La France a perdu vendredi son précieux « AAA » auprès de Standard & Poor's (S&P), un coup de tonnerre au pire moment pour Nicolas Sarkozy à cent jours de l'élection présidentielle. Cette décision de l'agence de notation consacre un décrochage entre les deux premières économies de la zone euro, l'Allemagne ayant préservé sa note, la meilleure possible.

Cette dégradation « reflète l'impact de l'intensification des problèmes politiques, financiers et monétaires dans la zone euro, au sein de laquelle la France est étroitement intégrée », a commenté l'agence dans son communiqué. La décision de S&P était attendue depuis début décembre quand l'agence avait menacé d'abaisser la note de 15 Etats de la zone euro, dont les six notés « triple A ».

La France risquait un abaissement de deux crans. Paris n'en perd finalement qu'un seul, à AA+. Mais selon S&P il y a encore « au moins une chance sur trois » qu'une nouvelle dégradation puisse intervenir en 2012 ou 2013, notamment « si ses finances publiques devaient dévier du chemin tracé en matière de consolidation budgétaire ».

Outre la France, l'agence a abaissé la note de huit autres pays de la zone euro. Parmi eux, l'Autriche perd aussi son AAA et l'Espagne et l'Italie sont dégradées de deux crans. S&P a en outre placé tous les Etats de la zone euro sous perspective négative, à l'exception de la Slovaquie et l'Allemagne.

Au plan hexagonal, la perte du triple A pourrait avoir des répercussions en cascade, alors que Paris doit émettre pour 178 milliards d'euros d'obligations cette année. Une dégradation de la note se traduit en principe par une hausse des taux d'intérêt.

Baroin tente de rassurer

« Ce n'est pas une bonne nouvelle » mais ce n'est « pas une catastrophe », s'est efforcé de relativiser le ministre de l'Economie François Baroin, premier à annoncer l'abaissement, confirmé en fin de soirée par S&P. « Ce ne sont pas les agences de notation qui dictent la politique de la France », a-t-il déclaré sur France 2, au sortir d'une réunion de crise à l'Elysée avec Nicolas Sarkozy, le Premier ministre François Fillon et la ministre du Budget, Valérie Pécresse.

M. Baroin a exclu l'adoption d'un troisième plan de rigueur, après ceux d'août et novembre 2011. Il n'y aura « pas de nouveau plan de rigueur car ce n'est pas une question de rigueur budgétaire », a-t-il dit, attribuant la décision de S&P à un « problème de gouvernance » de la zone euro. Le président Sarkozy avait longtemps fait du maintien du « triple A » une priorité y voyant « un objectif et une obligation ».

« Aujourd'hui, la France est une valeur sûre, elle peut rembourser sa dette et les nouvelles concernant notre déficit sont meilleures que prévu », a assuré la ministre du Budget Valérie Pécresse. « Notre stratégie économique ne changera pas: c'est le désendettement, la compétitivité et son potentiel de croissance », a-t-elle ensuite affirmé dans une interview à l'AFP, jugeant par ailleurs « absolument nécessaire que la convergence franco-allemande se poursuive ».

« La France est sur la bonne voie », a réagi le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble. Pour l'instant, Paris conserve toujours son triple A auprès des deux autres grandes agences de notation internationales, Moody's et Fitch. La rumeur de l'imminence d'une dégradation française s'est répandue en milieu d'après-midi vendredi sur les marchés, avant d'enflammer la classe politique.

Réactions politiques

« Cette perte du triple A sanctionne la politique suivie depuis 2007 », a lancé au nom du Parti socialiste Martine Aubry, pour qui Nicolas Sarkozy « restera le président de la dégradation de la France ». Le chef de file des députés PS, Jean-Marc Ayrault, a évoqué « un sentiment d'humiliation » et « la rançon d'un quinquennat calamiteux qui a affaibli la crédibilité du pays ».

La présidente du Front national, Marine Le Pen, y a vu « la fin du mythe du président protecteur » et la disqualification de « tous ceux » qui ont défendu l'euro.

« Notre statut en Europe va souffrir symboliquement et donc politiquement », a prédit François Bayrou, candidat du MoDem à la présidentielle. Selon lui, il s'agit aussi d'une dégradation « par rapport à notre principal voisin ».

« Les embardées de Nicolas Sarkozy depuis cinq ans, la multiplication des cadeaux fiscaux, les réformes et contre-réformes fiscales n'auront pas répondu ni aux échecs de cette financiarisation de l'économie, ni à la hausse dramatique du chômage », a déclaré Cécile Duflot, secrétaire national d'EELV.