Un repas payé au restaurant le vendredi midi qui n’apparaît sur votre compte bancaire que pendant la nuit du mercredi au jeudi ? Possible. Tout comme il est possible qu'un autre paiement soit comptabilisé en moins de 24 heures. Pourtant, à l’heure d’internet et de l’immédiateté de l’information, ce délai paraît bien long ! Enquête dans les coulisses des paiements par carte bancaire, avec le concours d’abonnés de cBanque.

Le délai d’apparition d’un paiement par carte bancaire sur son compte est-il plus ou moins long selon la banque concernée ? Les banques en ligne sont-elles meilleures ou plus mauvaises que les grands réseaux sur ce point ? Telles étaient les questions de départ de notre enquête. Pour y répondre, nous avons sollicité nos abonnés afin qu’ils nous communiquent un historique de leurs opérations. Parmi toutes les réponses, 14 personnes ont joué le jeu en nous fournissant des données exploitables, pour près d’une trentaine de paiements effectués dans 11 banques différentes (1).

Le bilan ? Nous avons recueilli des informations très précises sur le fonctionnement de certains établissements, comme à la Banque Postale où les opérations sont comptabilisées et visibles dans le relevé de compte en ligne chaque jour entre 22h30 et 23h. Plus généralement, nous avons constaté que, toutes banques confondues, une transaction qui apparaît le jour même du paiement est possible, mais que cela reste plutôt rare.

Pas de transactions pendant le week-end

Les résultats mis bout à bout font apparaître une large part de transactions comptabilisées le lendemain soir du paiement (J +1). Quand celui-ci n’apparaît sur le relevé de compte en ligne qu’au bout de 3 ou 4 jours, c’est parce qu’il est réalisé pendant ou à la veille du week-end. Car les services bancaires concernés ne fonctionnent que les jours de semaine, hors jours fériés. Sans compter le samedi et le dimanche, près de la moitié des paiements apparaissent donc sur le solde à J +2 au soir, l’autre moitié étant comptabilisée à J +1. Toutefois, sur la base de notre panel, il n’est pas possible d’établir une règle en fonction des différentes banques.

Chez le commerçant : seulement en fin de journée

Pourquoi subsiste-t-il donc un jour d’écart entre certains paiements, sans explication notable ? L’appel à témoins, sur le forum cBanque, nous a donné une première réponse, confirmée ensuite par les banques interrogées et le gestionnaire du réseau Cartes bancaires (GIE CB) : un premier délai, notable, est à imputer au commerçant lui-même. Ainsi, contrairement à ce que l’on pourrait croire, lorsque le terminal de paiement électronique (TPE) - le boîtier gérant le paiement par carte - affiche « paiement accepté », celui-ci n’est pas immédiatement communiqué à la banque du commerçant, ni à celle du client. Les transactions sont enregistrées dans le TPE jusqu’à la « remise de caisse », réalisée en fin de journée, soit automatiquement soit via une manipulation manuelle. Ce n’est qu’à ce moment précis que la banque du commerçant prend connaissance de l’existence de ces paiements. Selon la régularité de cette opération et selon son heure, une transaction peut ainsi être transmise à cette première banque le jour du paiement ou à J +1.

Restent des exceptions. Selon le GIE Cartes bancaires, certains commerçants réalisent plusieurs remises de caisse par jour. C’est le cas de la SNCF, par exemple. Mais impossible pour autant d’affirmer que la rapidité de la transaction dépend de la taille de l’entreprise concernée ou du nombre de transactions réalisées. Ainsi, sauf exception, dans les hypermarchés et la grande distribution en général, la règle reste selon le GIE CB une remise de caisse automatique pour le serveur gérant les boîtiers de l’ensemble du magasin.

Subsiste une énigme par rapport à l’étape du commerçant : pourquoi les banques n’affichent-elles pas le nouveau solde sur la base de l’« autorisation en cours » affichée par TPE, puisque la banque du client est interrogée dès ce stade du paiement ? D’une part car l’autorisation n’est réellement demandée à la banque de l’acheteur qu’environ trois fois sur dix. D’autre part car, selon la Société Générale, la banque ne prend en compte que l’information ultérieure, une fois la transaction réellement réalisée, plus fiable. Cependant, la Banque Postale nous a assuré qu’elle utilisait cette information pour indiquer un « avoir disponible » sur l'espace client sur internet.

La compensation entre banques finalisée à J +1 ou +2

Suite à la « remise de caisse » du commerçant, sa banque transmet l’information à la chambre de compensation interbancaire. C’est elle qui fait la passerelle entre la banque du commerçant et celle du client. Ainsi, chaque banque n’a qu’un seul interlocuteur, chargé de synchroniser l’ensemble des opérations. Appelé système « Core », cette chambre de compensation est gérée par la société STET (Systèmes technologiques d’échange et de traitement), implantée à La Défense et détenue par les cinq grandes banques françaises (2).

Combien de temps cette compensation prend-elle ? Contacté, le directeur de la STET, Jean-Pic Berry, n’a pas souhaité répondre à nos questions, un sujet « qui est délicat » ! Selon nos informations collectées auprès d’experts en monétique, le processus de compensation est finalisé 1 à 2 jours après le paiement, délai du commerçant compris. Impossible d’avoir des données plus précises mais, selon le GIE CB, il n'y a pas de différence de délai selon la banque du porteur de la carte.

Il existe une alternative pour raccourcir ce délai. Si la banque du commerçant est la même que celle de l’acheteur, la transaction ne nécessite pas forcément un passage par le système STET-Core : tout dépend si la banque en question est capable de gérer elle-même des transactions via une « usine de paiement » interne. Des grands groupes du type Crédit Agricole ou Crédit Mutuel-CIC en font par exemple profiter leurs banques régionales.

Et des paiements entre certaines banques peuvent aussi échapper au système STET-Core. Exemple : la Banque Postale et la Société Générale possèdent une plateforme monétique commune, Transactis. Concrètement, un paiement réalisé par un client Banque Postale auprès d’un commerçant ayant un compte à la Société Générale ne passe pas par le système STET-Core. Conséquence : le délai est plus court, entraînant a priori une comptabilisation à J+1 voire le jour même.

Traitement dans la banque du client : 24h maximum

Dans le cas classique, c’est-à-dire celui d’un paiement en France avec une carte à débit immédiat (70% des cartes du réseau CB) passant par le système STET-Core, la transaction est « compensée et reçue » à « J +1 voire J +2 » selon la Banque Postale. Cette information parvient dans un « flux de compensation » à la banque du client dans la journée et ne sera réellement comptabilisée, et donc visible dans le relevé de compte en ligne, que le soir. A l’image de la remise de caisse de fin de journée opérée par le commerçant, la banque ne réalise ses traitements informatiques de comptabilisation et d’imputation des opérations qu’en fin de journée.

Selon un porte-parole de la Société Générale, le paiement est comptabilisé au « maximum 24 heures » après la réception du flux, « en fonction de l’heure d’arrivée du message de compensation ». A noter : certaines banques, à l’image de la SocGen, font apparaître des paiements « en cours de traitement » affichés sur internet dès la compensation reçue.

Bilan : un délai de 3 jours ouvrés grand maximum

Faisons les comptes : le commerçant informe sa banque du paiement dans un délai pouvant atteindre plusieurs heures ; la banque du commerçant transmet à la chambre de compensation ; le message de compensation parvient ensuite à la banque du client au maximum 2 jours après le paiement ; s’en suit le traitement informatique dans la banque du client effectué au maximum 24 heures après la réception du message. Au final, un délai de 3 jours, hors week-end, apparaît comme un extrême. A l’inverse, au mieux, si la banque du client et du commerçant est la même, un paiement peut apparaître le jour même, un avantage dont ne peuvent profiter les clients des banques non affiliées à un grand réseau.

Reste un élément à prendre en compte, plus subjectif. Les usagers bancaires ont souvent le ressenti d’un laps de temps important entre le paiement et son apparition sur le solde, à l’heure où l’immédiateté est la règle avec internet. Pourquoi ? D’une part à cause des week-ends et des jours fériés, qui rallongent le délai. D’autre part à cause de l’apparition tardive du paiement lors du J +1. A l’image de la Banque Postale, où ces transactions apparaissent à 22 heures passées, les banques comptabilisent les opérations sur les comptes courants en fin de journée. D’où l’impression régulière de voir apparaître ses paiements avec plusieurs jours de décalage.

(1) La Banque Postale, Boursorama banque, Crédit Agricole, ING direct, Société Générale, Fortuneo, BNP Paribas, Caisse d’Epargne, CIC, Hello bank et Crédit Mutuel.

(2) Banque fédérative du Crédit Mutuel, BNP Paribas, le groupe Caisse d’Epargne-Banque Populaire (BPCE), Crédit Agricole SA et Société Générale.