Les principales enseignes françaises de la grande distribution proposent à leurs clients de souscrire des cartes bancaires. Avec un argument principal, le prix, et un compagnon quasi-incontournable, le crédit renouvelable. Tour d’horizon de ce segment du marché des moyens de paiement.

Carrefour Banque, Banque Accord pour Auchan, Banque Casino, Banque Chabrières pour Intermarché ou encore Banque Edel pour E.Leclerc : tous les groupes français de la grande distribution, ou presque, ont au fil des années diversifié leur activité en développant des filiales bancaires.

Elles y trouvent, évidemment, leur intérêt : il s’agit pour ces enseignes de soutenir le chiffre d’affaires de leurs succursales en proposant directement aux consommateurs des facilités de paiement et des crédits. Etape suivante, les hypermarchés n’ont pas tardé à distribuer leurs propres cartes bancaires, Mastercard ou Visa, permettant classiquement de payer et de retirer des espèces, tout en affichant quelques avantages spécifiques pour le client.

Simple et pas cher

Le premier argument est leur prix. En effet, si l’on met de côté les banques en ligne « pure-players » (ING Direct, Fortuneo, Boursorama Banque…) qui proposent, sous conditions de revenus ou de dépôts mensuels, des moyens de paiement gratuits, les cartes de la grande distribution sont proposées à des tarifs défiant toute concurrence.

L’éventail va ainsi de 12 euros annuels chez U ou chez Leclerc, à 18 euros chez Intermarché. A titre de comparaison, il faut prévoir, dans le meilleur des cas, une cotisation annuelle d’environ 35 euros pour obtenir une carte équivalente dans les réseaux bancaires classiques. Certaines enseignes (U, Casino…) exonèrent, de plus, leurs clients de cotisation au cours de la première année. Et une autre, la Banque Edel, propose même de rembourser la cotisation mensuelle (1 euro) à partir de dix paiements au comptant, effectués dans le mois dans les magasins Leclerc ou ailleurs.

Autre avantage : ces cartes bancaires ne nécessitent pas de changer de banque. Elles sont en effet associées au compte courant habituel du client. Les paiements et les retraits effectués y sont directement débités, le plus souvent une fois par mois, à date fixe.

Cartes bancaires vendues à prix coûtant

Mais comment les hypermarchés parviennent-ils à proposer des tarifs aussi compétitifs ? Tout simplement en reprenant pour la carte un procédé qu’ils utilisent déjà pour la baguette de pain ou le kilo de pommes de terre. « Nous n’avons pas le même modèle économique que les banques », nous a confirmé Corinne Martinet, directrice marketing et communication de Banque Casino (*). « La carte, pour nous, c’est un produit d'appel, de fidélisation, que nous vendons à prix coûtant. »

Autre source d’économies : les cartes bancaires de la grande distribution sont directement affiliées aux réseaux internationaux Mastercard ou Visa, et s’affranchissent donc du GIE Cartes Bancaires (CB), un groupement d'intérêt économique mis en place et géré par les banques françaises. Cela leur permet d’éviter certaines obligations particulièrement coûteuses, comme l’installation d’un parc de distributeurs automatiques (DAB).

Avantages fidélité et remises commerciales

Pour convaincre leurs clients de s’équiper, les cartes des grands distributeurs possèdent un autre argument : la simplicité d’usage. Elles font en effet office, à la fois, de carte de paiement et de carte de fidélité, ce qui simplifie le passage en caisse, tout en donnant accès à des remises commerciales ou, sur certains achats, à des extensions de garantie.

La simple souscription d’une carte de paiement permet ainsi de bénéficier de bons d’achat, par exemple chez U, ou de remises ponctuelles, notamment chez Carrefour. Son utilisation permet généralement de récolter des points de fidélité, transformables en bons d’achat ou en cadeaux. Certaines enseignes, comme Casino, vont même jusqu’à étendre ce dispositif de fidélisation aux achats effectués hors de leurs magasins, sans craindre pour autant de perdre leurs clients : « Ils reviennent ensuite chez nous pour récolter leurs avantages fidélité : la boucle est bouclée » explique ainsi Corinne Martinet.

Fonction carte de crédit

Mais l’avantage principal de ces cartes, pour les magasins en tout cas, réside évidemment dans leur fonction crédit, qui permet de « solvabiliser » le client en lui donnant accès à un crédit renouvelable. Au risque, bien sûr, de certains dérapages.

Cet usage des cartes magasins a d’ailleurs été encadré, depuis mai 2011, par la loi Lagarde de réforme du crédit à la consommation. Celle-ci a imposé aux distributeurs un effort de transparence, afin d’éviter que les consommateurs n’utilisent la fonction crédit de la carte sans le souhaiter. La distribution de la carte, qui doit porter la mention « carte de crédit » donne donc lieu à une information spécifique sur le crédit associé. Elle est également bloquée par défaut sur la fonction paiement comptant. Enfin, les enseignes ne peuvent plus conditionner l’accès à une promotion à l’utilisation de la fonction crédit.

Pour autant, une récente étude de l’association de consommateurs UFC-Que Choisir a montré que certains grands distributeurs continuaient à réserver aux détenteurs de ces cartes l’accès aux facilités de paiement sans frais, qu’on retrouve en effet dans presque tous les argumentaires : « 4x sans frais » chez Système U, « 3x sans frais » et report de trois mois chez Carrefour ou encore « 4 ou 10x sans frais » chez Casino…

La loi Lagarde a néanmoins fait évoluer certains usages. Banque Casino est ainsi devenu, fin 2011, la première enseigne française à proposer un carte bancaire sans fonction crédit. Elle y trouve une véritable intérêt. « La carte avec débit/crédit attire les clients qui ont besoin de facilités de paiement, mais éloigne ceux qui sont réfractaires au crédit renouvelable. Ceux-là sont pourtant contents d'avoir une carte unique, qui leur permet à la fois de payer et aussi de récolter des points de fidélité », explique Corinne Martinet. « Cette carte sans crédit associé nous permet donc d'« encarter » plus de clients, en se basant sur un modèle économique plus satisfaisant pour l'enseigne. Cela donne une image plus généreuse. »

(*) Nous avons également sollicité Carrefour Banque, qui n’a pas souhaité donner suite.