Comment les banques fixent-elles les taux des crédits immobiliers qu’elles proposent aux particuliers ? Leur évolution a-t-elle un lien, comme le laissent entendre certains observateurs du marché, avec celle des taux d'emprunt de l'Etat français ? Nous avons posé la question à Pascal Beuvelet, président du Groupe In&Fi Crédits.

Pascal Beuvelet, les taux fixes des crédits immobiliers n’ont jamais été aussi bas qu’actuellement. Dans leurs commentaires, certains observateurs du marché établissent un lien entre cette situation et la faiblesse des taux des OAT 10 ans (1), les titres de dette souveraine française. Cette corrélation technique est-elle réelle ?

« Non, il s’agit d’une idiotie. En France, on peut effectivement constater que les courbes des OAT 10 ans et des taux fixes immobiliers se suivent. C’est normal, puisque dans les deux cas, ce sont les banques qui financent ces emprunts grâce aux mêmes ressources : leurs fonds propres, les dépôts de leurs clients et leurs propres emprunts auprès de la Banque centrale européenne. Mais cela ne signifie pas qu’il y a une relation de cause à effet entre les deux. Il n’est d’ailleurs pas exclu que les deux courbes divergent un jour, comme c’est le cas en Grèce où les particuliers empruntent à des taux inférieurs à ceux appliqués à l’Etat. »

Comment sont fixés les taux des OAT ?

« L’Etat emprunte d’une façon particulière, puisqu’il a une obligation de mise en concurrence. Il en a confié la responsabilité à l’Agence France Trésor (AFT) qui émet chaque mois ces OAT, pour un montant d’environ 180 milliards d’euros par an. »

Comment se déroule concrètement cette mise en concurrence ?

« Chaque mois, l’Etat annonce la somme qu’il souhaite emprunter et propose un taux d’intérêt, par exemple 1,75% à 10 ans, qu’il met aux enchères. A partir de là, les prêteurs, parmi lesquels des banques françaises, vont faire des propositions, l’un à 1,76%, l’autre à 1,69%… Et en fonction de ces réponses, L’Etat va distribuer ses OAT. Si leur taux montent, c’est donc que les prêteurs ont moins confiance en la capacité de remboursement de l’Etat ou qu’ils ont trouvé un placement plus intéressant ailleurs. Mais cette évolution n’aura pas d’impact direct sur les taux des crédits immobiliers. »

Quelles sont alors les variables qui influent sur le niveau des crédits immobiliers ?

« Il y a d’abord le coût de la ressource, qui évolue en fonction de plusieurs paramètres : le contexte général de taux - plus les taux des placements sont bas, moins la ressource est chère pour les banques ; le volume de dépôts détenus par la banque - la quantité de cash disponible en quelque sorte ; le coût de l’organisation bancaire enfin : moins la banque a d’agences à entretenir et de conseillers bancaires sur le terrain, plus le coût de la ressource diminue. S’y ajoute ensuite la marge de la banque, qu’elle peut choisir d'augmenter ou réduire en fonction de l’état de la concurrence et de la réalisation, ou non, de ses objectifs commerciaux. Ces deux derniers élements varient énormément selon les régions, ce qui explique que les taux ne sont pas uniformes sur tout le territoire. Par exemple, une enseigne de province qui n’aura pas atteint, en fin d’année, son budget d’investissement en crédits immobiliers sera tentée de réduire sa marge. A l’inverse, dans une grande ville où la demande reste forte, une banque aura moins de raisons de le faire. »

Qu’en est-il du coût du risque ?

« C’est un domaine beaucoup plus secret. Le risque est calculé par des spécialistes, qui croisent de multiples statistiques pour déterminer une probabilité d’impayés en fonction de l’âge, du sexe, de la profession de l’emprunteur, etc. Chaque banque a ses secrets de fabrique en la matière. On peut toutefois percevoir certaines différences entre les enseignes en observant le marché : on constate, par exemple, que la Banque Populaire prête plus facilement que d’autres aux entrepreneurs, parce qu’elle a un savoir-faire sur ce profil qui lui permet de bien maîtriser les risques. »

(1) Obligations assimilables au Trésor.