Les grandes banques de détail françaises comptent leurs clients en millions, leurs salariés en dizaines (voire centaines) de milliers et subissent de fortes contraintes réglementaires. Pourtant, comme tous les acteurs économiques confrontés à la digitalisation des usages, elles sont condamnées à changer pour s’adapter. Alors, comment ces mastodontes s’organisent-ils pour innover ? Nous avons posé la question à Pierre-Philippe Cormeraie, le directeur de l’innovation de BPCE, le deuxième groupe bancaire français.

Pierre-Philippe Cormeraie, comment le groupe BPCE, avec sa soixantaine de marques, ses 30 millions de clients et ses 110.000 salariés, parvient-il à innover et à s’adapter à l’évolution des techniques et usages ?

« Nous sommes effectivement confrontés à une grande tâche : comment améliorer la relation client et les process à l’ère du digital, sans remettre en cause la sécurité de nos services ? Cela nous permet de nous réinventer, de revisiter notre façon de travailler, avec un principe : créer les banques de proximité leaders de la relation humaine et digitale. C’est pour cela, par exemple, que nous n’avons pas créé de banque directe. Nous intégrons tous les outils du digital au sein des agences bancaires traditionnelles pour offrir à nos clients le meilleur des deux mondes en conservant la possibilité de rencontrer physiquement un conseiller. BPCE est aussi un groupe pluriel, avec de nombreuses grandes marques : Banque Populaire, Caisse d’épargne mais aussi le Crédit Foncier, Natixis, Banque Palatine, Banque Privée 1818, etc. L’enjeu est aussi d’organiser la diffusion de l’innovation dans chacune de ces entreprises. »

Comment y parvenez-vous ?

« Nous travaillons dans une logique d’écosystème. Nous mutualisons certaines missions au niveau de l’organe central, comme la veille technologique par exemple. Nous suivons au quotidien tout ce qui se fait en matière d’innovation dans la banque et l'assurance, en France et dans le monde entier. Nous avons ensuite mis en place une communauté de référents innovation, au nombre de 90 actuellement, venus de toutes les marques du groupe. Notre but est de faciliter leurs missions dans leurs entreprises, avec l’objectif de fluidifier l’innovation dans le groupe. »

Disposez-vous d’un service spécifique, chargé de développer des services innovants ?

« Le groupe dispose de six labs, pour aller plus loin dans la compréhension des nouveaux champs du possible offerts par les nouvelles technologies. Nous travaillons par exemple sur la dématérialisation des pièces d’identité, pour faciliter les ouvertures de compte. Quand un nouvel objet technologique sort, nous nous posons la question : que peut-on en faire dans la banque et l’assurance pour apporter de la valeur ajoutée à nos clients et collaborateurs ? Nous organisons, cinq fois par an, les matinales de l’innovation, où nous invitons aussi bien des grandes entreprises que des startups à nous présenter leurs stratégies d'innovation. C’est ce qui s’est passé, il y a un peu plus d’un an, avec les Google Glass. Après la présentation suivie d'une expérimentation avec plus de soixante collaborateurs, BPCE Assurances a su rebondir et a développé une application permettant d’assister en temps réel l’assuré victime d’un incident de la circulation. »

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Quel est votre point de vue sur l’émergence des FinTech, ces startups spécialisées dans les services bancaires et financiers ?

« Je constate effectivement une augmentation du nombre de ces FinTech, avec des réussites et des échecs, des bonnes idées et des fausses bonnes idées. Ce sont des aiguillons qui nous poussent à nous réinventer. D’ailleurs, BPCE est une FinTech, en quelque sorte, puisque notre cœur de métier repose sur la banque et l'assurance associées à beaucoup de technologie. »

Contrairement à d’autres enseignes, vous n’avez pas à proprement parler d’incubateur de startups. Travaillez-vous avec des jeunes entreprises ?

« Nous n’avons pas monté de pépinières et nous n’avons pas non plus packagé notre communication dans ce domaine. En revanche, nous faisons travailler de très nombreuses startups, qui nous apprennent beaucoup et à qui nous amenons du business. Nous avons également mis sur pied, il y a presque trois ans, une startup au sein même du groupe : S-money, qui dispose d'une licence de monnaie électronique européenne. Sur ce sujet majeur, nous avons choisi de créer cette entité à part dans l’entreprise, de manière à être plus agile, plus rapide. C’est avec S-Money, par exemple, que nous avons lancé une première mondiale pour une banque : le paiement à partir d'un simple tweet. C’est une fierté et aussi un moyen de fédérer en interne autour des sujets d’innovation. »

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