Le gouvernement a présenté il y a une dizaine de jours sa réforme de l’assurance-vie. Elle préserve globalement le cadre fiscal actuel du produit d’épargne préféré des Français (plus de 1.400 milliards d’euros d’encours), mais prévoit aussi de créer deux nouveaux produits destinés à flécher une partie de cette manne vers le financement des PME. Que pensent les professionnels de la gestion de patrimoine de cette réforme ? Nous avons posé la question à Olivier Potellet, PDG de Legal & General en France (1).

Olivier Potellet, quelles étaient les craintes de votre clientèle à la perspective d’une réforme de l’assurance-vie ?

« Certaines pistes évoquées en amont de la présentation de la réforme étaient en effet très anxiogènes. C’était le cas, en particulier, d’une éventuelle taxation des retraits au barème de l’impôt sur le revenu. L’intérêt était par contre réel pour la création d’un nouveau produit destiné spécifiquement au financement de l’économie réelle. Depuis la crise des subprimes, il y a en effet une vraie défiance à l’égard des produits purement financiers. Nos clients souhaitent de plus en plus investir dans des actifs tangibles, notamment dans les PME. »

Les annonces faites par le gouvernement le mercredi 13 novembre les ont-elles rassurés ?

« Restons prudents, car tout n’est pas encore acté ! Il est probable que la réforme sera très discutée, et peut-être amendée, à l’Assemblée et au Sénat. De ce que l’on sait du point de vue fiscal, la seule sur-taxation concernera les transmissions au-delà de 900.000 euros par bénéficiaire, ce qui touche très peu de gens. Cette mesure comporte néanmoins un risque : celui d’encourager ces épargnants très aisés à trouver mieux ailleurs, éventuellement à l’étranger. Globalement, le gouvernement ne semble pas avoir bien compris la manière dont ces clients patrimoniaux utilisent l’assurance-vie. Le plus souvent, il s’agit pour eux de protéger leurs héritiers, en y provisionnant des fonds qui permettront de payer les droits de succession sur d’autres biens, notamment immobiliers, évitant ainsi de devoir les vendre. Il s’agit donc d’un placement à très long terme, calculé à l’euro près et auquel ils ne touchent plus ensuite. Si l’assurance-vie est taxée de la même façon qu’une succession, cet usage va disparaître. »

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Le gouvernement n’a pas non plus renoncé à aligner par le haut (15,5%) les prélèvements sociaux sur certains anciens contrats (2). Qu’en pensez-vous ?

« Ce changement des règles en cours de jeu est très préjudiciable à un produit comme l’assurance-vie, destiné à l’épargne long-terme. La stabilité dans le temps est essentielle pour que les épargnants puissent lui faire confiance. La fiscalité de l’assurance-vie ne devrait donc pas être une variable d’ajustement comptable. S’il manque 500 millions d’euros au budget de l’Etat, il doit y avoir de meilleurs moyens de les trouver. Cette mesure, par ailleurs, est d’autant plus étonnante que dans le même temps, le gouvernement lance deux produits d’épargne longue, qui risque de pâtir de ce déficit de confiance. C’est pourquoi j’ai encore un mince espoir qu’il revienne sur la mesure. »

Que pensez-vous des futurs contrats euro-croissance, que le gouvernement souhaite créer ?

« C’est le grand point positif de la réforme. En effet, les rendements des fonds euros sont en baisse depuis 10 ans. Encourager les épargnants à assumer une part de risque pour investir dans des actifs tangibles et améliorer le rendement de leur épargne, entre 0,5 et 1 point selon mes estimations, c’est une bonne idée. »

Vous êtes, par contre, beaucoup plus sévère à l’égard du contrat « transmission », destiné spécifiquement aux épargnants les plus aisés…

« Oui, pour les raisons que j’ai déjà détaillées. Ce qu’on dit à ces épargnants, c’est : pour obtenir un abattement de 20%, il vous faut accepter 33% de diversification, avec les risques que cela comporte. Mais encore une fois, nous sommes face à des personnes qui veulent provisionner les droits de succession de leurs héritiers, à l’euro près. Dans ce cadre, la prise de risque n’est pas possible. Pour l’assurance-vie comme pour les autres produits, nous avons un devoir de conseil, qui est contrôlé par l’autorité de régulation, l’ACPR (3). Dans l’état actuel des choses, il me paraît difficile de conseiller le contrat « transmission » à nos clients. »

(1) Filiale de l’assureur britannique Legal & General, son activité en France est centrée sur la gestion de patrimoine, à destination d’une clientèle assujettie à l’ISF. Elle compte 35.000 clients, gère 4 milliards d’euros d’encours et emploie 110 salariés.

(2) Dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014, le gouvernement prévoit d’aligner à 15,5% les prélèvements sociaux dus lors des rachats. La règle jusqu’ici voulait que que ces gains soient taxés au taux en vigueur au moment de leur réalisation.

(3) Autorité de contrôle prudentiel et de résolution