Selon une étude Ipsos-MasterCard dévoilée mardi, 93 millions d’Européens auraient un accès nul ou restreint aux services bancaires. Une situation correspondant parfois à un choix de vie, plus souvent à un manque d’argent, y compris en France.

« Je préfère conserver mon argent en liquide… Vous ne savez jamais ce qui peut se passer avec une banque », témoigne une Française de 25 ans ayant répondu à l’étude réalisée par Ipsos MORI pour Mastercard en juin et juillet 2013 auprès de 631 Européens, répartis dans six pays (Royaume-Uni, France, Italie, Espagne, Pologne et Russie). Les sondeurs ont interrogé des exclus du système financier mais aussi des Européens ayant accès à certains services bancaires tout en étant privés de moyen de paiement électronique. Résultat : Jennifer Rademaker, l’une des responsables de MasterCard en Europe, évoque « 93 millions » d’Européens exclus du système bancaire ou « sous-bancarisées ».

Des marginaux ? L’étude brise ce préjugé. Un tiers des personnes concernées a reçu un salaire lors des trois mois précédant l’étude, les deux tiers possèdent un téléphone portable et la moyenne d’âge de cette population n’excède pas 40 ans. Il ne s’agit pas non plus majoritairement d’immigrants sans papiers puisque plus de 80% des personnes concernées ont vécu toute leur vie dans le même pays.

Des paiements effectués par la famille, un ami…

La cause de cette absence de compte bancaire ? Les sondés n'ayant accès qu’à un nombre restreint de services bancaires n’ont pas assez d’argent à 21% et ne sont pas autorisés à posséder un compte bancaire standard à 17%. Pour ceux n’ayant aucun contact avec une banque, si le manque d’argent reste la première motivation (25%), celle-ci est talonnée par l’absence de volonté de posséder un compte (24%) et le manque de confiance envers les établissements financiers (10%).

Comment régler les frais du quotidien sans carte bancaire ? 98% des personnes devant s’acquitter eux-mêmes d’un loyer le soldent en liquide. 100% paient courses et services avec pièces et billets. Ils conservent leur argent dans une boîte, un pot, au fond d’un tiroir ou dans une cachette secrète à domicile. Ce mode de vie, choisi ou contraint, ne rime pas nécessairement avec bohème : 38% des personnes n’ayant aucun accès aux services bancaires doivent faire appel à un proche pour payer leur logement.

La France concernée

Et en France ? Le taux de bancarisation monte à 99%, à en croire l’édition 2012 du rapport annuel de l’Observatoire de l’épargne réglementée. Dès 2010, le rapport Pauget-Constans mettait ce « taux de bancarisation élevé » en exergue en le comparant à la moyenne européenne de 80%, une donnée livrée par la Commission européenne en mai 2008. Ce qui n’a pas empêché le Secours catholique, la Croix rouge et l’Union nationale des centres communaux d’action sociale de dénoncer fin 2011 dans un appel commun l’« exclusion bancaire » de 5 à 6 millions de Français n’ayant pas accès à l’ensemble des services.

L’étude Ipsos-MasterCard n’apporte pas d’élément statistique pour comparer les différents pays européens. Mais au niveau du profil des exclus, la France ne fait pas exception : « Les comportements diffèrent peu géographiquement, ce qui indique que les problèmes que rencontrent les personnes sous-bancarisées sont similaires partout en Europe », lit-on dans le communiqué diffusé par MasterCard. Pour rappel, la loi stipule que tout résident français a le droit d’ouvrir un compte bancaire afin d’accéder aux services de base. En cas de refus, un recours à la Banque de France permet de contraindre un établissement désigné à ouvrir un compte.