La révision de la directive européenne sur les services de paiement, surnommée « DSP2 », devrait être votée par le Parlement européen cet été, et mise en œuvre dans la foulée. Le texte, qui cherche notamment à stimuler la concurrence et l’innovation dans le domaine des paiements mobiles et en ligne, est critiqué par le secteur bancaire français. Que lui reproche-t-il exactement ? Et ces reproches sont-ils fondés ? Le point.

Le 6 mai dernier, les députés européens de la commission des affaires économiques et la présidence lettone du Conseil annonçaient avoir trouvé un accord sur la révision de la directive des services des paiements (DSP), qui fixe les règles dans le domaine à l’échelle de l’UE. Un accord qui, après celui déjà intervenu avec la Commission européenne, doit désormais aboutir à un vote rapide du texte, probablement en juillet prochain.

La 1ère DSP, applicable depuis le 1er novembre 2009, avait ouvert la voie à la mise en œuvre de l’espace unique européen des paiements en euros (SEPA), en même temps qu’une brèche dans le monopole bancaire, avec la création des établissements de paiement, habilités au même titre que les banques à fournir des services de paiement aux entreprises et aux particuliers. Un des principaux objectifs du texte, qui traitait aussi d’information et de sécurité, était en effet de créer une nouvelle concurrence dans ce secteur, et donc d’en faire baisser les prix.

Le projet de révision de cette directive est, lui, en discussion depuis juillet 2013. L’idée du législateur européen est d’aller encore un peu plus loin dans l’intégration des paiements de détail. La DSP1 avait permis d’unifier les virements et les prélèvements, la DSP2 s’attaque, elle, aux paiements par carte, par internet et par mobile. Pour encourager la concurrence et l’innovation, la directive prévoit notamment de contraindre les banques à fournir à des prestataires de services de paiement (PSP) tiers un accès à certaines informations liées aux comptes de leurs clients, sauf en cas de problème de sécurité avéré et signalé aux autorités compétentes. « Cette garantie devrait exclure toute possibilité pour les banques de bloquer le marché des nouveaux services de paiement », expliquait récemment la commission des affaires économiques du Parlement européen dans un communiqué.

Un « manque d’équité » selon la FBF

Evidemment, la perspective de perdre la mainmise totale sur les données de leurs clients n’enchante guère les banques. En France, la Fédération bancaire française a fait connaître à maintes occasions ses réserves sur cette DSP2. Sans grand résultat. « Nous avons sollicité toutes les autorités possibles, au niveau national et international », explique Willy Dubost, directeur du département Systèmes et moyens de paiement de la FBF. « Mais nous ne sommes pas compris, et la réponse est toujours la même : ce texte est pour le bien du consommateur final. Mais qu’en sait-on exactement ? Il n’y a eu aucune étude préalable… »

Que lui reproche exactement la FBF ? Pas la concurrence de nouveaux entrants, assure Willy Dubost - « le monde bancaire y est habitué » - mais le « manque d’équité » : « D’un côté, les acteurs traditionnels font face à nombre d’exigences, en matière d’agrément et de sécurité. De l’autre, les nouveaux acteurs bénéficient d’agréments light, et leurs systèmes ne sont pas éprouvés de la même manière. » La DSP2 confie en effet à l’Autorité bancaire européenne (EBA) le soin d’imaginer le système permettant de protéger les données. « Ce qui revient à dire que ce sont les banques qui investiront dans la sécurité et construiront un super coffre-fort pour le compte d’acteurs tiers ». La FBF craint aussi que les banques servent de tampon entre leurs clients et les PSP tiers, en cas de problème.

Source d’opportunités

Ce point de vue de la FBF ne semble toutefois pas partagé par toute l’industrie. Le blog « C’est pas mon idée » a ainsi récemment relayé une enquête de l’agence Finextra, qui a interrogé les banques sur cette DSP2.

L’étude confirme certaines craintes liés à la protection des données de leurs clients et à l’impact de cette réglementation sur leur image traditionnelle de « coffre-fort ». Elle pointe également le fait que la majorité des banques semblent également mal préparées à cette échéance. Mais certaines y voient aussi une opportunité d’accéder aux comptes de leurs clients détenus dans d’autres banques et de nouer des partenariats avec de nouveaux acteurs innovants.