Emprunter en devises étrangères est une opération risquée qui n'est autorisée, selon la réglementation, qu'aux personnes percevant des revenus ou disposant d'un patrimoine dans cette monnaie.

L’encadrement législatif et la publication des textes de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) ont fait suite à deux séries d'instances judiciaires initiées début 2012 par des particuliers, qui concernaient des prêts immobiliers contractés en francs suisses et remboursables en euros. La première plainte visait la banque BNP Paribas et certains intermédiaires en opérations de banque (IOBSP), accusés de « pratique commerciale déloyale et trompeuse » à propos d'un prêt immobilier baptisé Helvet Immo, distribué entre mars 2008 et décembre 2009. La deuxième affaire concernait cette fois des clients du Crédit Agricole de Lorraine. Une trentaine d'entre eux ont ainsi assigné la banque pour « démarchage illicite », demandant l'annulation des crédits accordés.

Dans les deux cas, avec la montée du cours du franc suisse par rapport à l'euro dans le contexte de la crise de la dette, les emprunteurs ont vu le coût de leur crédit s'envoler de 20 à 30%. C'est pour éviter qu'une telle situation ne se reproduise que l'ACPR, institution adossée à la Banque de France et chargée notamment de l'agrément et de la surveillance du secteur bancaire français, a dans un premier temps publié une recommandation définissant les bonnes pratiques en matière de commercialisation de ces prêts en devises comportant un risque de change, avant que le législateur ne se saisisse du sujet.

L'encadrement législatif des prêts immobiliers en devise

Avec la loi de séparation et de régulation des activités bancaires de 2013, le législateur a souhaité renforcer l'encadrement des prêts en devises commercialisés aux particuliers n'agissant pas pour des besoins professionnels.

Ainsi, l'article L313-64 du Code de la consommation prévoit que « les emprunteurs ne peuvent contracter de prêts libellés dans une devise autre que l'euro (…) que s’ils déclarent percevoir principalement leurs revenus ou détenir un patrimoine dans cette devise (…), excepté si le risque de change n’est pas supporté par l’emprunteur ».

Depuis octobre 2014, l’emprunteur doit assurer dans une déclaration sur l’honneur :

  • soit qu’il perçoit au minimum la moitié de ses revenus annuels dans la devise concernée ;
  • soit qu’il détient un patrimoine représentant au moins 20% du montant du crédit dans cette même devise au moment de la signature du prêt.

Le risque de change est considéré comme supporté par l’emprunteur si l’échéance ou la durée du crédit peuvent être affectés par des fluctuations du taux de change, et que l’emprunteur n'a pas souscrit une assurance ou un contrat financier le garantissant contre ce risque de change.

La loi impose également qu'une information sur les risques et les éventuelles possibilités de conversion doit être donnée préalablement à l'offre de prêt.

Cette information apparaît également dans la fiche d'information standardisée européenne, jointe à l'offre de crédit immobilier.

Les recommandations de l’ACPR pour les prêts à la consommation

Le régulateur du secteur bancaire a publié deux recommandations sur le sujet : le 6 avril 2012 puis le 2 mars 2015. Similaire à la première, la recommandation 2015 constate que le « législateur a souhaité définir les conditions dans lesquelles un crédit immobilier libellé dans une devise étrangère » peut être accordé à un particulier. L’ACPR souligne toutefois que ces mesures législatives « n’ont pas vocation à régir les crédits à la consommation ou les prêts encadrés par les dispositions du Code civil qui comportent un risque de change ». Les établissements ou intermédiaires commercialisant des crédits à la consommation sont donc tenus de respecter les « bonnes pratiques » établies dès 2012 par l’ACPR et réitérées dans cette recommandation de 2015.

Les types de prêts concernés

Il s'agit des « prêts proposés aux particuliers candidats à l'emprunt (...) dès lors qu'un taux de change est appliqué lors de l'octroi du prêt et/ou au cours de son exécution ». Elle concerne les crédits à la consommation, tels que définis par le Code de la consommation, ainsi que les prêts encadrés par les dispositions du Code civil (dans les faits : les prêts non-immobiliers d'un montant supérieur à 75 000 euros).

Les professionnels concernés

La recommandation de l'ACPR ne concerne pas uniquement les établissements de crédits mais également les intermédiaires en opérations de banque et services de paiement (IOBSP).

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La recommandation de bonnes pratiques

En introduction de sa recommandation, l'ACPR appelle les professionnels à une « vigilance spécifique » sur les prêts comportant un risque de change, « afin de s'assurer que les informations communiquées à l'emprunteur lui permettent de bien appréhender l'ensemble des risques liés [à ce type de produits] ». L'ensemble des bonnes pratiques vise ainsi à garantir aux emprunteurs potentiels de bonnes conditions de transparence et de pédagogie.

Sensibilisation des conseillers clientèle

L'établissement de crédit, ou le courtier, doit s'assurer que ses agents ou chargés de clientèle comprennent les risques spécifiques liés à ces prêts, afin d'être en mesure de les exposer aux personnes démarchées.

Communication publicitaire

Dans sa communication publicitaire, la banque (ou le courtier) doit :

  • présenter les inconvénients potentiels du prêt,
  • mentionner « de manière claire, apparente et compréhensible » le risque de change et ses conséquences éventuelles sur le coût du prêt et sa durée, sans les minimiser,
  • veiller à ne pas utiliser, comme argument commercial, la stabilité du taux de change, l'amélioration de la situation financière de l'emprunteur ou la perspective d'un gain financier supérieur par rapport à un prêt sans risque de change.

Explications à fournir au client avant l'émission de l'offre de prêt

Dans le cas d'un prêt à risque de change, les établissements de crédit doivent fournir un document spécifique et distinct, indiquant clairement :

  • l'éventualité d'une évolution du taux de change, à la hausse ou à la baisse, et le risque que présente ce changement pour l'emprunteur,
  • les modalités d'accès au taux de change applicable,
  • les frais éventuels liés aux opérations de change,
  • l'existence, ou non, d'une option de conversion, qui permet de transformer le prêt en devises en prêt en euros.

Le document doit également comporter deux simulations, présentant « de manière pédagogique » l'impact de variations défavorables du taux de change de l’ordre de 10% et de 20%. Enfin, l'emprunteur doit obtenir du vendeur tout élément « lui permettant de déterminer si le prêt comportant un risque de change est adapté à ses besoins et à sa situation financière ».

Information annuelle de l'emprunteur

Une fois par an, l'emprunteur doit recevoir un document comparant, à la date d'envoi du document par rapport à la date de la signature de l'offre, le capital restant à rembourser, la durée restante du prêt et le taux de change.

Si le contrat prévoit une option de conversion, l'information annuelle doit parvenir à l'emprunteur avant la date limite d'exercice de cette option. Par ailleurs, les banques et les courtiers sont également tenus d'informer, à tout moment, leur client en cas d'événement « affectant significativement le fonctionnement de son prêt ».

Sanctions en cas de non-respect

Les banques et les courtiers distribuant des prêts (non-immobiliers) comportant un risque de change doivent être « en situation de justifier (...) des moyens mis en œuvre pour que la qualité de l'information communiquée à l'emprunteur lui permette de comprendre le risque (...) associés à ces prêts. »

En cas de non-respect, les entités concernées s'exposent dans un premier temps à une mise en garde. Si cette dernière n'est pas suivie d'effet, la commission des sanctions de l'ACPR dispose ensuite d'un arsenal de sanctions disciplinaires, qui vont du simple blâme au retrait total ou partiel de l'agrément.

La jurisprudence appuie désormais cette exigence sur l''information au consommateur de la part des banques : la banque proposant ce type de prêt doit selon la Cour de cassation montrer des exemples chiffrés, des simulations et des explications sur la distinction entre les deux monnaies.

Vincent MIGNOT
Vincent MIGNOT

Après une maîtrise d’Histoire puis une maîtrise en Sciences de l’information et de la communication, Vincent MIGNOT devient journaliste en... Lire la suite

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