L'Arcep a été sollicitée pour une étude sur la mesure de la bande passante, a confirmé mardi Sébastien Soriano, le président du gendarme des télécoms, alors que Bercy s'interroge sur l'opportunité de taxer le débit internet utilisé par les géants du Net.

« Nous avons été sollicités pour rendre un avis technique », a indiqué M. Soriano lors du colloque NPA-Le Figaro sur « les piliers de la transformation numérique », confirmant des informations de plusieurs médias. « Nous devons répondre à la faisabilité technique : quelles sont les possibilités de mesurer le trafic sur internet à différents endroits du réseau, dans le plein respect de la neutralité du net et du secret des correspondances ». « La question se posera ensuite sur la base de cet avis d'expert de savoir » quelles suites lui donner. « C'est entre les mains du gouvernement », a poursuivi M. Soriano.

« Pas de taxation à ce stade »

Le ministère de l'Economie a souligné de son côté avoir « simplement demandé à l'Arcep de réaliser une étude technique afin de déterminer les informations qui pourraient être recueillies sur les volumes et la nature des données circulant sur les réseaux des opérateurs ». Cette étude ne préjuge pas d'une éventuelle taxation à ce stade, a-t-il souligné. L'idée est de verser cette étude technique pour alimenter la réflexion européenne.

La ministre de la Culture Fleur Pellerin avait relancé l'idée d'instaurer une contribution indexée sur l'utilisation de la bande passante qui permettrait de taxer les gros consommateurs de débit comme notamment Netflix, Google ou Apple, qui ne sont pas ou peu imposés en France, avait révélé en février le Canard Enchaîné. Fleur Pellerin avait suggéré une contribution indexée sur l'utilisation de la bande passante, au delà d'un certain seuil, et qui serait déductible de l'impôt sur les bénéfices. Elle serait donc neutre pour les groupes installés en France mais frapperait à plein les groupes américains du numérique. L'idée était de faire contribuer ces groupes à la création française et européenne.

La secrétaire d'Etat au Numérique Axelle Lemaire avait, elle, souligné en mars la difficulté à mettre en place une telle taxation au niveau national et la possibilité de contournements techniques. Elle avait souligné qu'un tel projet de taxation ne pouvait être mené qu'à l'échelle européenne. Alors que la France cherche à peser sur l'agenda numérique européen, l'avis de l'Arcep pourrait alimenter les propositions de Paris à Bruxelles sur l'adaptation de la taxation des acteurs de l'internet en Europe.

Interrogé par l'Association des services Internet communautaires (Asic), qui s'inquiète de ce projet, Gunther Oettinger, Commissaire européen à l'Economie numérique a souligné que le sujet de la fiscalité des entreprises devait être un sujet traité au plan européen et ainsi éviter des initiatives individuelles de la part des Etats membres. « Il y aura un examen très attentif de la part de la Commission pour juger une nouvelle infraction aux normes sur le Marché Intérieur. Du point de vue économique, on peut s'interroger sur le respect du principe d'égalité d'une telle proposition, qui génèrerait de lourdes distortions étant donné que que les données seraient toutes considérées de la même importance sans considérer leur valeur économique », a-t-il écrit en mai dans une réponse transmise par l'association.