Selon son directeur Jean-Baptiste Carpentier, la cellule de renseignement financier de Bercy, Tracfin, a enregistré ces derniers mois « un accroissement très net du nombre d'abus de faiblesse » sur des personnes âgées.

« Le guichetier de banque voit arriver une personne âgée, accompagnée en général d'un neveu, qui signe soit une procuration, soit un accord pour faire un transfert d'argent », a expliqué Isabelle Fenayrou-Degas, chef du département de l'analyse, du renseignement et de l'information à Tracfin, qui intervenait dans le cadre d'une conférence de presse de présentation du rapport d'activité de la cellule en 2012 et au 1er semestre 2013, publié en juillet.

Selon elle, ce phénomène, « très fréquent » et « très difficile à prouver », « continuera à croître compte tenu du vieillissement de la population ». Elle ajoute que les banquiers appellent souvent « affolés » parce qu'ils se sentent régulièrement menacés par ceux qui bénéficient de la « générosité » des personnes âgées. Or, explique-t-elle, les guichetiers ou les conseillers clientèle des banques sont soumis au secret professionnel et en l'absence de preuve, ils ne se tournent pas naturellement vers les services policiers. « Donc que font-ils ? Nous, ils nous connaissent bien : ils nous envoient une déclaration de soupçon », qui permet l'ouverture d'une enquête de Tracfin.

Tracfin n'est pas un « organisme d'aide à la personne »

Elle raconte une histoire édifiante qui s'est passée cet été. Un vieil homme se présente à la banque avec son gendre. Il vient de vendre un bien et le gendre explique que, pour « telle et telle raison », le vieux monsieur veut vider son compte et transférer les fonds sur celui de son gendre. Averti, Tracfin ouvre une enquête et s'aperçoit que le « gendre » est connu et fait l'objet de plusieurs plaintes. A l'issue de son enquête et de celle de la police, que l'organisme a saisi entre-temps, on découvre finalement que le vieil homme souffre d'un début d'Alzheimer et vit en réalité séquestré, autorisé à sortir seulement pour aller signer des papiers à la banque. Le jeune homme a depuis été arrêté et mis en examen.

« C'est un cas extrême où on a eu l'impression d'avoir été utiles, mais on a une vraie difficulté parce qu'on n'est pas là pour ça », assure Isabelle Fenayrou-Degas, « on n'est pas un organisme d'aide à la personne ». « Nous sommes là pour lutter contre le blanchiment et le financement du terrorisme », renchérit Jean-Baptiste Carpentier, en rappelant que son administration compte « 100 personnes et ne peut pas prendre sur ses épaules toute la misère du monde ». De même, ajoute-t-il, Tracfin contrairement à une idée reçue, n'est « pas une administration de lutte contre la fraude fiscale ».