Les ménages français font preuve d’une « grande réactivité » pour changer leur fusil d’épaule à l’occasion d’évolutions de taux ou de plafonds de produits d’épargne, selon l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) dans un rapport publié cette semaine. Exemple notoire : les importants flux d’argent en octobre 2012 suite au relèvement du plafond du Livret A.

Si l’on se fie aux déclarations du ministre de l’Economie Pierre Moscovici, mardi, le taux de rémunération du Livret A devrait rester à 1,25% au 1er février prochain, alors qu’il pourrait être abaissé à 1% voire 0,75% s’il suit l’évolution de l’indice des prix à la consommation. Cela risque d’éviter des mouvements d’ampleur au niveau de l’épargne des Français. Car l’ACPR confirme dans un rapport publié le 7 janvier que les Français n'hésitent pas à modifier la répartition de leur épargne en cas de changement de réglementation.

L’exemple le plus flagrant de ce caractère girouette est le premier relèvement du plafond du Livret A au 1er octobre 2012. En l’espace d’un mois, suite à ce relèvement, 21,5 milliards d’euros ont atterri sur les Livrets A, bleus et Livret développement durable (LDD). D’où provenait cet argent ? La réponse est simple : sur la même période, 21,5 milliards d’euros ont été retirés des « autres produits bancaires ». Une somme qui correspond selon l’ACPR à « près de 7% de l’encours des Livrets A, bleus et LDD et environ [à] 2% de l’encours total des produits bancaires ». L’ACPR, dont le rôle est de veiller à la préservation de la stabilité financière se veut cependant rassurante, dans son rapport, soulignant que l’impact de cette réallocation de l’épargne pour les banques « a été limité ».

Deuxième exemple de réactivité, plus récent : l’abaissement du taux du Livret A de 1,75% à 1,25% au 1er août dernier. La Caisse des dépôts a fait état d’une forte chute de la collecte en août et septembre. Selon l’ACPR, ce changement pourrait en particulier « avoir profité aux PEL dont les encours (hors capitalisation annuelle) stagnaient depuis plusieurs années ».

Comptes à terme : amour puis désamour en 2012

L’ACPR s’attarde plus longuement dans son rapport sur un dernier exemple, les comptes à terme (CAT). D’aspect plus technique, les CAT concernent selon l’Autorité « une clientèle patrimoniale », donc « davantage susceptible d’adopter des comportements d’optimisation ».

Lire : Compte à Terme : principes et fonctionnement

L’ACPR rappelle ainsi qu’en 2011 et 2012 les comptes à terme ont fait l’objet de nombreuses offres promotionnelles, certaines banques mettant en avant ces produits à la rémunération potentiellement avantageuse face aux « super livrets » lancés par des « établissements de capitaux étrangers », pour reprendre le vocabulaire employé par l’ACPR. Résultat : ces offres « ont eu un impact significatif sur le dynamisme des flux en direction de ce type de produit, notamment fin 2011 et au 1er trimestre 2012 ». Les données compilées par l’ACPR dans son rapport montrent notamment un afflux de plus de 8 milliards d’euros sur les comptes à terme au 1er trimestre 2012, de loin la plus importante évolution enregistrée en 3 ans.

Problème : les publicités en question mettaient en avant des comptes à terme dont la rémunération « progresse avec la durée de conservation ». Elles vantaient aussi la disponibilité des fonds à tout moment, or un souscripteur risque d’être pénalisé en cas de retrait anticipé. L’ACPR a ainsi publié en octobre 2012 une recommandation demandant aux banques plus de lisibilité (1). Même si cette recommandation n’était applicable qu’au 1er juin 2013, l’ACPR estime qu’elle « s’est traduite par une plus grande modération dans les taux offerts ». Ainsi, la variation de l’encours des comptes à terme est négative depuis le quatrième trimestre 2012, cette érosion se poursuivant même jusqu’en octobre 2013 selon les statistiques de la Banque de France.

Gestion de l’épargne en temps réel

Cette tendance des Français à jouer avec les différents placements bancaires est-elle réellement nouvelle ? L’ACPR ne répond pas à cette question dans son analyse mais pointe cependant ce qui pourrait être la cause de ces mouvements rapides : « Le développement des services bancaires en ligne proposés par les banques à leurs clients a également facilité la réalisation directe, par les clients eux-mêmes, de virements de leurs comptes sur livrets ou ordinaires vers les livrets A ou LDD » suite au relèvement des plafonds. « Certains groupes de bancassurance ont constaté un net accroissement du nombre de connexions à leur banque en ligne au moment du relèvement des plafonds. »

(1) Recommandation de l’ACP sur la commercialisation des comptes à terme 2012-R-02 du 12 octobre 2012. Lire : Comptes à terme : l'ACP veut rendre plus lisibles les pénalités