La réforme du rail initiée par le gouvernement doit permettre de juguler en dix ans la spirale de l'endettement du secteur grâce à une organisation plus intégrée compatible avec les exigences de Bruxelles, selon l'ancien ministre des Transports, Jean-Louis Bianco.

Dans ses recommandations transmises lundi au Premier ministre Jean-Marc Ayrault à l'issue de six mois de travail, M. Bianco fixe sept objectifs pour sortir le rail français de sa « double impasse » économique et opérationnelle.

30 milliards de dette

La dette s'élève aujourd'hui à plus de 30 milliards d'euros. Le déficit structurel annuel (personnel, charges externes, investissements, impôts) est lui de l'ordre de 1,5 milliard. En l'absence de réforme, il pourrait atteindre rapidement 2 milliards.

« Nous avons la possibilité en France (...) de réaliser une réforme qui fera date, c'est-à-dire qui gardera le cœur de notre histoire républicaine, de notre tradition, la notion de service public mais en proposant (...) un service modernisé, innovant », a assuré M. Bianco devant la presse. Cette réforme doit améliorer la qualité du service aux clients en remédiant à son manque de transparence, sa fiabilité inégale et à une tarification TGV incompréhensible.

Pour M. Bianco, la pierre angulaire consiste à rassembler au sein d'un gestionnaire d'infrastructure unifié (GIU) Réseau ferré de France (RFF), la Direction de la circulation ferroviaire (entité de la SNCF) et les cheminots de la SNCF travaillant à la maintenance du réseau (SNCF Infra). Ce GIU, rattaché à la SNCF dans un « pôle public ferroviaire », supprimera les redondances d'activités.

« Les gains de productivité, la meilleure efficacité du travail, la modernisation des méthodes, le renouvellement des procédures, peuvent apporter une partie importante des sommes qui manquent au système ferroviaire pour équilibrer ses dépenses, ses besoins d'investissements », a argué M. Bianco. Cette intégration vise à ramener « la cohérence opérationnelle, technique, sociale et économique » sans toutefois « revenir à la vieille administration des chemins de fer », a-t-il souligné.

Une reprise de la dette n'est pas envisageable, a poursuivi l'ancien ministre, mais le déficit structurel peut être contenu : 500 à 600 millions pourraient être épargnés avec une meilleure organisation et autant via une meilleure productivité et efficacité à la SNCF. Pour les 500 millions manquants, il suggère d'acter « par la loi que l'Etat renonce à percevoir les intérêts sur dividende pour que cette somme puisse être réinvestie ».

Commission européenne

La réforme française est scrutée par la Commission européenne, qui prône plutôt un dispositif séparant strictement le gestionnaire d'infrastructures et l'opérateur ferroviaire. Jean-Louis Bianco a assuré avoir reçu des signaux positifs sur la compatibilité d'une telle réforme avec la directive en préparation à Bruxelles. « Ce projet est euro compatible », a-t-il martelé. A condition d'y mettre des garde-fous.

L'ancien ministre suggère ainsi de garantir le comportement impartial du gestionnaire d'infrastructures, de renforcer le rôle de l'Autorité régulatrice du secteur (Araf) ou encore de créer une commission de déontologie. Il a enfin estimé que l'une des conditions de réussite était la rapidité d'exécution. Un projet de loi « pourrait être présenté en Conseil des ministres après l'été », a indiqué une source gouvernementale.

Jacques Auxiette, président du Conseil régional des Pays de la Loire, a remis parallèlement au Premier ministre un rapport présentant 42 propositions. Il recommande notamment que « les Régions, en tant qu'autorités organisatrices des transports ferroviaires de proximité, coordonnent aussi l'intermodalité, qu'elles fixent librement les tarifs des TER, décident de la gestion des matériels et en soient propriétaires, ou encore définissent les investissements à faire dans les gares de proximité », selon un communiqué.

Ces annonces ont été fraîchement accueillies par Sud-Rail, estimant que le rapport Bianco « dégradait les conditions de travail et de vie des cheminots ».