Des banques traditionnelles rendues obsolètes par de nouveaux acteurs plus agiles et moins chers : c’est le sombre scénario développé par le Comité de Bâle dans un récent document consultatif (1). Heureusement pour elles, ce n’est pas le seul, et pas non plus le plus probable.

Face à l’émergence des fintechs, le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, ce forum international chargé notamment de veiller à la fiabilité du système financier, a mis en place une task force. Sa mission : anticiper les conséquences de cette émergence pour les acteurs bancaires traditionnels. Dans ses conclusions récemment soumises à consultation (1), cette task force a ainsi détaillé 5 scénarios possibles et évalué leur impact potentiel sur l’industrie bancaire.

Ce n’est pas la première fois, rappelle le document en introduction, que le secteur bancaire est confronté à l’émergence d’innovations. Mais l’épisode actuel, marqué par une « adoption rapide de nouvelles technologies ayant pour effet de faire baisser les barrières à l’entrée des services financiers », pourrait s’avérer « plus disruptif » que les précédents. « Même si cela n’est pas certain. »

L’enjeu central tient en deux mois : relation client. Chaque scénario examiné varie ainsi selon le niveau d’accès au client capté par les nouveaux entrants. Mais « dans chaque scénario ou presque », détaille le document, « la position actuelle des banques installées est contestée ». A des degrés divers.

Trois scénarios inquiétants

Le scénario le plus inquiétant, intitulé « la banque désintermédiée », présente des acteurs traditionnels incapables d’évoluer et devenus totalement obsolètes, à la fois comme fournisseur de services financiers et comme tiers de confiance. « Les banques sont supplantées, pour les transactions financières des clients, par des plateformes et des technologies plus agiles », développe l’étude. « Les consommateurs choisissent directement les services souhaités et leur fournisseur, plutôt que de se procurer ces services via une banque intermédiaire ». Ce scénario semble aujourd’hui hautement improbable, note la task force. Mais des exemples de désintermédiation existent pourtant, du côté du prêt entre particuliers ou des cryptomonnaies.

Dans deux scénarios à peine moins catastrophiques, les banques actuelles sont, au choix, entièrement supplantées par les fintechs dans la relation client et reléguées au rang de simples fournisseurs de services bancaires, comme le prêt ou la tenue de compte ; ou elles sont remplacées par des nouveaux acteurs bancaires plus agiles, voire des banques créées par des géants technologiques, comme Google ou Facebook. Là encore, ces scénarios apparaissent aujourd’hui improbables, malgré l’émergence de néobanques comme Simple aux Etats-Unis, Atom en Grande-Bretagne ou N26 en Allemagne.

Partage du marché ou triomphe des banques ?

Heureusement pour elles, deux scénarios développés par la task force apparaissent plus favorables aux banques. Le plus probable, qui renvoie le plus clairement à la situation actuelle, est celui d’un partage du marché des services financiers. Les banques installées et les nouveaux entrants y trouvent une forme d’équilibre : ils sont en compétition pour la maîtrise de la relation client mais peuvent aussi devenir partenaires d’innovation, par le biais par exemple d’API leur permettant de se connecter entre eux.

Le dernier scénario, enfin, est celui d’un triomphe des banques traditionnelles, qui réussissent à prendre le virage technologique et s’appuient sur leur connaissance du marché et leur capacité d’investissement pour améliorer leurs services et produits. Elles ne laissent tout simplement pas assez de place aux fintechs pour grandir. Ces dernières se limitent donc à quelques niches, ou à un rôle de fournisseur des services.

(1) « Sound Practices : Implications of fintech developments for banks and bank supervisors », publié en août 2017 par le Comité de Bâle sur la supervision bancaire.