Le niveau de vie des retraités va baisser à partir de 2020 selon le Conseil d’orientation des retraites. Perp, assurance-vie ou immobilier : quelle solution choisir pour assurer ses vieux jours ?

Immobilier

Indémodable. Les sondages se suivent et se ressemblent : en février dernier, 68% des Français interrogés par le Cercle de l’épargne (1) distinguaient l’immobilier locatif comme le placement le plus « intéressant » actuellement, devant l’assurance-vie, les actions, etc. L’investissement immobilier est-il pour autant le plus adéquat pour préparer ses vieux jours ? D’une part, il faut disposer d’une épargne suffisante, pour investir, ou ne pas être trop endetté – les banques fixent le taux d’endettement maximum à 33% des revenus – afin de pouvoir contracter un nouvel emprunt. D’autre part il faut prendre en compte les risques de loyers impayés, le temps à consacrer à la location ou les frais de l’agence gérant le bien, les travaux d’entretien, etc.

« Les loyers protègent mieux de l'inflation que la rente d’un produit financier »

Malgré ces contraintes, l’investissement locatif est la solution privilégiée par Mathieu Mars, directeur associé à l’Institut du patrimoine, pour ses clients : « Pour épargner en vue de la retraite, je conseille en premier lieu une opération en dispositif Pinel avant de passer, au bout d’une dizaine d’années en location meublée. » Objectif : profiter de la défiscalisation Pinel, puis viser les loyers sur le long terme. Mathieu Mars appuie son propos en égrainant les solutions (assurance loyers impayés, garantie contre les dégradations, etc.) gommant les risques locatifs.

Sans nier les atouts de l’immobilier, le directeur du Cercle de l’épargne Philippe Crevel déplore sa domination : « La rentabilité moyenne de l’immobilier locatif, après impôt, est moyenne : actuellement de 1% environ », affirme l’économiste en soulignant qu’il ne faut pas être aveuglé par les plus-values réalisées grâce à l’envolée des prix lors des années 2000. Le gestionnaire de patrimoine Mathieu Mars valide l'analyse sur l’aspect prix, mais il insiste sur l’évolution positive des loyers : « A la retraite, les loyers protègent mieux de l'inflation que la rente d’un produit financier. »

Points forts : défiscalisation, revenus réguliers grâce aux loyers, stabilité du marché immobilier.

Points faibles : temps nécessaire pour gérer le bien, risques locatifs, éventuelles difficultés de revente.

Et la résidence principale ?

Faut-il, enfin, considérer l’achat de la résidence principale comme une épargne retraite ? « Psychologiquement, oui », répond Philippe Crevel, car le fait de devenir propriétaire exonère les retraités de coûts récurrents (loyer ou mensualité). « Sur l’aspect économique, je suis plus mesuré : tout dépend si l’on souhaite vivre dans le même logement à l’heure de la retraite, si le bien a un potentiel de revente, etc. »

Assurance-vie

Le « couteau-suisse de l’épargne » est-il véritablement un support de préparation à la retraite ? Les Français y placent leur deniers pour de multiples objectifs : la retraite mais aussi la succession, la prévoyance, prévoir les coups durs, etc. Car, même si la fiscalité la plus avantageuse n’est acquise qu’au bout de 8 ans, l’argent reste disponible à tout moment : « L’assurance-vie a l’avantage de la souplesse : vous pourrez toujours arbitrer et utiliser vos fonds différemment mais, en attendant, ce placement vous permet de bénéficier d’une enveloppe fiscale très favorable », commente le conseiller patrimonial Mathieu Mars. Autrement dit : l’assurance-vie constitue un excellent produit pour commencer à épargner pour la retraite, avant d’élaborer une stratégie plus diversifiée.

« L’assurance-vie a l’avantage de la souplesse »

La souplesse de l’assurance-vie s’entend aussi bien sur la disponibilité des fonds que sur le choix des supports financiers, plus ou moins sécurisés (fonds en euros, OPCVM, actions, SCPI, etc.), ou modes de gestion (libre, pilotée, etc.). A l’âge de la retraite, pour transformer le pécule en revenu complémentaire, deux modes de sortie sont envisageables : des rachats réguliers ou programmés, jusqu’à épuisement des fonds, ou la rente viagère, qui assure un revenu jusqu’au décès. Précision d’importance : il faut attendre son 70e anniversaire pour bénéficier de la fiscalité la plus avantageuse sur les rentes.

Points forts : la disponibilité des fonds, la sortie en capital ou en rente, la diversité des supports.

Point faible : la possibilité de déroger à son objectif retraite en retirant les fonds avant la retraite.

Perp et autres produits dédiés à l'épargne retraite

Ils s’appellent Plan d’épargne retraite populaire (Perp), contrat retraite Madelin, Plan d’épargne pour la retraite collectif (Perco) ou encore Plan d’épargne retraite entreprise (PERE), dit « article 83 ». Ils ont un point commun : ils s’agit de produits « tunnel », pour lesquels l’argent n’est disponible qu’à l’âge de la retraite, sauf cas exceptionnel. A la retraite, le principal mode de sortie est la rente viagère, histoire d’assurer un revenu régulier jusqu’au décès. « L’épargne retraite pâtit de l’hégémonie de l’assurance-vie, et du fait que la rente et les produits tunnel ont mauvaise presse. Mais ces produits répondent à un véritable projet », plaide Philippe Crevel, du Cercle de l’épargne. « Les détenteurs ne sont pas tentés d’y piocher. »

« Ces produits répondent à un véritable projet »

Mathieu Mars, de l’Institut du patrimoine, se montre beaucoup moins enthousiaste : « Le Perp est avant tout un placement d’ajustement pour optimiser sa défiscalisation en fin d’année. Il n’est pas intéressant pour les contribuables au taux marginal d’imposition (TMI) de 0% ou 14% [les foyers les moins fortement imposés, NDLR]. » Le principal avantage du Perp est en effet de déduire ses versements du revenu imposable, jusqu’à un certain seuil.

La principale différence entre ces différents produits est le mode d’accès : tout particulier peut ouvrir un Perp, seuls les travailleurs non salariés ont accès au contrat Madelin, et le Perco ou le PERE ne peuvent être ouverts que par une entreprise au bénéfice de ses salariés. Ce panel de produits devrait prochainement s’élargir avec le projet de la Commission européenne de créer un PEPP (Pan European personal pension product). A l’image du Perp, la souscription serait ouverte à tous, et la sortie en capital serait envisageable à la retraite, pas uniquement en rente. Sur ce point, Philippe Crevel et Mathieu Mars s’accordent toutefois sur le risque de « surabondance » de produits d’épargne retraite disponibles en France.

Points forts : spécialisation retraite du placement, fiscalité avantageuse pour les versements.

Point faible : impossibilité de sortie en capital (sauf pour le Perp, mais pour un montant limité).

Quelle stratégie pour quel profil ?

Impossible de livrer une réponse « clé en main » : tout dépend du niveau de revenus, d’épargne et de patrimoine de l’investisseur, ou de son appétence au risque. L’économiste Philippe Crevel livre toutefois un conseil d’ordre général : « Il y a en France une trop forte appétence immobilière, au détriment des produits financiers de long terme. Le plus rentable, sur le très long terme, puisque l’on évoque ici des horizons financiers de 40 voire 50 ans, cela reste les actions. » L’épargne en actions peut passer par un produit dédié (PEA ou compte-titres) ou par un produit plus « généraliste » comme l’assurance-vie ou le Perp.

Mathieu Mars, de l’Institut du patrimoine, guide lui les particuliers vers l’assurance-vie pour accumuler leurs premières économies en vue de la retraite. Une fois le pécule devenu conséquent, il conseille de « dispatcher » ses avoirs : « Un produit de rente, type Perp ou Madelin, un investissement locatif pour toucher des loyers et défiscaliser, et de l’assurance-vie pour conserver une marge de souplesse financière ».

(1) « Les Français, l’épargne et la retraite », sondage réalisé en février 2017 par l’Ifop et le CECOP auprès d’un échantillon représentatif de Français majeurs à la demande du Cercle de l’épargne.