Quels risques en cas de chute sévère du marché immobilier ? Voici la question posée par l’AMF dans la dernière édition de son cahier « Risques et tendances » publiée en ce début avril et à laquelle répondent trois experts de la Caisse des dépôts. La conclusion est plutôt surprenante : si les prix immobiliers chutent de 50% en 5 ans, les conséquences ne seraient pas dramatiques pour la consommation des ménages, même si cela aurait un impact négatif sur la liquidité des banques et sur la croissance.

L’Autorité des marchés financiers a publié cette semaine pour la première fois une analyse collective des « risques macrofinanciers pour 2014 », en faisant intervenir des experts de groupes bancaires, de cabinets d’audit ou d’institutions financières. Parmi les différents risques étudiés : quelles seraient les conséquences d’un effondrement des prix de l’immobilier ? Trois experts de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) ont planché sur la question, l’AMF précisant dans son document que leur analyse ne représente ni sa voix ni celle de la CDC.

Cette étude évoque certes un scénario catastrophe, une baisse de 50% en 5 ans, mais pas si incongru à en croire les auteurs (1). Ils rappellent ainsi qu’à partir de 2001, les prix de l’immobilier se sont envolés dans des proportions sans rapport avec les oscillations des revenus des foyers français : +70% pour l’immobilier entre 2000 et le 3e trimestre 2013. Et ce pourcentage est exprimé « en termes réels », c’est-à-dire qu’il ne prend pas en compte l’inflation. A la vue de cet historique, l’hypothèse d’un retour de bâton prend du sens. Si la courbe des prix devait à nouveau se rapprocher de celle des revenus disponibles par ménages, la baisse de l’immobilier serait d’environ 40% à 50%, là encore en termes réels. Une baisse similaire a déjà eu lieu en Irlande, de 2007 à 2012, suite à une envolée des prix de 100% entre 2000 et 2007.

Ménages : moins d’immobilier, plus d’épargne financière

Grand chamboulement en vue pour les Français, propriétaires ou locataires ? Pas si sûr. Première conséquence d'une chute brutale des prix : « le contexte de baisse des prix sera sans doute favorable à un décalage dans le temps des décisions d’investir ». Le marché immobilier serait évidemment troublé, mais les loyers ne devraient en revanche pas immédiatement suivre la tendance, car ils sont « beaucoup plus inertes que les prix ». Conséquence, pour les propriétaires de logements locatifs : une hausse du rendement de leur investissement.

Au niveau placements, en l’attente d’une nouvelle stabilisation des prix, les ménages auraient plutôt tendance à orienter leur épargne vers « sa forme financière ».

Banques : pas de catastrophe mais un souci de liquidité

Si les auteurs évoquent rapidement l’incidence sur le portefeuille des ménages, ils développent bien plus en détails les conséquences sur les finances publiques et les institutions financières. Principale conclusion : « Une chute des prix de l’immobilier n’aurait pas un impact majeur sur les bilans bancaires. » Au niveau des crédits immobiliers, il faudrait selon les auteurs « une baisse des 2/3 du prix des biens en un an pour que le bilan de la banque soit impacté ». En revanche, « le risque sur les prix de l’immobilier peut se traduire par un risque sur la liquidité bancaire et par ce biais aussi se diffuser au reste de l’économie ».

Quant aux finances publiques, une chute de 50% des prix engendrerait logiquement une baisse des rentrées fiscales mais cet impact resterait « limité », les principales victimes selon cette étude étant les finances des collectivités locales, qui perçoivent des droits de mutation à titre onéreux.

Autant d’éléments qui font dire aux trois auteurs qu’« une baisse significative du marché de l’immobilier résidentiel en France ne ressemblerait en rien à ce qui a pu être constaté dans d’autres pays ». En bref : pas d’effondrement de l’économie comme en Irlande, par exemple, même si cela aurait un impact mécanique sur la croissance. Et ce scénario catastrophe reste « extrême » comme le soulignent les auteurs de l’étude. En effet, les spécialistes du marché immobilier tablent plutôt sur une érosion continue mais encore faible des prix lors des prochains mois.

(1) Etude réalisée par Stéphane Gallon, Pascal Coret et Sylvain Baillehache de la Caisse des dépôts et consignations, publiée dans le cahier « Risques et tendances » n°14 de l’AMF, daté d’avril 2014. « Cette analyse reflète les vues personnelles de leurs auteurs », est-il précisé dans le document.