Pourquoi les fonds à formule, des produits financiers complexes, aux conditions multiples, plaisent-ils au grand public ? Grâce au taux affiché sur la plaquette. Les particuliers sont séduits par la promesse d’un rendement élevé sur plusieurs années. Telle a été la recette du succès des fonds à formule au début des années 2010, en particulier dans le cadre de l’assurance-vie. Ils se font désormais plus rares mais d’autres produits financiers répondant à la même logique de promesse les ont remplacés. Explications.

Jusqu’au 7 février 2015, le fonds à formule Autofocus Rendement peut être souscrit par les particuliers dans le cadre de l’assurance-vie. Ce fonds proposé par Federal Finance, société de gestion du groupe Crédit Mutuel Arkéa, offre comme la plupart des produits similaires une promesse de rendement, sur une durée donnée, mais avec une garantie en capital limitée : « un gain annuel de 5% versé chaque année si la performance de l’indice Euro Stoxx 50 [indice regroupant des sociétés de la zone euro, NDLR] est comprise entre -20% et 10% par rapport à son niveau initial », annonce la plaquette commerciale. Le risque ? Si l’indice perd plus de 20% une année, les 5% promis ne sont pas versés. Jusqu'à -40%, le capital est tout de même garanti. En revanche, si l’indice tombe sous ce seuil, à l’échéance des 8 ans, le souscripteur accuse une perte en capital à hauteur de la chute de l’indice. Bref, Federal Finance affiche un taux de 5% mais celui-ci cache une certaine complexité et de nombreuses conditions.

5% malgré un indice à -10%

Le mode de fonctionnement de ce fonds à formule actuellement commercialisé ressemble à celui de beaucoup de produits structurés sur le marché, avec pour principaux atouts la promesse de performance et une sécurisation du capital, certes limitée, mais qui fait office de filet pour éviter les mauvaises surprises. Mais comment une société de gestion peut-elle promettre 5% par an à ses clients même si l’indice de référence du fonds à formule est tombé sous la barre des -10% ? « Nous n’investissons pas sur les actions des entreprises de l’Euro Stoxx 50. Nous investissons sur des produits dérivés », répond Erwan Marrec, responsable de la gestion quantitative et de l'ingénierie financière chez Federal Finance Gestion. Ces instruments financiers complexes sont des produits optionnels qui permettent de faire varier les risques selon les conditions de marché. « C’est une somme d’assurances ! Si le marché progresse, je profite d’un pourcentage de la hausse. Si le marché baisse, j’ai une garantie », résume Erwan Marrec. Federal Finance investit ainsi les sommes collectées via les fonds à formule sur des produits financiers dont le fonctionnement se rapproche de ces mêmes fonds à promesse.

Dans le passé, sur les fonds à formule, Federal Finance est de cette manière déjà parvenu à rémunérer ses clients 5% alors que l’indice de référence du fonds s’approchait des -20%. Et le scénario défavorable à -40% où les souscripteurs perdent une partie de leur capital ? « Il ne s’est pas présenté », assure Erwan Marrec, qui rappelle que depuis 2009 la hausse est globalement constante.

Un succès malgré Doubl’Ô, Jet 3 ou Benefic

Fonds à formule, ce produit est aussi synonyme d’affaires judiciaires : Doubl’Ô à la Caisse d’Epargne, Jet 3 à BNP Paribas ou Benefic à la Banque Postale. Les rendements promis par les chargés de clientèle n’avaient pas été atteints et des clients avaient perdu une partie de leur capital, rogné par des frais de gestion élevés. Les fonds à formule incriminés ont été commercialisés il y a près de 15 ans. Depuis, la réglementation a évolué : « l’autorité de tutelle [l’AMF, NDLR] doit valider le prospectus et l’information est plus claire », assure Erwan Marrec. Et contrairement à ce qui se passait à l’époque, ces produits obscurs ne peuvent aujourd’hui être proposés qu’à des clients ayant une connaissance minimum de ce type de placement.

Toutefois, après avoir connu leur apogée au début des années 2010, les fonds à formule, ou les fonds communs de placement (FCP) structurés pour être plus précis, ont perdu du terrain. Très populaires via l’assurance-vie (90% de la collecte des fonds à formule chez Federal Finance), leur part dans les cotisations totales des supports en unités de compte est passée de 22% en 2011 à 16% en 2012 selon une étude des fédérations d’assureurs et mutuelles d’assurance FFSA et Gema. Mais les fonds à formule pesaient tout de même toujours 25% de l’encours des unités de compte en France, fin 2012, selon cette même étude, l’une des rares disponibles sur le sujet.

Une promesse toujours mais sur des titres de créance

« Il y a quelques années, la forte appétence des particuliers pour les fonds à formule a été renforcée par la volatilité des marchés financiers », juge l’économiste Cyril Blesson, du cabinet Pair conseil, qui estime lui aussi que la collecte des fonds à formule est « décroissante ». « Aujourd’hui, nous faisons partie des seuls à proposer des fonds à formule », reconnaît Erwan Marrec, de Federal Finance, avant d’immédiatement nuancer : « Désormais, on parle plutôt de produits structurés », une appellation qui englobe fonds à formule (FCP structuré) et EMTN structurés, un produit qui a petit à petit pris la place des fonds à formule (1).

Pourquoi ? « Les structures de type EMTN (émissions de titres de créances relevant du droit européen) ou encore les BMTN (émissions de titres de créances relevant du droit français) sont moins coûteuses dans leur mise en place règlementaire », répond Axa. En s’intéressant cette fois à l’ensemble des produits structurés, la collecte apparaît croissante, du moins chez cet assureur : « environ 550 millions d’euros en 2013 et 600 millions d’euros en 2014 ».

Ainsi, la Société Générale a communiqué le 9 janvier dernier sur trois « nouvelles opportunités d’investissement ». Parmi eux, un fonds à formule (SG Elvancia Plus) qui n’est pas accessible via l’assurance-vie mais via le PEA, et un titre de créance (SG Pluriade Plus), éligible à l’assurance-vie, dont le fonctionnement s’avère très proche du fonds à formule de Federal Finance, Autofocus Rendement : un placement d’une durée de 8 ans avec un rendement conditionné aux évolutions de l’Euro Stoxx 50 et une perte en capital à partir de -40%. Si les fonds à formule sont peut-être passés de mode, leur principe de fonctionnement basé sur la promesse fait toujours vendre.

Les produits à capital garanti de plus en plus rares

La période s’avère en revanche moins propice aux produits structurés à capital garanti. Contrairement aux fonds à promesse évoqués plus haut, certains produits structurés promettent rémunération et « capital garanti à l’échéance » comme le titre de créance SG Serendi Garanti proposé actuellement par la Société Générale.

La société de gestion Federal Finance n’a plus lancé de fonds à formule à capital garanti depuis 2013 : « Il est de plus en plus difficile d’en proposer à cause du niveau des taux d’intérêt », explique Erwan Marrec. Même difficulté chez Axa : « Il convient de noter que nous avons travaillé jusqu’alors sur des produits dont les formules permettaient de ressortir 100% du capital garanti à échéance 8 ans en 2013, échéance que nous avons dû pousser à 10 ans sur nos formules en 2014 compte tenu de la baisse continue des taux. »

Investir directement sur des actions ?

Reste donc les produits structurés affichant une promesse mais laissant planer un risque de perte en capital, en cas de scénario catastrophe. Un pari réellement payant, alors qu’il est possible de sécuriser ses investissements en diversifiant soi-même les supports ? « Si l’investisseur veut acheter des actions en direct pour toucher des dividendes en plus de la plus-values, c’est possible. Mais les clients qui souscrivent les fonds à formule veulent de la sécurité », estime Erwan Marrec, ce qui justifie à ses yeux les frais d’entrée, de gestion et de sortie à la charge de l’investisseur. Miser sur un produit structuré reste donc un pari sur l’avenir, lié à l’évolution d’un indice, et qui demande de faire confiance à une société de gestion habituée à fabriquer ce type de produit financier complexe.

(1) Un point faible, tout de même, pour les EMTN structurés vis-à-vis des fonds à formule : ils ne sont pas éligibles au PEA.