La cascade de mesures fiscales annoncées depuis l'été par le gouvernement donne le tournis aux notaires, confrontés à un boom d'activité avant l'entrée en vigueur de certaines hausses, et de plus en plus perplexes sur les conseils à donner en matière de gestion de patrimoine.

« Il y a beaucoup d'interrogations, dans un environnement fiscal extrêmement chahuté », a expliqué cette semaine Me Jean Dugor, président de la chambre régionale des notaires de Bretagne, lors d'un point presse organisé par les notaires bretons pour tenter de clarifier les choses auprès du grand public.

« Nous avons eu quatre lois de finances rectificatives en 2011 et une loi de finances 2012 pas mal discutée, c'est du jamais vu », a-t-il souligné. Du coup, beaucoup d'études notariales se retrouvent en surchauffe, entre renseignements aux particuliers déboussolés et actes à rédiger pour investisseurs cherchant à profiter d'avantages fiscaux avant leur suppression ou rabotage.

« Pour cette année, c'était zéro vacances de Noël pour les collaborateurs, du travail le samedi pour certains, et des dépassements horaires importants », explique Me Thierry Thomas, membre d'une très grosse étude de l'agglomération nantaise. « Nous avons une quarantaine de dossiers de cession de biens immobiliers en cours, contre une quinzaine en temps normal », confirme un confrère d'une plus petite étude nantaise.

Taxe sur les partages

Première mesure à avoir fouetté l'activité des notaires, la forte hausse de la taxe sur les partages (passée à 2,5% le 31 décembre, contre 1,1% auparavant), qui a poussé bon nombre de couples en instance de divorce, ou d'héritiers, à sceller un accord avant le 31 décembre, date de l'entrée en vigueur de la hausse. « Ca a débloqué pas mal de situations conflictuelles », souligne Me Caroline Bideplan-Renaut, notaire en région parisienne, qui a dû elle aussi reporter les congés de fin d'année de son étude pour faire face à l'afflux de dossiers.

Réduction du Scellier

Ensuite, la fin annoncée de la loi Scellier, avantage fiscal consenti aux investisseurs achetant des logements neufs pour les louer. Le dispositif a finalement été maintenu un an de plus, mais sérieusement raboté à compter du 31 décembre 2011. Du coup, les promoteurs se sont précipités pour liquider leur stock et conclure des contrats de réservation (équivalent de la promesse de vente) avant le 31 décembre, forçant les notaires à pousser les feux pour finaliser le précieux document, explique Me Thierry Thomas.

Plus-values immobilières

Troisième et dernier coup de rabot fiscal dopant l'activité des études, la taxation des plus-values immobilières pour les propriétaires vendant un logement qui n'est pas leur résidence principale. Alors que la taxation de la plus-value disparaissait à partir de 15 ans de détention dans le précédent code des impôts, le délai de détention est désormais porté à 30 ans, pour tous les actes de vente signés après le 31 janvier 2012.

Autant dire que bien des propriétaires qui hésitaient à vendre leur résidence secondaire, un appartement en location ou un terrain à bâtir ont accéléré leur décision, expliquent les notaires.

Ce surcroît d'activité ne donne pas pour autant le sourire à la profession, qui craint un contre-coup à partir de février: tout ce qui a été fait dans l'urgence depuis quelques mois risque de manquer à l'appel les prochains mois. Et les annonces et contre-annonces, les arbitrages rendus au dernier moment, les décrets qui tardent à paraître (celui fixant les conditions de ressources pour l'obtention d'un prêt à taux zéro n'est toujours pas paru) créent un climat d'incertitude pour les investisseurs, expliquent les notaires.

« Ca devient extrêmement complexe de mettre en place une véritable stratégie de gestion du patrimoine », souligne l'un d'entre eux.