En Europe, la pauvreté « ne relève pas d'un manque de ressources mais de la façon dont elles sont partagées », pointe Oxfam dans un rapport publié mercredi. Le rapport chiffre aussi l'impact des politiques publiques sur la rédaction des inégalités dans les différents pays de l'Union.

La pauvreté s'aggrave en Europe, relève l'ONG : « Entre 2009 et 2013, 7,5 millions de personnes supplémentaires ont été classées en situation de privation matérielle aigüe dans l'Union européenne. Elles comptent parmi les 123 millions de personnes risquant de sombrer dans la pauvreté et l'exclusion sociale - soit près d'un quart de la population de l'Union européenne -, dans un continent qui a vu son nombre de milliardaires passer de 2009 à 2013 de 99 à 342 ».

« Cette situation n'est pas une fatalité, elle résulte de choix politiques. Dans l'UE, la pauvreté ne relève pas d'un manque de ressources mais de la façon dont elles sont partagées », estime Manon Aubry, responsable de plaidoyer justice fiscale et inégalités à Oxfam France, citée dans ce rapport intitulé « Une Europe au service de la majorité, et non d'une élite ».

Le système suédois, « le plus progressif d'Europe »

Le rapport souligne le rôle des politiques publiques dans l'aggravation ou la réduction des inégalités : l'ONG cite ainsi le système fiscal et social suédois, « le plus progressif d'Europe », qui a permis de réduire les inégalités de revenus disponibles de 53%. En comparaison, le système espagnol ne permet de réduire les inégalités que de 32% et le système français de 40%.

Oxfam dénonce en particulier le rôle des politiques d'austérité - qui « font clairement peser la réduction du déficit public sur les épaules de la frange la plus pauvre et vulnérable de la population ». En Irlande, depuis la crise de 2008, la baisse des revenus et la montée du chômage ont exclu près de 250.000 personnes d'une couverture santé complémentaire et au même moment, l'Irlande a réduit son budget santé de 12 %, souligne le rapport.

France : un système de « moins en moins juste »

Sont aussi pointés du doigt des systèmes fiscaux injustes, comme en France, où « le gouvernement est sur une politique d'augmentation des impôts forfaitaires type TVA et de baisse de l'impôt progressif », un système fiscal de « moins en moins juste », a commenté à l'AFP Manon Aubry.

Autre point noir, l'évasion fiscale des grandes entreprises, souligne la responsable de plaidoyer, citant l'exemple d'EDF, qui « du Luxembourg à l'Irlande, en passant par la Belgique et les Pays Bas réalise un véritable grand chelem européen de l'évasion fiscale ».« Les pratiques d'évasion fiscale d'EDF participent à la pénurie budgétaire de son principal actionnaire, l'État français, ainsi qu'à celle d'autres pays européens », indique le rapport.

Le poids des lobbies privés

L'ONG vise aussi le poids des lobbies privés sur les orientations politiques, évoquant par exemple le débat sur la taxe sur les transactions financières (TTF) « entièrement été accaparé par les lobbies financiers ». Selon Manon Aubry, « pour combattre les inégalités et la pauvreté en Europe, nous devons réduire l'influence des plus fortunés, des lobbies et des puissants dans l'élaboration des politiques publiques en leur faveur aux dépens de la majorité des Européens. Une plus grande transparence serait déjà un signal important ».