En 2018, tous les emprunteurs pourront changer d’assurance de prêt immobilier à l’échéance annuelle de leur contrat. Suffisant pour bousculer un marché très largement dominé par les groupes bancaires ? Les précédentes lois avaient échoué à rendre ce marché plus concurrentiel.

Loi Lagarde, loi Hamon… Le législateur a tenté de favoriser la concurrence à plusieurs reprises depuis 2010, en facilitant le recours à une assurance de prêt déléguée souscrite auprès d’un assureur autre que celui proposé par la banque. Pour une efficacité peu évidente à la lecture des « données clés » publiées récemment par la Fédération française de l’assurance (FFA). En 2016, tous types de prêts confondus (immobilier, consommation et professionnel), la délégation d’assurance pèse 12% des cotisations. Une statistique parfaitement stable depuis 2011 ! Et avant ? En 2007, la délégation pesait 11% des cotisations, puis 10% en 2008-2009 et à nouveau 11% en 2010. Bref, malgré les mesures facilitant la délégation à la signature du crédit puis pendant la première année de remboursement, entrées en vigueur en 2010 et 2014, les équilibres de marché ne changent pas.

Pas plus de délégations qu’en 2007

Dans un rapport dédié et publié en 2013, l’Inspection générale des finances livrait des statistiques plus précises sur la part des contrats délégués dans l’assurance de prêt immobilier : 14,9% en 2007, 15,2% en 2010 et 15,6% en 2012. Selon une étude publiée cet été par la FFA, en 2016, la délégation représente 15% des cotisations de l’assurance de prêt en 2016, comme en 2015. Les « contrats groupe » proposés par les banques détiennent donc 85% du marché depuis près de 10 ans !

Les lois Lagarde et Hamon n’ont donc pas permis de faire progresser la concurrence aux groupes bancaires. Une nouvelle mesure législative, dite amendement Bourquin, entre en vigueur en 2018 : à partir de janvier, tout particulier remboursant un prêt immobilier pourra changer d’assurance de prêt à la date anniversaire de son contrat ou au 1er janvier, selon les contrats. Une nouveauté qui concerne donc non seulement les nouveaux emprunteurs mais aussi ceux qui remboursent leur crédit depuis plusieurs années.

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La nouvelle donne de janvier 2018

L’amendement Bourquin, voté par le Parlement début 2017, aura-t-il plus d’incidence que les lois Lagarde et Hamon sur le très figé marché de l’assurance emprunteur ? Dans un communiqué récent, le comparateur en assurances Magnolia ne cache pas son optimisme et estime que « 50% [de ses] dossiers en 2018 seront issus de cet amendement ». Interrogée peu avant l’adoption de cette mesure, Isabelle Tourniaire, du cabinet conseil en actuariat BAO, se montrait bien plus mesurée. Soulignant que les lois précédentes ont surtout provoqué de la « crispation » sur le sujet dans les banques, elle n’anticipe pas de « véritable révolution », mais plutôt une légère amélioration de l’offre bancaire : « Les banques vont sans doute baisser leurs tarifs pour proposer des contrats plus compétitifs, et développer leur panel de garanties. »

En attendant, la concurrence se densifie. De nombreux assureurs soignent leurs contrats alternatifs, à l’image des mutualistes ou de SwissLife avec son « offre digitalisée », d’autres débarquent sur ce marché, comme Direct Assurance. Et tous devraient profiter des prochains mois pour communiquer sur le sujet.

Une démarche qui restera complexe

Si la possibilité de résilier son assurance chaque année pour la substituer par un contrat délégué est désormais inscrite dans la loi, la démarche ne devient pas une formalité pour autant. La substitution est envisageable à condition que les garanties soient équivalentes. Or, le CCSF, en avril dernier, puis l'ACPR (1), en juillet, ont pointé les « difficultés et blocages » qu’ont rencontré les emprunteurs ayant cherché à profiter de la substitution dans le cadre de la loi Hamon. Le CCSF et l'ACPR ont enjoint les banques à adopter des bonnes pratiques en la matière, et le CCSF a promis l’édition d’un guide sur la procédure de substitution d’ici la fin 2017.

Par ailleurs, un emprunteur souhaitant profiter de l’échéance annuelle de son assurance de prêt pour en changer doit s’y prendre à l’avance. Le code des assurances prévoit un délai de 2 mois pour la demande de résiliation, envoyée en courrier recommandé, avant cette échéance.

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(1) Le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) est un organisme lié à la Banque de France, et l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) le régulateur du secteur banque-assurance.