Le Crédit Agricole s'apprête à lancer un test grandeur nature de la carte de paiement sans contact dans cinq communes bretonnes. Un projet porté par Crédit Agricole en Bretagne, qui coordonne les actions communes des quatre caisses bretonnes. Mais comment fonctionne cette structure spécifique à la Bretagne ? Nous avons posé la question à Jean-Marie Malherbe, son directeur.

La Bretagne est la seule région de France où le Crédit Agricole a conservé une structure départementale, avec quatre caisses (1) pour autant de départements. D'où vient cette spécificité ?

« Effectivement, dans les autres régions françaises, les caisses du Crédit Agricole ont fusionné à un échelon régional au cours des années 1990, avec l’objectif de faire des économies d'échelle, par exemple en regroupant leurs sièges, tout en maintenant une proximité par le réseau d'agences. La Bretagne est un cas à part. La région a connu ces dernières décennies une croissance économique et démographique importante, qui a permis aux quatre caisses d'avoir une assise financière suffisante pour conserver leur autonomie. Elles ont néanmoins engagé, au cours des années 2000, un processus, non pas de fusion, mais d'organisation croisée qui permet de réaliser des investissements communs. »

Comment cela fonctionne-t-il, plus concrètement ?

« Il existe aujourd'hui 25 dispositifs de coopération renforcée, dans différents domaines, répartis de façon équilibrée sur l'ensemble du territoire. Par exemple, toutes les opérations internationales pour les entreprises clientes des quatre caisses sont traitées à Quimper, dans le Finistère. Chacune de ces coopérations est placée sous la responsabilité d'une des quatre caisses. Le rôle de Crédit Agricole en Bretagne est de coordonner ces activités communes. Nous avons également une fonction de représentation du Crédit Agricole, auprès des collectivités locales notamment. »

Quels sont les avantages de ce dispositif ?

« Il permet d’abord de répartir les compétences sur l’ensemble du territoire, plutôt que de les concentrer dans une seule ville. Ce qui ne nous empêche pas de nous adapter à la réalité du terrain. La banque d’affaires entreprises, par exemple, est installée à Rennes, car c’est là qu’on trouve le plus de sièges sociaux. Ensuite, il permet de renforcer la recherche et le développement,  en mutualisant la prise de risques inhérente à toute innovation. »

C’est le cas ces jours-ci avec le lancement d’un test grandeur nature dans le domaine du paiement sans contact...

« Absolument. A l’échelle du groupe Crédit Agricole, le service a déjà été expérimenté en Basse-Normandie et en Alsace. Cette fois, nous entrons dans une phase de test dans six villes bretonnes : Saint-Brieuc, Quimperlé, Lesneven, Pontivy et Ploërmel au cours du printemps, puis Rennes en septembre. La Bretagne est une terre d’innovations, avec d’importants pôles de compétitivité dans le domaine des réseaux et des télécoms, c’est donc un terreau porteur pour ce type de test. Dans ces villes, certaines très urbaines, d’autres plus rurales, les sociétaires porteurs d’une carte bancaire Crédit Agricole en Bretagne seront équipés d’une nouvelle carte permettant de régler sans contact des achats inférieurs à 20 euros chez de nombreux commerçants. »

Quels sont les autres projets portés par Crédit Agricole en Bretagne ?

« Nous avons lancé Breizh Banque (en novembre 2009, NDLR), qui était un travail de recherche autour de la banque à distance dans une logique communautariste. Le site fonctionne bien, plus dans la participation à la vie des territoires que dans le service bancaire proprement dit. Autre projet, qui concerne tout le groupe mais qui est porté en Bretagne par Crédit Agricole en Bretagne : la mise en place du système d’information NICE (2), un sujet majeur à très court terme. La coopération permet un partage d’expériences et de compétences entre les caisses au moment du passage au nouveau système. »

Existe-t-il une dimension identitaire dans la démarche de Crédit Agricole en Bretagne ?

« Il y a clairement, chez les Bretons, un rapport très fort à leur identité régionale, et un attachement à l’autonomie de leurs territoires. Mais ils sont surtout attachés à la proximité et à la qualité des services. On peut prendre l’exemple du label « Produit en Bretagne » : s’il jouit d'une excellente réputation, c'est grâce à la qualité des produits, pas à cause de la dimension identitaire. La connotation bretonne est un petit plus, mais c'est surtout la qualité du service rendu qui prime. Nous sommes au service des Bretons et pas de la Bretagne.  »

Votre modèle est-il exportable dans d’autres régions ?

« C’est déjà le cas. A l’échelle du pays, on dénombre près de 400 dispositifs de coopération renforcée entre caisses régionales. C’est un véritable modèle d’avenir, qui privilégie le partage de savoir-faire sur la fusion. D'ailleurs le Crédit Agricole n'est pas le seul à l'utiliser. Certains acteurs de la grande distribution, comme Super U par exemple, utilisent aussi des systèmes coopératifs et décentralisés. »

A l’inverse, peut-on imaginer que les Crédits Agricoles bretons avancent vers plus d’intégration ?

« Ce n'est pas à l'ordre du jour. Le mot d’ordre reste le même : nous ne souhaitons pas fusionner en Bretagne. »

(1) Caisses régionales du Crédit Agricole d’Ille-et-Vilaine, des Côtes d’Armor, du Finistère et du Morbihan.

(2) Projet de restructuration et de modernisation de l’informatique des caisses régionales du Crédit Agricole, lancé en 2009.