilend. « C’est déjà le cas sur les autres segments du crowdfunding. Sur le don, Ulule et KissKissBankBank gèrent environ 80% des flux. Même constat sur l’equity [financement en fonds propres, NDLR] avec Wiseed et Anaxago. Certains acteurs de niche peuvent vivre à côté sur des segments spécifiques. C’est la logique du crowdfunding, la foule attire la foule : les emprunteurs vont là où il y a le plus de prêteurs, et les prêteurs vont là où il y a le plus de projets. » Fort de sa position actuelle sur ce marché, Nicolas Lesur parle de cette « prime au leader » avec une certaine confiance. Mais « les jeux ne sont pas faits » selon Tristan Grué, qui estime qu’aucun acteur n’a pris de position réellement dominante. D’où les tâtonnements actuels de certaines plateformes au niveau des commissions, l’objectif principal, à ce jour, étant d’attirer un maximum de projets et de prêteurs.