L'Association française des usagers des banques (Afub) et le Groupement des Cartes Bancaires CB ont déploré mercredi une note du ministère de la Justice incitant les services de police et de gendarmerie à ne plus enregistrer de plaintes en cas de fraude à la carte bancaire.

Le ministère de la Justice a adressé une « dépêche » datée du 2 août à l'ensemble des procureurs généraux près les Cours d'appel, à charge pour eux de la répercuter aux services concernés, rappelant que le dépôt de plainte n'est pas légalement obligatoire en cas de fraude à la carte bancaire. Il invite les services de police et de gendarmerie à remettre une notice d'information -jointe à la note du ministère- aux porteurs de carte qui se présenteraient pour porter plainte, expliquant que leur banque est tenue de rembourser les sommes indûment retirées de leur compte sans exiger de plainte.

« Aujourd'hui, on constate que de plus en plus de citoyens déposent plainte, en ayant dans l'idée que c'est comme ça qu'ils pourront être indemnisés par leurs banques », a déclaré un porte-parole du ministère de la Justice. La notice rappelle pourtant « que la loi de 2001 n'impose pas qu'une plainte soit déposée (...) pour bénéficier du remboursement ».

Impunité pour les fraudeurs

Pour l'Afub, cette initiative se fait « au détriment des titulaires de cartes bancaires qui sont victimes de fraude ». « Une telle attitude est criminogène car elle organise au bénéfice des fraudeurs une véritable impunité ». Selon elle, il est également question de « maquillage statistique » car cette attitude « conduira à une minoration de la réalité des fraudes puisque leur recensement, désormais réservé aux banques, vise les seuls cas où elles indemnisent ».

De son côté, le Groupement des Cartes Bancaires CB -qui comptait 131 membres fin juin- a également « regretté cette mesure qui entraîne une perte d'informations pour les enquêtes de police, et une complication » pour les porteurs de carte. « Nous regrettons cette mesure car c'est le porteur de la carte qui a le plus de renseignements sur les circonstances, sur les débits, etc, et qui peut le raconter à la police dans le cadre d'un dépôt de plainte », a expliqué Jean-Marc Bornet, administrateur du Groupement. « C'est un vrai affaiblissement de la lutte contre la fraude ».

Secret bancaire

La note de la Chancellerie souligne qu'« il n'y a qu'avantage au regard de l'efficacité et de la célérité de l'enquête, à ce que la banque (...) dépose plainte ». Cela permettrait également, souligne-t-elle, de lutter contre les escroqueries en bande organisée en regroupant en une seule plainte des fraudes commises avec le même mode opératoire. Mais « une banque ne peut pas donner (les informations de son client) à la police ou à la justice à cause du secret bancaire », a relevé Jean-Marc Bornet. « Sauf à demander au porteur de signer une levée du secret bancaire, ce qui ajoute de la paperasserie ».

Le taux de fraude sur les paiements et les retraits par carte bancaire dans les systèmes français a atteint 368,9 millions d'euros en 2010 (0,074% des transactions, contre 0,072% en 2009). En cas d'utilisation frauduleuse d'une carte restée en possession de son porteur, celui-ci est remboursé intégralement des montants et éventuels frais bancaires. En cas de perte ou de vol de la carte, une franchise de 150 euros maximum est appliquée.