SEPAmail : ce nom ne vous dit sans doute rien, mais il pourrait devenir familier dans les mois à venir. Il s’agit en effet d’une initiative des cinq principaux groupes bancaires français, qui porte en elle une petite révolution dans la manière de régler ses factures et, prochainement, de changer de banque en France. Explications avec Jacques Vanhautere, le directeur général de SEPAmail.

Jacques Vanhautere, qu’est-ce que SEPAmail et quelle est son histoire ?

« SEPAmail est une société de droit privée détenue par cinq groupes bancaires : Banque Populaire-Caisse d’Epargne (BPCE), BNP Paribas, Crédit Agricole, Crédit Mutuel-CIC et Société Générale. L’idée de départ est la suivante : créer un réseau de confiance entre les banques, leur permettant d’échanger des informations de pair à pair, de manière sécurisée et normalisée. Les premières réflexions sur SEPAmail datent de 2008, en lien direct avec la demande des pouvoirs publics de moderniser les échanges entre les banques et de réduire la part de certains moyens de paiement, comme le titre interbancaire de paiement (TIP) ou le chèque. Mais la société, dans sa forme actuelle, existe depuis 2013. »

Ce n’est donc pas un moyen de paiement ?

« Non, pas du tout. Il s’agit d’une messagerie interbancaire sécurisée empruntant internet - un réseau qui a l’avantage d’être mondial et robuste -, par laquelle transitent des missives SEPAmail permettant de garantir l’identification d’un créancier et d’un débiteur. »

Une des applications les plus concrètes pour les usagers bancaires, et aussi les plus avancées, de SEPAmail se nomme Rubis. En quoi consiste-t-elle ?

« Effectivement, les banques sont prêtes et le conseil d’administration de SEPAmail doit valider vendredi [aujourd’hui, l’entretien a eu lieu mercredi, NDLR] le démarrage en production. Rubis sera donc disponible début juillet. Cette application va permettre à n’importe quelle entreprise de se faire payer par un virement référencé, plutôt que par un TIP, un chèque ou un prélèvement. Concrètement, le créancier envoie une demande de paiement accompagnée d’une facture à sa banque, qui va la transmettre via SEPAmail à la banque du débiteur. Ce dernier est ensuite prévenu par le moyen de son choix (un mail, une notification sur son téléphone, etc.) de l’arrivée de la facture et valide le paiement d’un simple clic. Tout le monde y trouve son compte : le débiteur, qui s’épargne du temps et l’envoi d’un chèque, et le créancier, qui dispose d’un moyen efficace, sûr et garanti de se faire payer. Rubis peut clairement aider à réduire les délais de paiement, qui continuent à provoquer en France des faillites d’entreprises. »

Combien ce service coûtera-t-il aux entreprises souhaitant l’utiliser ? Et sera-t-il facturé aux débiteurs ?

« Cette question n’est pas du ressort de SEPAmail. Il faut poser la question aux banques, qui détermineront leur tarification propre, dans un cadre concurrentiel. »

Un autre service, baptisé Aigue-Marine, devrait également intéresser les usagers bancaires. De quoi s’agit-il ?

« Aigue-Marine est une solution permettant un transfert automatique des opérations récurrentes d’un compte bancaire vers un autre. La loi Macron, actuellement en discussion, va en effet imposer aux banques de faciliter le changement de banque, et la profession bancaire s’est tournée vers SEPAmail pour trouver très vite une solution. Les délais, en effet, s’annoncent très courts pour un projet d’infrastructures aussi lourd concernant l’ensemble de la place, soit près de 170 groupes bancaires en comptant les succursales de banques étrangères. Dans l’état actuel des choses, les banques auront 18 mois après la promulgation de la loi pour mettre en place le nouveau dispositif, ce qui nous amène au début de l’année 2017. Nous sommes en train de finaliser l’étude sur le sujet. Mais la loi n’étant pas encore votée et l’environnement stabilisé, il est difficile pour l’instant d’en dire plus. »

L’utilisation de SEPAmail pour la mise en œuvre de ce « contrat de mobilité » n’est donc pas encore actée…

« Non, à l’heure où je vous parle, la décision ne peut être actée car le périmètre dépend du contenu de la loi Macron, qui n’est pas encore finalisée. Il est vrai qu’avec l’adhésion récente de la Banque Postale, SEPAmail couvre effectivement l’immense majorité des comptes bancaires français, 98% environ. Mais il s’agit d’une entreprise de droit privé, qui ne peut en aucun cas être en situation monopolistique. Si certains établissements de crédits veulent s’adresser à un autre acteur, ils en ont évidemment le droit. Il faudra juste, dans ce cas, veiller à ce que nos solutions soient interopérables. »