Chaque année, Score Advisor épluche la documentation des réseaux bancaires français, examinant notamment le nombre de clients qu’elles déclarent (1). Pour la première fois en 2013, l’agence de consulting constate que ce chiffre global est en recul. Comment l’expliquer ? Les réponses de Guillaume Almeras, le fondateur de Score Advisor.

Guillaume Almeras, quels sont les principaux enseignements de votre étude quantitative sur la clientèle des banques ?

« Nous avons dénombré 133 millions de clients particuliers fin 2013 en France métropolitaine. Pour la première fois, ce total est en recul, de l’ordre de 830.000 clients en un an. Nous constatons également que certaines banques sont en phase de repli - c’est le cas notamment des Caisses d’Epargne - tandis que d’autres engrangent des clients : le Crédit du Nord, par exemple, qui pourtant n’est pas particulièrement actif en matière de publicité. »

Qu’est-ce qui peut expliquer la baisse du nombre de clients de certaines enseignes ?

« Elle peut d’abord être le résultat de fermetures de compte inactifs provoquées par les banques elles-même. La Caisse d’Epargne, notamment, déclare environ 24 millions de clients, dont moins de 10 millions sont réellement actifs. Toutefois, je pense qu’une partie de ces fermetures sont aussi le fait de clients qui craignent de subir des frais bancaires injustifiés et qui, du coup, ont tendance à se débarrasser de comptes qu’ils n’utilisent pas. »

Vous décrivez en fait un recul de ce qu’on appelle la « multibancarisation »…

« Effectivement. Contrairement à l’idée dominante, qui dépeint des Français très attachés à « leur » banque, la majorité d’entre eux sont clients d’au moins deux enseignes. Cette multibancarisation a ainsi atténué l’impact de l’arrivée sur le marché de nouveaux acteurs bancaires. Les gens ont ouvert des comptes dans les banques en ligne pour tester, ou pour faire jouer la concurrence, mais sans rompre avec les offres traditionnelles. Toutefois, ce recul de la multibancarisation tend à montrer que le marché est désormais prêt pour l’arrivée d’un acteur qui apporterait une vraie rupture par rapport à l’existant. »

Comment devrait se positionner ce nouvel acteur ?

« Les services de gestion de budget, ce qu’on appelle le PFM [pour Personal Finance Management, NLDR], changent la donne, car ces outils appellent naturellement du conseil. Leur usage est encore embryonnaire, mais c’est une tendance lourde. Bientôt, les clients demanderont par exemple à leur banque : je suis à découvert, quelles solutions me proposez-vous pour y remédier ? Il y aurait aussi, je pense, la place pour un tout nouvel acteur, ciblé sur une clientèle prête à vivre sans banque principale et qui serait guidée dans un « supermarché » de produits grâce à des conseils personnalisés. Si Xavier Niel [créateur et patron d’Iliad et de la marque Free, NDLR] avait la bonne idée de tenter dans le secteur bancaire ce qu’il a réussi à faire dans l’internet ou la téléphonie, je pense qu’il pourrait réussir. Mais il n’en a visiblement pas envie. »

Les banques traditionnelles sont-elles en mesure de s’adapter à cette nouvelle donne ?

« Les banques, dans leur organisation même, sont très conservatrices. Leurs modes de gouvernance vont à l’encontre de l’innovation. Mais elles ne pourront pas faire l’économie d’une réflexion sur la valeur ajoutée apportée à leurs clients. Etre un simple coffre-fort, ou un distributeur de moyens de paiement, n’est plus suffisant, car d’autres acteurs peuvent le faire à leur place. »

(1) Pour l’année 2013, l’étude intègre 85 enseignes bancaires, y compris les caisses régionales et les filiales des grands groupes. En sont exclues les banques des enseignes de la grande distribution et certaines filiales de banques étrangères.