Délai de grâce

Lorsqu'un débiteur rencontre des difficultés pour payer les échéances de son crédit, il peut essayer de négocier un délai de paiement supplémentaire avec son créancier. En cas de refus, il faut alors porter la demande auprès d'un juge.

Avant de demander un délai de grâce auprès de la justice, il est toujours préférable de contacter d'abord son créancier afin de s'arranger avec lui. Dans certains cas, un courrier bien argumenté peut suffire et permettre la mise en place d'un plan de réaménagement de la dette. Ce n'est qu'en cas de refus de sa part ou de dialogue rompu que cette procédure devrait être envisagée.

Qu'est-ce qu'un délai de grâce ?

Le délai de grâce correspond à un report ou un échelonnement du paiement des sommes dues par un débiteur, accordé par le juge. Il s'agit d'une disposition d'ordre public, c'est-à-dire qu'il ne peut y être dérogé. Toute clause contraire dans un contrat de prêt serait réputée non-écrite. Cette mesure peut être consentie pour toute dette de droit privé, qu'elle soit de nature contractuelle ou bien extracontractuelle. Toutefois, il existe quelques exceptions pour lesquelles le juge ne peut accorder de délais de grâce, eu égard à la nature de la dette. C'est le cas notamment pour les dettes d'aliments (entretien et éducation d'un enfant, par exemple), les créances de salaires ou encore les prestations compensatoires.

Le droit commun du délai de grâce se trouve dans le Code civil, mais l'on trouve des dispositions spécifiques aux crédits (à la consommation et immobilier) dans le Code de la consommation. Ce dernier prévoit une procédure similaire qui permet de suspendre pendant deux ans maximum les obligations de remboursement de l'emprunteur, et de reporter ces échéances à la fin du prêt, ou bien de les rééchelonner. Un délai pourra ainsi être accordé aux débiteurs ayant subi un licenciement, par exemple.

Quelles sont les conditions d'octroi d'un délai de grâce ?

L'obtention d'un délai de grâce, après demande auprès du juge, n'est pas automatique. En effet, ce dernier dispose d'un pouvoir souverain d'appréciation afin de consentir ou refuser l'octroi d'une telle faveur à un débiteur. Pour rendre sa décision, le magistrat s'appuie sur plusieurs éléments.

En premier lieu, il convient de rappeler qu'un délai de grâce ne peut concerner qu'une dette monétaire, car le Code civil ne parle que de « paiement des sommes dues ». Par conséquent, les obligations de faire et de ne pas faire sont nécessairement exclues de cette procédure (par exemple, la livraison de marchandises, la rédaction d'un acte, ou encore l'obligation de couper des branches dépassant sur le terrain voisin).

Une fois cette première condition vérifiée, le juge va étudier la situation du débiteur, tout en tenant compte des besoins du créancier. Pour voir sa requête aboutir, le demandeur de bonne foi devra justifier de difficultés temporaires, exceptionnelles et indépendantes de sa volonté. Si ces conditions sont remplies, le report ou l'échelonnement dépendra de l'étendue des besoins du créancier.

A qui et comment demander un délai de grâce ?

Le Code de procédure civile dispose que le délai de grâce ne peut être accordé que par la décision dont il est destiné à différer l'exécution. Ainsi, la juridiction compétente sera différente selon la nature du litige. Pour une dette issue d'un crédit à la consommation ou prêt immobilier par exemple, le tribunal judiciaire sera compétent, quel que soit le montant du litige. En revanche, en matière commerciale, le débiteur devra saisir le tribunal de commerce.

A noter qu'après un commandement de payer ou une saisie immobilière, qui relèvent des procédures civiles d'exécution, la demande sera à adresser au juge de l'exécution. De même, lorsque la demande n'est pas instituée à l'occasion d'une instance de paiement mais avant jugement, ou bien après jugement mais avant exécution, le débiteur doit saisir le juge des référés.

Quelles sont les modalités du délai de grâce ?

Le délai de grâce peut prendre différentes formes, avec des modalités principales et éventuellement accessoires. A titre principal, le juge peut suspendre ou échelonner le paiement de la dette, dans la limite de deux années. En complément, le magistrat peut ordonner que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital, ou bien que les échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal. De plus, il peut subordonner ces mesures à des garanties apportées par le débiteur ou à des actes propres à faciliter le paiement de la dette (par exemple ne pas contracter d'autres crédits). Dans tous les cas, la décision rendue doit être motivée.

Par ailleurs, il est impératif de faire une demande pour chacune des dettes concernées. En effet, il n'est pas possible de faire une demande unique regroupant toutes les dettes que l'on souhaiterait rééchelonner. Il s'avère judicieux de se faire accompagner dans cette démarche par une association de consommateurs ou une structure spécialisée, comme par exemple les Points conseil budget.

Quels sont les effets du délai de grâce ?

L'octroi d'un délai de grâce produit à la fois des effets à l'égard du demandeur et à l'égard du créancier. L'effet majeur est la suspension des procédures d'exécution (saisies) déjà lancées à l'encontre du débiteur et l'impossibilité pour le prêteur d'engager des poursuites judiciaires. Par ailleurs, les majorations d'intérêts ou les éventuelles pénalités de retard ne sont pas encourues pendant le délai consenti par le juge.

A noter que l'octroi d'un délai de grâce emporte le report du point de départ du délai de forclusion de deux ans applicable en matière de crédit à la consommation, pendant lequel le créancier peut intenter une action en justice. Dès lors, ce délai de forclusion commencera à courir à compter du premier incident de paiement non régularisé après l'expiration du délai de grâce.

Que faire en cas de dettes multiples et durables ?

Lorsque les dettes sont nombreuses (emprunt immobilier, crédit conso, crédit renouvelable...), le délai de grâce peut n'être alors ni suffisant, ni pertinent pour sortir de cette situation. Il est en effet compliqué d'assigner chacun des créanciers. Il peut être alors judicieux de déposer un dossier de surendettement auprès de la Banque de France. L'un des intérêts de cette procédure est d'être collective, c'est-à-dire de traiter simultanément l'ensemble des dettes. Elle est réservée aux particuliers.

Voir également sur le site : les lois de protection des emprunteurs, le report de mensualités.

Carole-Anne CORNET
Carole-Anne CORNET

Diplômée d’un Master de droit privé général, Carole-Anne se charge de la veille juridique, assure la mise à jour du site, assiste les journalistes... Lire la suite

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