Aujourd’hui, l’offre d’épargne solidaire se diversifie, avec près de 135 produits labellisés. Un premier pas pour Finansol, qui souhaiterait plus d’assurances-vie solidaires et une option sur les livrets réglementés. Entretien avec son président, Frédéric Tiberghien.

La collecte de l’épargne solidaire a bondi de 28 % en 2013. Frédéric Tiberghien, vous attendez-vous à une progression similaire en 2014 ?

« Nous sommes actuellement en train de collecter les données 2014, je ne peux donc pas m'avancer sur des chiffres. Néanmoins la tendance reste la même depuis une dizaine d’années, avec une croissance autour de 25%. 2013 est une bonne année, en ligne avec les précédentes. Cette croissance importante s’explique par plusieurs facteurs, notamment la sensibilisation des Français à cette épargne solidaire, mais aussi depuis 2010 l'introduction de l’option solidaire sur le Plan épargne entreprise (PEE). D’ailleurs, aujourd’hui, les trois quarts des épargnants solidaires viennent de l’épargne salariale. Il y a aussi l’impact de la crise financière de 2008 : désormais les épargnants souhaitent voir une finance utile, des placements raisonnés. Ainsi nous remarquons que leur profil est plus varié, il n’y a pas que des militants comme dans les années 90, les jeunes et les femmes sont de plus en plus nombreux. Par ailleurs, l'offre se diversifie : nous disposons actuellement de 135 produits labellisés. »

Quel produit d’épargne solidaire parle le plus aux Français ?

« Cela dépend. Ça peut être le PEE, la souscription directe si l’épargnant a des revenus soumis à l’ISF, ou de l’épargne de partage s’il a une cause à défendre. Il y a beaucoup de portes d’entrée différentes. Nous notons néanmoins que les produits de partage sont assez minoritaires, ils représentent un peu moins de 10% de nos encours, mais la dynamique est bonne : +12% en 2013, un taux extrêmement fort. Fin 2013, l’encours de l’épargne solidaire était de 6 milliards d’euros, celui des produits de partage de 750 millions d’euros. L’essentiel se fait donc hors partage : 3 milliards pour l’épargne salariale, 1,5 milliard pour l’épargne bancaire et 700 à 800 millions d’euros pour la souscription directe au capital. »

En 2013, bien que l’encours des produits de partage ait augmenté de 12%, le montant reversé aux bénéficiaires a diminué de 13%. Comment expliquez-vous ce phénomène ?

« Les taux de rendement sont à la baisse, or dans le cas des produits de partage, c’est le quart des intérêts qui est reversé à des associations. Donc la masse à partager fléchit. Cette tendance à la baisse va se poursuivre puisque les taux ont nettement reculé en 2014 par rapport à 2013. Il y aura donc le même effet sur les chiffres 2014, probablement un peu amplifié. Et le phénomène sera encore plus fort en 2015. En revanche ce faible rendement de l’épargne de partage est compensé par l’encours qui progresse fortement. En 2013, nous aurions pu assister à un effondrement beaucoup plus grand. Je raisonne à long-terme : le plus important est la dynamique des épargnants, du montant de la collecte… Nous constatons que la baisse des taux ne décourage pas les épargnants. Ils remonteront bien un jour et on assistera alors à l’effet inverse. »

Cinq acteurs financiers ont vu leurs produits d’épargne solidaire délabellisés par Finansol en 2013. D’autres ont-ils perdu le label en 2014 ?

« Nous n’avons pas encore de chiffres précis pour 2014. Ce label est une marque de confiance. Tous les ans, nous contrôlons les produits labellisés pour qu’ils respectent les différents critères de la labellisation, notamment en ce qui concerne le taux des frais de gestion. Nous sommes dans une surveillance active. Il nous arrive de mettre un produit sous observation, de lui accorder un délai pour qu’il revienne dans les clous. En 2014, nous avons une dizaine de nouveaux produits labellisés, dont deux de crowdfunding. On est dans une période assez forte de créativité produit. Par exemple, cette année, nous nous attendons à avoir un plus grand nombre d’options et de services bancaires solidaires. Mais il n’y a pas assez d’assurances-vie solidaires, alors que c’est le premier placement des Français. Nous aimerions qu’une option d’épargne solidaire soit proposée, comme c’est le cas pour le PEE. Il devrait également y avoir des livrets réglementés solidaires, c’est un de nos chevaux de bataille. Ouvrir ces livrets à l’épargne solidaire nous permettrait de continuer à faire de la pédagogie, et de familiariser le grand public. »

Dans ce contexte de crise, l’épargne solidaire a-t-il toujours la cote auprès des épargnants ?

« Chacun se rend compte que dans les périodes difficiles, il faut montrer encore plus de solidarité à l’égard de ceux en difficulté. La croissance de l’épargne solidaire montre que les Français ont un sens de la solidarité malgré la crise. Ils sont conscients des enjeux et veulent faire un geste citoyen à travers leur épargne. L’épargnant solidaire est patient, il ne veut pas perdre son capital mais reste moins exigeant sur son rendement. Il n’est pas dans une logique de rendement financier mais dans une rentabilité sociale. Cette mentalité est permanente et ne fléchit pas en période de crise. On ne sort pas de cette logique. Par ailleurs, les ménages ont en moyenne 5.000 euros d’épargne solidaire, ce qui ne représente pas tout leur portefeuille. D’où des taux de croissance qui peuvent rester très forts : l’offre de produits n’est pas complète et le cercle des épargnants peut être élargi. »