Les fonds euro-croissance font petit à petit leur apparition dans l’offre de contrats d’assurance-vie, aux côtés des traditionnels fonds en euros, à capital garanti à tout moment, et des plus risqués supports en unités de compte. Censés apporter une alternative à mi-chemin, les fonds euro-croissance promettent un rendement plus élevé que les fonds en euros en contrepartie d’une garantie en capital assurée au terme d’une période de 8 ans ou plus. Un procédé assez complexe qui se traduit par un fonctionnement à part, avec deux « provisions » qui cohabitent dans le fonds euro-croissance. Sept questions pour mieux comprendre comment fonctionne ce produit.

De quoi est constitué un fonds euro-croissance ?

Un fonds euro-croissance se compose d'une provision mathématique et d'une provision de diversification. La première est exprimée en euros, la seconde en nombre de parts. Ainsi, si vous versez 10.000 euros sur un fonds euro-croissance, vos avoirs seront exprimées en deux parties : 8.000 euros de provisions mathématiques (PrM), par exemple, et 20 parts de provision de diversification (PrD), d’une valeur de 100 euros chacune.

A noter : provision mathématique et provision de diversification sont les termes officiels. Les assureurs peuvent les évoquer différemment dans leurs documents - « montant nécessaire à la garantie au terme » pour la PrM et « ligne performance » pour la PrD par exemple - mais le fonctionnement est le même.

Comment évoluent provisions mathématiques et provision de diversification au fil de la vie du contrat ?

D’un côté la sécurité, de l’autre le risque. Schématiquement, la provision mathématique est la partie sécurisée de l’euro-croissance, dont le but est d’assurer la garantie du capital au terme de la période choisie. Elle est censée progresser de façon régulière. La provision de diversification est la partie risquée : elle évolue au gré des marchés.

« La provision mathématique assure la garantie en capital. La provision de diversification va chercher du rendement », confirme Benoît Gommard, responsable de la stratégie clients de BNP Paribas Cardif. La filiale du groupe BNP Paribas a lancé ces dernières années plusieurs supports euro-diversifiés, très proches de l’euro-croissance et qui ont récemment été labellisés en tant que tels. Benoît Gommard prend un exemple : « Imaginons un placement de 100.000 euros avec une échéance de 10 ans. Supposons que sur 100, 90 soient isolés en provisions mathématiques. Les 10 restants, nous allons les placer de façon dynamique : c’est la provision de diversification. Au fil des ans, les provisions mathématiques vont converger jusqu’à 100 au terme des 10 ans. Par exemple : 91 au bout de 1 an, 92 au bout de 2 ans, etc. A côté, le nombre de parts de provision de diversification va rester stable mais la valeur de ces parts va évoluer. Ainsi, à l’échéance de 10 ans, il y aura 100 de provisions mathématiques, permettant la garantie en capital, auxquels il faudra ajouter la valeur des parts de provision de diversification, qui auront plus ou moins progressé. » En bref : la mise de départ de 100.000 euros (la PrM) + la valeur des parts de PrD.

Comment les souscripteurs sont-ils informés sur l’évolution de leur fonds euro-croissance ?

Dans leur relevé de compte annuel, appelé « information annuelle » chez BNP Paribas Cardif. Dans ce document, « la provision mathématique va être exprimée en euros, la provision de diversification en nombre de parts », avec la valeur de la part exprimée en parallèle, affirme Benoît Gommard, qui ajoute : « Le rendement annuel va être exprimé en pourcentage » pour le montant total.

Les actifs sont-ils investis différemment pour ces deux types de provisions ?

Non. « L’assureur gère le fonds de manière collective », en fonction de l’évolution des marchés, affirme Benoît Gommard, évacuant l’idée de deux poches totalement distinctes. En termes d’actifs, l’allocation du fonds euro-croissance Assurance Retraite, du contrat grand public de BNP Paribas Avenir Retraite, est ainsi décrite de façon globale : il est composé à la fin décembre 2014 de 25,3% d’actions et de 74,7% d’obligations à taux fixe. Une allocation plus « dynamique » que pour un fonds euros.

Benoît Gommard insiste par ailleurs sur l’aspect théorique des PrM. Il s’agit d’un calcul comptable établissant la somme nécessaire, en euros, pour assurer à chaque client la garantie à l’échéance aux conditions actuelles de taux. « La provision mathématique est recalculée chaque mois, et ce pour chaque client » via une formule prenant en compte les échéances de l’ensemble des assurés, le taux des emprunts d’Etat français, etc. « En théorie, cette PrM, exprimée en euros, progresse de façon constante », ajoute Benoît Gommard. En théorie, car l’on peut aussi lire dans un document contractuel de BNP Paribas Cardif : « Si les taux d’emprunt augmentent, le montant nécessaire à la garantie au terme diminue, et inversement. » Contrairement aux fonds en euros, qui ne peuvent jamais diminuer, les provisions mathématiques de l’euro-croissance peuvent ainsi être revues à la baisse selon l’évolution des marchés.

Faut-il comprendre que le niveau de provisions mathématiques est purement théorique et qu’il n’a aucune incidence sur les investissements du fonds euro-croissance ? Non : « BNP Paribas Cardif ajuste l’allocation d’actifs tous les mois en fonction des nouveaux entrants, des réévaluations des provisions mathématiques, etc. » S’il n’existe pas deux poches distinctes, l’une PrM, l’autre PrD, l’assureur gère tout de même son allocation d’actifs globale en prenant en compte ses engagements de garantie en capital envers les souscripteurs : le niveau de PrM a donc bien une influence sur les arbitrages de gestion globale.

Résumons. D’un côté, l’assureur gère son fonds euro-croissance pour rechercher la performance tout en s’assurant un matelas avec des obligations et produits de taux. Du point de vue de l’épargnant, la PrM évolue de façon à retrouver la mise de départ, à l’euro près, à l’échéance choisie lors de la souscription. Et la provision de diversification va elle permettre de restituer des performances globales du fonds euro-croissance.

Pourquoi les performances peuvent-elles être différentes d’un souscripteur à un autre ?

Sur l’année 2014, BNP Paribas Cardif affiche un taux annuel de 10,75% sur le fonds Assurance Retraite. Tous les souscripteurs profitent-ils de la même manière de ce taux avantageux ? Non. Communiquer sur les rendements de l’euro-croissance est une tâche compliquée pour un assureur : « Lorsque nous annonçons une performance annuelle de plus de 10% en 2014, il s’agit d’une moyenne globale, mais la performance sera plus ou moins élevée pour chaque assuré », reconnaît Benoît Gommard. « Plus l’échéance fixée au départ est lointaine (8 ans, 15 ans, 30 ans, etc.), plus la proportion de l’investissement placée sur la provision de diversification est importante. Avec une souscription le même jour, un épargnant avec une échéance de 15 ans a plus de parts de provision de diversification que quelqu’un avec une échéance de 8 ans : mécaniquement, chaque année, son espérance de gain sera meilleure. » Avec un bémol : en cas de performance négative sur une année, le souscripteur ayant une échéance plus longue constatera aussi une perte plus importante. Mais avec l’euro-croissance, les comptes se font sur le long terme.

Que se passe-t-il en cas de clôture avant l’échéance ?

Un souscripteur peut effectuer un rachat avant le terme prévu pour le fonds euro-croissance mais il ne bénéficie plus de la garantie en capital. Le montant qui lui sera versé correspond à la somme des provisions mathématiques et de la valeur des parts de provision de diversification qu’il possède, une valorisation par ailleurs communiquée chaque année dans le document d’information annuel. Si la valeur totale est plus élevée qu’au moment de la souscription, il peut donc profiter de l’effet d’aubaine et sortir avant l’échéance tout en réalisant une plus-value. Pour sa part, BNP Paribas Cardif affirme ne pas bloquer les sorties avant l’échéance et ne pas appliquer de pénalités.

Qu’est-ce que la provision collective de diversification différée ?

Là encore une spécificité de l’euro-croissance : « Il s’agit de la possibilité offerte à l’assureur de se construire une provision chaque année et qu’il doit reverser aux assurés dans un délai limité », explique Benoît Gommard. Cette « PCDD » est donc une troisième provision, facultative, dans le fonds euro-croissance. Le principe est le même que pour la réserve des fonds en euros, la PPE ou PPB : « Il s’agit là aussi de lisser les performances, qui sont de toute manière restituées aux assurés par la suite. » Avec la même conséquence que pour le fonds en euros : un souscripteur qui clôture son contrat ne se voit pas restituer les sommes en réserve à ce moment-là.