Les actions ? Inaccessibles pour le « petit épargnant », trop risquées et trop compliquées à racheter. Bref : réservées aux connaisseurs. C’est ce patchwork de préjugés sur l’épargne financière que l’AMF veut combattre dans un rapport pro-actions publié cet été.

Une fois n’est pas coutume, l’Autorité des marchés financiers (AMF) sort de son rôle de gendarme des marchés financiers pour tenter de réconcilier les Français avec l’investissement en actions. L’autorité juge en effet que « l’épargne est abondante » mais « insuffisamment orientée vers les placements en actions », pour citer le préambule d’un rapport d’une trentaine de pages censé donner des clés pour « stimuler l’investissement de long terme en actions ». Objectif : casser les « a priori sur les placements en actions », que l’AMF a constaté suite à une « étude qualitative » menée avec l’institut Kantar TNS (1). « Le régulateur peut prendre sa place dans cet effort pédagogique ou par des actions de communication », ajoute l’AMF pour justifier sa démarche.

Cliché n°1 – « L’épargne en actions est réservée à ceux qui disposent d’une épargne abondante »

Tel est le premier frein à l’investissement en actions relevé par l’AMF sur la base de son « étude qualitative » : « Les conditions d’accès sont perçues comme réservées à une population d’initiés, qui ont des moyens financiers et un niveau de connaissance suffisant », relève l’Autorité des marchés financiers. L’autorité y oppose l’idée qu’il n’existe pas, « en pratique », de ticket d’entrée élevé. Que le support soit un Plan d’épargne en actions (PEA) ou un compte-titres, il est possible « d’épargner régulièrement, avec de très petits montants, sur des fonds diversifiés en actions » selon l’AMF. L'autorité appuie par ailleurs l’aspect vertueux de « l’épargne régulière », aussi bien sur le budget de l’épargnant que sur l’atténuation des risques financiers.

En bon régulateur, l’AMF n’oublie toutefois pas d’ajouter des « nuances » à chacun des leviers avancés pour combattre les idées reçues. L’autorité souligne donc que tout investissement en actions doit « prendre en compte la situation financière personnelle ». Bref : mieux vaut commencer par se constituer une épargne de précaution – via les livrets, par exemple –.

Cliché n°2 – « L’épargne en actions est bloquée »

L’épargne en actions est « vue comme bloquée et non liquide », annonce l’AMF, en détaillant les résultats de son enquête. Or, les économies ainsi investies peuvent être récupérées « à tout instant à [leur] valeur du moment », ce qui différencie les actions des produits d’épargne « tunnel », comme le Perp ou le Perco, qui ne peuvent être débloqués qu’à la retraite.

L’AMF nuance toutefois son propos : la possibilité de revendre ses actions à sa guise ne peut en effet pas s’assimiler à un placement totalement liquide. Une vente dictée par un besoin d’argent ponctuel pourrait ainsi conduire un investisseur à « désinvestir alors que la valeur de son portefeuille est au plus bas ». La vocation des actions reste une détention sur le long terme.

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Cliché n°3 – « Les actions, c’est pour ceux qui s’y connaissent

L’étude Kantar-AMF « révèle que les actions ne font pas partie du paysage naturel de l’épargnant ». L’épargnant français type « les ignore, convaincu qu’elles ne s’adressent qu’à des boursicoteurs », bien éloignés de son profil privilégiant les placements sûrs. Le régulateur conseille donc au grand public de se pencher sur l’offre de placements collectifs plutôt que d’investir en direct : Sicav, fonds communs de placement (FCP) ou autre OPCVM. « Il leur suffit, à l’aide d’un conseil professionnel, de souscrire le placement adéquat, c’est-à-dire celui qui leur convient, notamment quant à son niveau de risque », conseille le régulateur financier.

La nuance ? L’AMF promeut la délégation à des experts, mais déconseille aux épargnants de tomber dans « une trop grande passivité » : « Ils doivent comprendre la stratégie d’investissement de leur placement et s’interroger régulièrement sur son évolution et sur sa pertinence. »

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Cliché n°4 – « Les actions ne sont pas rentables, c’est un placement très risqué »

Pourquoi investir en actions, alors que l’on risque de tout perdre ? Telle est la réflexion que semble tenir une large majorité de Français. Une défiance évidemment renforcée par les récentes crises boursières et financières. Pourtant, toujours selon l’AMF, « sur une durée longue (20 ans et plus), la fréquence des pertes des actions a été historiquement faible et les placements en actions ont offert une bonne protection du pouvoir d’achat de l’épargne, supérieure à celle des obligations à taux fixe et des placements monétaires ». Pour le prouver, le régulateur a même simulé le rendement d’un investissement diversifié en actions sur 20 ans.

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Le gendarme boursier prend évidemment soin de rappeler que les performances passées ne présagent pas des rendements futurs. Et que « le risque d’un placement en actions ne peut pas être totalement annulé, même sur une très longue durée ».

(1) Etude menée par l’AMF avec l’institut Kantar TNS auprès d’épargnants de 30 à 45 ans. « L’étude repose sur une série de 18 entretiens de 2 heures », précise l’AMF, avec 6 personnes par profil : des « épargnants de court terme », des « investisseurs sécuritaires » et des « investisseurs risqués ».