Un rapport remis mardi à Arnaud Montebourg, le ministre du redressement productif, propose de revenir sur l’exonération fiscale et sociale dont bénéficie le Livret de développement durable (LDD), faisant miroiter un gain budgétaire de 110 millions d’euros. Le gouvernement se laissera-t-il convaincre ?

C’est un sujet qui revient régulièrement sur la table, surtout depuis que le gouvernement a décidé de doubler les plafonds de versement du Livret A et du Livret de développement durable : faut-il soumettre les intérêts des produits d’épargne réglementée, aujourd’hui totalement exonérés, à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux ?

En juillet 2012, la Cour des Comptes en avait fait la proposition, dans un rapport sur « L’Etat et le financement de l’économie », pour les dépôts effectués au-delà des plafonds de l’époque (15.300 euros pour le Livret A, 6.000 euros pour le LDD). « En tout état de cause, le doublement du plafond du Livret A et du livret de développement durable devrait, dans le souci de préserver le financement de la Sécurité sociale, conduire à soumettre aux prélèvements sociaux tous les dépôts supérieurs au plafond actuel de ces livrets », écrivait à l’époque la Cour. Une idée qui, selon Europe 1, aurait depuis fait son chemin au sein du gouvernement, dans le cadre de la préparation du budget 2014.

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Le LDD néfaste pour le financement de l’économie

C’est encore une fois un rapport officiel (1), remis hier mardi 18 juin à Arnaud Montebourg, le ministre du redressement productif, qui fait ressurgir le sujet. Dans une de leurs douze « propositions d’économies priorisées sur des mesures injustes et inefficaces », les rapporteurs avancent en effet l’idée de soumettre les intérêts du seul LDD aux prélèvements sociaux, au taux actuel de 15,5%, sur la tranche 6.000 - 12.000 euros, c’est-à-dire celle qui correspond au doublement du plafond mis en œuvre le 1er octobre dernier.

Cette proposition est justifiée par un constat : le LDD est néfaste au financement de l’économie. « (…) Dès lors qu’il n’existe pas d’obligation sur la durée de détention, [ses encours] peuvent difficilement servir au financement de long terme des entreprises », explique ainsi le rapport, qui souligne également son impact sur le bilan des banques : « La diminution des ressources bancaires liée à la centralisation du LDD et du livret A est estimée à 19,9 milliards d’euros fin 2012 : (…) elle constitue (…) une perte considérable, au moment où les établissements de crédit sont appelés à renforcer leur bilan du fait du durcissement des normes bancaires et pèse par conséquent sur la capacité des banques à financer l’économie, et les entreprises en particulier. »

L’avantage fiscal plafonné à 50 euros

Mais le texte ne s’arrête pas aux prélèvement sociaux : il propose également de plafonner l’avantage fiscal du LDD, en intégrant ses intérêts aux revenus soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu après application d’une franchise de 50 euros. Le rapport conteste ainsi l’idée que le LDD est le support d’une épargne populaire et souligne au contraire que le système actuel « amplifie l’avantage fiscal pour les ménages les plus aisées » : « (…) L’encours du LDD est fortement concentré sur les livrets les plus fortement dotés : (…) les livrets de plus de 6.000 euros (7,6 millions fin 2012) représentaient ainsi 74,2 % des encours fin 2012, contre 61,0 % fin 2011. »

Selon la projection des rapporteurs, la suppression partielle de l’exonération sociale du LDD pourrait rapporter, si elle est appliquée dès le 1er janvier 2014, « 61 millions d’euros dans une hypothèse prudente et probablement autour de 80 à 90 millions compte tenu de l’évolution de l’encours ». Il faut y ajouter 20 millions d’euros d’économies dans le cadre du plafonnement fiscal, soit au total un gain budgétaire, hypothèse haute, de 110 millions d’euros.

Cette perspective suffira-t-elle à convaincre le gouvernement de suivre l’avis des rapporteurs ? Ces derniers ont en tout cas eu l’intelligence de ne pas s’attaquer au Livret A qui semble aujourd’hui intouchable dans l’esprit de la majorité.

(1) « Pour des aides simples et efficaces au service de la compétitivité », établi par Jean-Philippe Demaël, directeur général de Somfy Activités, Philippe Jurgensen, inspecteur général des finances et Jean-Jack Queyranne, président (PS) de la région Rhône-Alpes