Les équipes Macron et Hollande se renvoient la responsabilité de la baisse à venir, très critiquée, des aides au logement, qui ne pourrait être qu'une étape avant une réforme d'un système accusé d'entretenir la hausse des loyers.

Une responsable du ministère de la Cohésion des territoires, en charge notamment du Logement, a annoncé samedi à l'AFP que toutes les aides au logement allaient baisser de 5 euros par mois et par foyer à partir d'octobre et assuré qu'il s'agissait de « l'application d'une réforme d'économie budgétaire décidée sous le quinquennat précédent ».

« Nous ne l'avons jamais envisagée. Jamais. Je suis formel. Elle ne nous semblait pas juste », a répliqué dimanche l'ex-ministre du Budget de François Hollande, Christian Eckert. Son ancienne collègue au Logement, l'écologiste Emmanuelle Cosse, a elle accusé le nouveau gouvernement « de dire n'importe quoi ».

Le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin, « n'assumant pas cette mesure de rigueur très dure et qui va faire très mal dans les publics défavorisés, explique que c'est l'application d'une réforme que nous aurions mis en place, ce qui est faux », a-t-elle dénoncé.

Mais l'actuel ministre de la Cohésion des territoires, Jacques Mézard, assure que « c'est une mesure qui découle du fait que le projet de loi de finances 2017 avait été sous-doté, car le précédent gouvernement avait prévu, sans l'annoncer, une baisse du montant de ces aides de 140 millions d'euros ». « Sauf qu'ils nous ont laissé la faire », a poursuivi M. Mézard, en ajoutant que le gouvernement n'avait « pas d'autre solution que de la mettre en œuvre pour combler ce trou ».

Selon M. Eckert, « à chaque changement de ministre, il se passe le même scénario : la direction du Budget présente une liste de mesures que l'on appelle le musée des horreurs, des mesures généralement refusées par les prédécesseurs et qu'elle essaye de replacer ». Il a par ailleurs estimé qu'il était trop tôt pour parler de « trou budgétaire ». « L'année n'est pas terminée. Comment peuvent-ils savoir en juin qu'il va manquer 140 millions à la fin de l'année sur un budget de 18 milliards d'euros », s'est-il interrogé.

Effet pervers

Les aides au logement bénéficient à 6,5 millions de ménages français pour un montant moyen de 225 euros par mois. Versées par la Caisse d'allocation familiale (CAF), elles se décomposent en trois catégories : aide personnalisée au logement (APL), qui profite notamment à environ 800.000 étudiants, allocation de logement familial (ALF), et allocation de logement social (ALS).

Une baisse de 5 euros par mois et par ménage représenterait ainsi une économie mensuelle de 32,5 millions d'euros, soit 97,5 millions sur les trois derniers mois de l'année en cours.

Les organisations étudiantes Fage et Unef ont été les premières à dénoncer cette décision, évoquant une aide « vitale » alors qu'un étudiant sur quatre est sous le seuil de pauvreté et que plus de 100.000 travaillent à mi-temps pour financer leurs études.

Dimanche, le délégué général de la Fondation Abbé Pierre, Christophe Robert, a demandé être reçu par le gouvernement après cette annonce qui va pénaliser « les plus pauvres ». « Avec les minima sociaux, l'aide au logement est celle qui lutte le plus contre l'exclusion et la pauvreté dans notre pays », a-t-il plaidé.

Cette baisse ne pourrait être qu'une étape avant une révision plus profonde. S'il « n'a jamais été question de les supprimer », « ces aides ont comme effet pervers de faire augmenter les loyers au plus grand bénéfice des propriétaires », argumente M. Mézard.

Avec « la formation professionnelle et les dépenses d'intervention sociale », le logement fait partie des trois politiques « identifiées par le gouvernement pour lesquelles la France dépense plus que ses voisins sans pour autant améliorer les services », selon M. Darmanin. « Toute notre action réformatrice se concentrera, du moins dans les premiers mois de notre mandat, sur l'amélioration de l'efficacité de ces politiques », a-t-il annoncé jeudi à l'Assemblée.

Emmanuel Macron a aussi annoncé une loi à l'automne visant à « libérer des terrains plus rapidement » et à réduire délais et contraintes sur la construction dans les zones en forte tension (Grand Paris, Grand Lyon et Aix-Marseille).