Malgré son maintien à 0,75% au 1er août, le taux du Livret A, très supérieur aux standards actuels du marché, continue de coûter très cher aux banques, et notamment à la Banque Postale, très exposée au produit en raison de son statut de distributeur historique.

Le 13 juillet dernier, les épargnants ont sans doute accueilli avec une certaine déception le choix du gouvernement de ne pas relever le taux du Livret A. Ce n’était pas le cas, en revanche, de la Banque Postale, pourtant un des plus gros collecteurs d’épargne réglementée du marché. Car à 0,75% net, le Livret A et son cousin, le Livret de développement durable et solidaire (LDDS) sont en effet déjà trop bien rémunérés au goût de l’enseigne.

Il suffit de comparer avec les livrets ordinaires des banques : en août 2017, ces produits fiscalisés et à taux du marché affiche un rendement historiquement bas : 0,14% brut en moyenne selon les relevés effectués par cBanque. Dans ce contexte, demander aux banques d’assurer une rémunération de 0,75% net sur les dépôts du Livret A et du LDD - ou de 1,25% sur le LEP - représente pour elles un effort déjà important.

Les résultats semestriels récemment publiés par la filiale bancaire de La Poste donnent un aperçu de l’impact de cette situation : au 1er semestre 2017, les revenus générés par les activités de banque de détail et de banque privée de LBP ont baissé de 6,5% sur un an. Parmi les premières raisons invoquées, la baisse des revenus tirés de l'épargne centralisée. Depuis le début de l’année, ils ont en effet baissé de 14,8 %, à 1,44 milliard d'euros, dans une contexte de collecte nette pourtant très positive pour le Livret A.

Une conjoncture particulièrement défavorable à LBP

Pourquoi la Banque Postale subit-elle particulièrement cette conjoncture ? Tout simplement parce qu’elle fait partie, avec la Caisse d’Epargne et le Crédit Mutuel, des réseaux distributeurs historiques du Livret A et qu’à ce titre, elle a collecté une part importante des quelque 270 milliards d’euros placés par les Français sur ce produit. Elle a aussi la particularité de transférer l’intégralité de sa collecte à la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), qui centralise les dépôts du Livret A au sein du Fonds d’épargne et utilise cette ressource pour financer certaines missions de service public, comme le logement ou la politique de la ville.

Historiquement, cette centralisation était d’ailleurs une aubaine pour la Banque Postale. Pour chaque euro transmis à la CDC, l’enseigne reçoit en effet une rémunération proportionnelle. Jusqu’en 2013, elle touchait même un peu plus que les autres banques, en vertu de son rôle de distributeur historique. Mais cet « âge d’or » est terminé : la Banque Postale est désormais logé à la même enseigne que les autres. Et le niveau de la commission a encore baissé en début d’année 2016, de 0,40 à 0,30%. Le Livret A rapporte donc moins aux banques, et notamment à la Banque Postale qui, particulièrement exposée au produit, subit plus fortement le contrecoup de la baisse.

La CDC veut réduire la voilure

La baisse de cette commission reflète par ailleurs la volonté de la Caisse des dépôts de décourager la centralisation des fonds du Livret A. Le bras financier de l’Etat a en effet de plus en plus de mal à placer cette ressource, en raison de son coût pour les emprunteurs. « Le taux du livret A, maintenu au‐dessus de sa formule d’indexation, s’écarte des offres bancaires les plus attractives et entraîne un recul des signatures sur les segments les plus exposés à la concurrence », constate d’ailleurs la Banque de France dans le rapport 2016 de l’Observatoire de l’épargne réglementée (OER). Résultat : l’activité de crédit de la Caisse des dépôts s’est repliée l’an passé, passant de 21,1 millards d’euros prêtés en 2015 à 17,3 milliards en 2016.

Pour freiner le débit du Livret A, la Caisse des dépôts a ainsi demandé, et obtenu, une modification des règles du jeu. Comme le rappelle Les Echos, la Banque Postale a été contrainte de récupérer, à la suite d’un décret publié en décembre 2015, « près de 4 milliards d'encours de [Livrets d’épargne populaire (LEP)] qu'elle centralisait jusqu'à présent au Fonds d'épargne de la Caisse des Dépôts ». Or le taux du LEP, 1,25% actuellement, est totalement hors marché. Pourtant, LBP doit désormais en assumer seule ce coût. On comprend mieux pourquoi les banques sont réticentes à promouvoir le LEP. Et ce n’est sans doute pas fini : la CDC planche en effet actuellement sur une nouvelle réforme des mécanismes encadrant la centralisation des dépôts de l’épargne réglementée.

La fin des enveloppes T

Dans ce contexte, la Banque Postale doit faire des économies. Mais elle ne peut le faire, comme ses concurrentes, en fermant des agences. En vertu d’une convention signée avec l’Etat, qui lui confie une mission d’accessibilité bancaire via le Livret A, elle doit en effet maintenir un réseau d’au moins 17 000 points de vente. En échange de son action, la banque reçoit certes une compensation annuelle fixée par arrêté à 210 millions d’euros en 2017, mais elle la juge insuffisante. A cette somme pourrait toutefois s’ajouter 130 millions d’euros supplémentaires, provisionnés par la Caisse des Dépôts.

Autre solution pour compenser le coût du Livret A : modifier sa politique tarifaire. La moins chère des grandes enseignes entre ainsi progressivement dans le rang, en facturant la tenue de compte ou les retraits hors de son réseau de DAB, et plus récemment, comme le rapporte Le Parisien, en supprimant les enveloppes T qui permettaient à ses clients de lui expédier gratuitement leurs chèques à encaisser !

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(1) Avant le 1er janvier 2008 et l’entrée en vigueur d’un pan de la la loi de modernisation économique (LME), les trois enseignes étaient les seuls à distribuer le produit défiscalisé.