Le gouvernement a donc choisi de faire marche arrière. Le ministre délégué au Budget Bernard Cazeneuve a annoncé hier dans le JDD que l’épargne salariale, le PEA et le PEL ne feraient pas les frais d’un alourdissement de la fiscalité. Seuls certains contrats d’assurance-vie en unités de compte seront concernés. Retour sur le feuilleton de la semaine passée et sur les réactions à ce revirement gouvernemental.

Ces derniers jours, la « révolte fiscale » a pris plusieurs formes : grève annoncée des clubs de football contre la taxe à 75%, violentes manifestations contre l’écotaxe en Bretagne et tollé contre l’alourdissement de la fiscalité de l’épargne. Pour la polémique sur les prélèvements sociaux pesant sur les produits d’épargne, tout a commencé lors de la présentation du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), le 26 septembre 2013. Le PLFSS 2014 prévoyait un gain budgétaire de 600 millions d’euros en taxant à 15,5%, le taux actuel de cotisations sociales, les gains des produits souscrits par le passé. Fin septembre, cette mesure était encore peu sujette à polémique, même si cBanque avait relevé son caractère rétroactif.

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L’examen du PLFSS dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, à partir du mardi 22 octobre, a tout changé. La grogne des députés de l’opposition a alors trouvé écho dans les médias. Puis la polémique n’a cessé d’enfler au fil de la semaine, alimentée en particulier par l’UMP. Son président, Jean-François Copé, a par exemple qualifié cette mesure de « folie ».

La pédagogie a échoué

La contestation a cependant dépassé le simple cercle politique. La rédaction d’Investir a lancé dès le 11 octobre une pétition contre ce « projet de rétroactivité fiscale sur le PEA ». Bilan : près de 40.000 signatures. Le gouvernement a tenté de clore la polémique, vendredi après-midi, en jouant de pédagogie dans un communiqué précisant clairement quels seront les produits d’épargne concernés par cette « harmonisation » des taux. Insuffisant pour éteindre le feu des critiques. D’autant que des doutes sur l’intérêt de la mesure ont été émis par des membres de la majorité gouvernementale. Le rapporteur PS du Budget de la Sécurité sociale, Gérard Bapt, a ainsi demandé une exception pour l’épargne salariale et le PEL quelques heures après la diffusion de ce communiqué.

Suite à de nouveaux rebondissements samedi, le gouvernement a annoncé, par la voix du ministre délégué au Budget Bernard Cazeneuve dans Le Journal du Dimanche, faire marche arrière en choisissant d’extraire l'épargne salariale, le PEA et le PEL de ce projet d’« harmonisation » à 15,5%. Ne sont donc plus concernés par cette mesure que les « contrats d’assurance-vie pour les gains réalisés sur des versements réalisés avant le 26 septembre 1997, et pour les seuls gains réalisés sur les unités de compte » , pour reprendre les termes employés par les ministres Marisol Touraine, Pierre Moscovici et Marisol Touraine dans leur communiqué diffusé vendredi. Sans oublier, « uniquement pour les gains acquis avant 2011, [les gains] sur les compartiments euros des contrats multi-supports ».

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Une « reculade » fêtée par la droite

Dimanche, la droite a crié victoire. Alain Juppé (UMP) a souligné que « le gouvernement recule un petit peu sur tout ». S’il a regretté les « zigzags du gouvernement », le président de l’UDI Jean-Louis Borloo s’est dit « satisfait » du renoncement de l’exécutif dans un communiqué cosigné avec le député Francis Vercamer. La présidente du FN Marine Le Pen n’a pas commenté directement le revirement du gouvernement, se contentant de préciser que l’alignement à 15,5% aurait été « injuste et déloyal ».

Les réactions se sont succédées sans discontinuer dimanche. L’UMP en a profité pour parler de « révolte fiscale », par la voix de son président Jean-François Copé, faisant le lien avec les manifestations en Bretagne contre l’écotaxe. Nadine Morano a taxé François Hollande de « Président du racket fiscal » en soirée sur Twitter. Bruno Le Maire évoquait lui une « bévue supplémentaire », non sans souligner que ce renoncement était une « décision nécessaire ».

La députée francilienne Valérie Pécresse s'est voulue plus constructive en expliquant à plusieurs médias vouloir déposer ce lundi une proposition de loi constitutionnelle. Ce texte « proposera qu'on ne puisse pas changer un impôt plus d'une fois tous les 5 ans. Et surtout, elle interdira toute forme de rétroactivité fiscale », a-t-elle précisé sur Europe 1. Les politiques n’ont pas été les seuls à se réjouir. La CFE-CGC estime avoir été « entendue », le syndicat faisant un lien avec le maintien de la réduction fiscale pour frais de scolarité qu’il avait aussi appelé de ses vœux.

Une pétition à venir pour l’assurance-vie

Fermez le ban ? Le débat n’est peut-être pas clos. Certains contrats d’assurance-vie sont toujours concernés par l’harmonisation du taux de cotisations sociales à 15,5%. Philippe Revel, secrétaire général du cercle des épargnants, regrettait hier qu’une exception soit faite pour l’un des deux produits d’épargne les plus populaires en France, avec le Livret A : « En voulant traiter de manière différenciée les produits d'épargne, le gouvernement ajoute une nouvelle couche d'inégalité de traitement ».

Un point de vue logiquement partagé ce lundi par le président de la Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA) Bernard Spitz : « Cet alourdissement des prélèvements sociaux sur la seule assurance-vie nous conduit à un seuil limite d'acceptabilité fiscale, du point de vue des épargnants. » La grogne pourrait donc se poursuivre. Gérard Berkerman, Président de l’Afer (association française d’épargne et de retraite) a annoncé hier dans les colonnes du JDD lancer une pétition nationale « pour la sauvegarde de l'assurance-vie » : « Dans une semaine, nous appellerons à se manifester nos 740.000 adhérents et tous les épargnants qui ont souscrit une assurance-vie. »