Quelques mois après avoir décroché un premier emploi, est-il judicieux de devenir propriétaire de son logement ou faut-il attendre d'avoir une situation financière plus confortable avant de s'endetter ? Contrairement à ce qu'on pourrait penser, les banques réservent aux jeunes des conditions qui sont parfois plus intéressantes qu'à leurs aînés.

Devenir propriétaire est une aspiration largement partagée. Les trois quarts des Français souhaitent acquérir leur résidence principale, selon un récent sondage d’Opinionway. Mais ce projet de vie est parfois difficile à concrétiser surtout pour les jeunes générations. Ainsi, la part des moins de 35 ans parmi les primo-accédents a tendance à baisser. Elle est passée de 62% en 2017 à 58% en 2018, d’après les statistiques du courtier Meilleurtaux. L’obtention de plus en plus tardive du premier contrat à durée indéterminée explique vraisemblablement ce repli. Car, si les formes de l’emploi évoluent - 87% des embauches se font désormais en CDD, contre 76% en 1993 - le CDI reste le « sésame » pour décrocher un crédit.

Voir également : Chômeur, CDD, intérim, freelance : un accès au crédit immo difficile

Mais, une fois sa vie professionnelle stabilisée, banques et courtiers se montrent unanimes. Pour eux, c’est une bonne idée de devenir propriétaire jeune. « Plus tôt vous faites une acquisition, plus tôt vous investissez pour vous : au lieu de verser un loyer à un propriétaire, vous devenez propriétaire grâce au financement », résume Patrick Cuvillers, chef de produit crédit immobilier chez LCL. Ne plus verser de loyers est d’ailleurs la motivation principale pour 7 primo-accédants sur 10, soulignait en juillet dernier une étude du Crédit Foncier.

De plus, « en faisant un premier achat immobilier jeune, sa revente quelques années plus tard favorisera l’acquisition d’une nouvelle résidence principale, qui collera davantage à son évolution professionnelle ou familiale », ajoute Patrick Cuvillers. Cette dimension patrimoniale est également citée par Delphine Longuet, responsable marketing clients au Crédit Agricole Ile de France, pour qui « acheter un bien immobilier le plus tôt possible est un moyen de se constituer un patrimoine ».

Des baisses de taux significatives pour les jeunes

Ce sont aussi les conditions d’emprunt très favorables offertes à cette clientèle qui peuvent inciter les jeunes à se lancer, comme le souligne Sandrine Allonier, porte-parole du courtier Vousfinancer. « Les jeunes actifs sont très courtisés par les banques car ils ne sont pas encore bancarisés. Ils n’ont pas encore noué de relation à long terme avec une enseigne, détaille-t-elle. Un jeune de 20 ans va vouloir ouvrir des livrets. Il va peut-être faire un crédit pour acheter une voiture, un véhicule qu’il devra assurer… Autant d’opportunités d’accompagnement pour une banque ».

Et pour attirer cette clientèle d’avenir, les enseignes sont prêtes à casser les prix. Concrètement, les moins de 30 ans bénéficient souvent de barèmes spécifiques. Dans d’autres établissements, les conditions de ressources sont assouplies, ce qui permet aux jeunes d’obtenir un taux d’emprunt habituellement proposé aux ménages disposant de revenus confortables. En pratique, les décotes peuvent atteindre de 0,10 à 0,30 point, ce qui, dans le contexte actuel marqué par des taux bas est loin d’être anecdotique.

Les banques font également les yeux doux à cette clientèle en lui concoctant des enveloppes spécifiques de financement à très faible taux. C’est le cas du Crédit Agricole Ile de France qui propose aux primo-accédants de tout âge un prêt jusqu’à 30 000 euros à taux zéro, détaille Delphine Longuet.

A lire aussi sur cBanque : Achat immobilier : quel budget prévoir et combien emprunter ?

Une tolérance accrue sur l’apport personnel

Concernant l’apport personnel, les établissements de crédit font, là encore, preuve d’une plus grande souplesse pour les jeunes qui empruntent. « Si vous venez de rentrer dans la vie active, la banque peut comprendre que vous n’ayez pas mis de côté les 10% d’apport nécessaire à l’achat », souligne ainsi Sandrine Allonier. « L’apport personnel s’analyse au cas par cas et n’est pas un critère pour obtenir le financement de sa résidence principale. Il n’influence pas non plus le taux d’intérêt proposé », abonde Patrick Cuvillers, le chef de produit crédit immobilier chez LCL. Il n’empêche qu’être capable de mettre un peu d’épargne dans l’opération facilite l’obtention du prêt chez de nombreuses enseignes.

Par ailleurs, les banques octroient plus facilement des crédits sur une très longue durée aux jeunes emprunteurs, à l’image de LCL qui propose des financements immobiliers sur 30 ans. Une position que ne partage pas la responsable marketing clients du Crédit Agricole Ile de France : « La politique de la caisse est d’aller sur une durée maximum de 25 ans. Le crédit sur 30 ans permet effectivement d’alléger la mensualité mais souvent c'est au détriment du taux d’intérêt et du coût total du crédit ».

Enfin, pour attirer à elles les jeunes actifs, les banques peuvent se montrer plus offensives sur l’assurance-emprunteur. Elles sont capables, parfois, de baisser de moitié le taux de leur assurance groupe… Les vingtenaires pouvant plus facilement mettre dans la balance le fait qu’ils obtiendraient une assurance meilleur marché en préférant un contrat individuel. En moyenne, l’assurance de la banque quand on a moins de 30 ans représente entre 0,20 et 0,30 point du taux annuel effectif global (TAEG), contre entre 0,08 point et 0,10 point en délégation, illustre ainsi Sandrine Allonier de Vousfinancer. Evidemment, que ce soit concernant l'assurance-emprunteur, le taux ou plus généralement les conditions d'emprunt, les établissements de crédit se montrent davantage offensifs quand ils estiment que le jeune est un profil à potentiel, avec une perspective d'évolution salariale importante.

L’achat immobilier : un frein à la mobilité ?

Si, par leur politique commerciale, les banques peuvent faciliter l’accès à la propriété, l’emprunteur doit rester vigilant quant à la localisation du bien acheté. Bien qu’il soit possible de le louer si sa situation professionnelle ou familiale évolue, dans les faits, être propriétaire s’avère souvent être un frein à la mobilité. D’autant plus pour les personnes qui considèrent l’achat de leur résidence principale comme un investissement à rentabiliser.

Pour y parvenir, il est en effet nécessaire de conserver suffisamment longtemps le bien pour amortir les charges fixes, principalement les frais d’agence et les frais de notaires. Ces derniers « représentent en moyenne 8% du prix du bien », rappelle Sandrine Allonier. Avant d’acheter, il faut également tenir des comptes des frais a posteriori qui incombent aux propriétaires comme la taxe foncière ou les charges de copropriété. En fonction du montant de ces frais et du prix du bien, préférer l’achat à la location n’est pas toujours pertinent. Selon le courtier Meilleurtaux, il faut occuper un logement de 70 mètres carrés en moyenne 2 ans et 8 mois pour que son acquisition soit plus intéressante que sa location. Mais dans certaines villes, comme Lyon, Bordeaux et surtout Paris, la durée nécessaire peut atteindre et même dépasser 10 ans.